Alors que la Birmanie s’ouvre, le Vietnam muselle les critiques des blogueurs

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19 septembre 2012

Par Simon Roughneen

RANGOON, Birmanie – C’est un signe des temps qu’un journaliste en Birmanie est en train d’écrire sur la répression de la liberté d’expression dans un pays voisin.

Avec près de 80 prisonniers politiques libérés dans une autre amnistie le 17 septembre et avec le nouveau ministre de l’Information Aung Kyi annonçant que le récemment formé Conseil de la Presse serait libéralisé, la Birmanie démonte peu à peu les vestiges de l’autoritarisme qui faisaient autrefois la réputation des dirigeants militaires du pays.

Cependant, dans le Vietnam dirigé par les communistes, l’ancien ordre tient le coup. « Un méchant complot des forces hostiles », c’est la sinistre et vague description venant du bureau du Premier ministre Nguyen Tan Dung le 12 septembre, pour décrire trois blogs qui ont publié des articles sur la corruption au Vietnam et des querelles internes au sein du Parti communiste.

Selon un rapport de Reporters sans frontières :

Les trois blogs d’informations dissidentes mentionnés dans la directive du Premier ministre – Dan Lam Bao (« journalistes citoyens »), Quan Lam Bao (« hauts fonctionnaires journalistes ») et Bien Dong (« Mer de l’Est ») – ont révélé plusieurs scandales politico-financiers impliquant diverses factions du Parti communiste.

Citant l’article 88 (a) du Code Pénal, le premier ministre a accusé les blogs de propagande anti-gouvernementale, « fabricant et déformant l’information et s’agitant contre le Parti communiste et l’Etat. » La veille de l’émission de la directive, les autorités ont interdit aux fonctionnaires la lecture des blogs.

Besoin d’un forum indépendant

Le rédacteur en chef de l’un des blogs en question, Dan Lam Bao, dit à MediaShift PBS que le site « est né en 2010 de la nécessité critique d’avoir un forum indépendant où les internautes peuvent partager leurs pensées, leurs préoccupations locales et nationales librement, sans ingérence, et accéder aux informations exactes, impartiales, fiables et en temps opportun, sans censure. »

Le rédacteur en chef de Dan Lam Bao a communiqué avec MediaShift PBS anonymement pour des raisons de sécurité. Il affirme que « nos lecteurs ont faims d’information sur les dirigeants du Parti communiste – leur richesse personnelle ou leurs abus du pouvoir et de la corruption, ou encore les luttes intestines qui se produisent entre les factions du parti. Notre blog traite de toutes ces questions, et c’est la « raison politique » pour laquelle le gouvernement vietnamien cible agressivement notre blog. »

Les dirigeants du Vietnam sont secrets, et détecter les rivalités internes est difficile – mais néanmoins payante – pour les vietnamiens qui ont faim d’informations. L’avocat Le Quoc Quan, basé à Hanoi, estime que les écrits en ligne au sujet d’une rumeur de lutte de pouvoir entre le Premier ministre et le président Truong Tan Sang ont attiré des lecteurs et agacé les dirigeants communistes – au moins ceux du bureau du Premier ministre.

« Le journalisme citoyen, la presse non-officielle, les publications via les réseaux sociaux, SMS, Facebook et les blogs sont en développement continu et jouent un rôle de plus en plus important dans la société », déclare Le Quoc Quan, qui est le conseil de la paroisse Thai Ha à Hanoi, qui a organisé le 26 août une veillée pour obtenir la libération de 4 blogueurs catholiques détenus sans jugement depuis l’année dernière.

En revanche, l’une des agences de presse officielle du Vietnam rapporte la directive du Premier ministre sur les blogs comme suit : « Le Premier ministre a demandé aux agences concernées d’enquêter sur plusieurs sites Web qui déforment la situation au Vietnam, disent du mal de la direction du Parti, et incitent les troubles sociaux contre l’administration. »

Enquêtes brutales

Cependant, les enquêtes sont parfois rudes. Le 17 septembre, l’épouse et la sœur respectives des blogueurs emprisonnés Nguyen Van Hai et Ta Phong Tan ont été arrêtées et battues par la police à Bac Lieu, une ville du sud, selon le groupe de surveillance de la liberté de presse Reporters sans frontières.

La mère de Ta Phong Tan est morte à Bac Lieu, après s’être immolée par le feu il y a 51 jours devant le siège local du Parti, pour protester contre les opaques procédures judiciaires contre sa fille, une ancienne policière qui traitait des questions sociales sur son blog, Conglysuthat (Justice et Vérité).

Les deux blogueurs ont créé le Club des Journalistes Libres en 2007 avec un autre écrivain emprisonné, Phan Thanh Hai. Les trois seront jugés le 24 septembre – une procédure qui a été reportée à plusieurs reprises déjà avec Nguyen Van Hai, plus connu sous son nom de plume Dieu Cay (« la pipe du paysan »), détenu au secret depuis que les autorités ont refusé de le libérer à la fin 2010 après la fin d’une précédente peine d’emprisonnement. Cette sentence a été prononcée en 2008 au cours d’une campagne de répression contre les écrivains osant écrire en dehors des limites fixés par l’état aux médias.

Tous trois risquent jusqu’à 20 ans de prison pour avoir violé l’article 88 du code pénal vietnamien, qui interdit « créer, stocker et/ou faire circuler des documents et/ou des produits culturels dont le contenu est contre la République socialiste du Vietnam. »

Préoccupations économiques

Les dirigeants du Vietnam ont vu passer une croissance économique spectaculaire durant la dernière décennie, avec un taux de croissance entre 7 et 8% en moyenne au cours des années 1990 et 2000, doublant le PIB par habitant à 1.100 dollars US.

Le compromis était que le peuple vietnamien ne doive pas réclamer ouvertement un système politique plus ouvert tant que l’économie reste sur une pente ascendante.

Alors que l’économie du pays se développe, les histoires de corruption ont progressé en parallèle, et écrire à propos de ces tares semble contrarier un gouvernement nerveux. L’avertissement du Premier ministre sur les trois blogs est venu peu de temps après l’arrestation le 20 août dernier d’un grand banquier et homme d’affaires Nguyen Duc Kien – qui est, dit-on proche du Premier ministre – sur des accusations floues de « commerces illégaux », provoquant une baisse de l’indice boursier du Vietnam.

L’inflation atteint 20% en 2011 – mais a chuté au-dessous de deux chiffres au début de cette année. Dans le dernier classement de la compétitivité mondiale publié par le Forum économique mondial (WEF), le Vietnam est passé de 2010 de la 59e place à la 75e cette année, sur 144 pays analysés. Ces derniers mois, les scandales retentissants et emprisonnements impliquant des entreprises d’état géantes mais mal gérées ont encore terni l’image du gouvernement au niveau national et à l’international.

Un grand nombre de vietnamiens connectés

Maintenant, comme la muraille économique protégeant le parti unique montre des signes de faiblesses, la dictature sur la défensive semble plus que jamais convaincue de la nécessité de supprimer la liberté d’expression, de peur que sa légitimité ne soit remise en cause.

Environ 34 millions de Vietnamiens sont connectés à Internet, un taux plus élevé que les populations des pays voisins soi-disant démocratique que sont l’Indonésie et la Thaïlande, et ces lecteurs veulent des informations autres que celles fournies par la presse officielle.

Le développement de l’Internet au Vietnam a facilité l’écriture, la publication et la lecture des Vietnamiens de documents potentiellement en violation avec les lois draconiennes et floues du pays. Cependant, le gouvernement vietnamien travaille sur une autre loi qui pourrait freiner l’activité en ligne, qui pourrait exiger que les sociétés Internet étrangères respecte les mêmes règles que leurs homologues vietnamiennes, peut-être via la création d’agences locales qui seraient tenues de respecter les règles de la censure au Vietnam.

Simon Roughneen est un journaliste basé en Asie du sud-est, qui a enquêté plusieurs fois au Vietnam. Il écrit pour le Christian Science Monitor, The Irrawaddy et d’autres. Il est sur twitter @ simonroughneen et vous pouvez le cercle sur Google+.

Source : PBS MediaShift

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