Entretien : L’ ‘autre’ parti politique du Vietnam

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Shawn W. Crispin

8 avril 2016

Le Diplomat s’est entretenu avec le porte-parole du parti politique le plus sévèrement sanctionné du Vietnam sur la politique du pays.

Duy Hoang est le porte-parole aux États-Unis de Viet Tan, le parti politique le plus sévèrement sanctionné du pays qui revendique des milliers de membres au Vietnam et parmi la diaspora vietnamienne à travers le monde.

Alors que le Vietnam se prépare pour les élections législatives le 22 mai, il s’est entretenu avec Shawn Crispin du Diplomat sur les différences les plus notables entre Viet Tan et le Parti communiste au pouvoir, ainsi que sur la raison pour laquelle les prochaines élections à l’Assemblée nationale ne doivent pas être perçues comme un pas en avant vers une démocratie multi-partite au Vietnam. Ci-après un extrait de cet entretien.

Depuis 2002, le Vietnam est amené à élire les membres de l’Assemblée nationale pourtant le Parti communiste maintient sa main-mise du pouvoir. Pouvez-vous expliquer pourquoi ?

Le Vietnam est un état communiste à parti unique, pas une démocratie parlementaire. Pour le Parti communiste, l’Assemblée nationale n’est qu’une simple formalité et tout le système électoral n’est ni libre ni équitable. Pour faire court, le peuple vietnamien n’a pas beaucoup prêté attention aux élections législatives et le Parti communiste non plus.

Les médias ont indiqué qu’un nombre sans précédent de candidats indépendants s’étaient présentés cette année. Pouvez-vous nous dire dans quelle mesure les élections de cette année sont différentes ?

En théorie, l’Assemblée nationale représente le peuple et tous les citoyens peuvent se porter candidat. Dans la pratique, la plupart des Vietnamiens sont indifférents aux élections parce qu’ils savent que le Parti communiste ne respecte ni la loi ni les textes de la constitution.

La différence cette année c’est que des dizaines de militants sont prêts à remettre en question le statu quo en exerçant simplement leurs droits selon la constitution vietnamienne. Cela s’apparente à de la résistance passive, mais plutôt que de contester les lois injustes du régime, les militants contestent l’application injuste du régime des lois en vigueur.

Les responsables du Parti ont vanté ces élections comme étant la preuve de “l’esprit démocratique du Vietnam. Qu’en pensez-vous ?

Pour être clair, le Parti communiste se plaît à dire que le Vietnam est “mille fois plus démocratique” que les pays occidentaux. Comme toujours, il y a un grand écart entre la propagande officielle et la réalité sur place. Nous sommes témoins aujourd’hui de la détermination et de la créativité des militants d’exercer leurs droits fondamentaux pour accéder à un espace politique plus grand – et ce malgré les risques de harcèlement et de persécution des autorités.

Les prochains scrutins doivent-ils être perçus comme un mouvement d’approche vers une démocratie multipartite ?

Absolument pas.

Pourquoi les autorités se sentent-elles alors obligées de le faire croire alors que le Vietnam est assurément encore un Etat autoritaire à parti unique ?

Même les gouvernements autoritaires sont obligés d’embellir leur légitimité. La République socialiste du Vietnam était précédemment connue sous le nom de “République démocratique du Vietnam”, la Corée du Nord est appelée “République démocratique populaire de Corée” et l’Allemagne de l’Est était bien sûr la “République démocratique allemande”.

C’est embarrassant de reconnaître que vous violez les droits de l’homme ou les principes démocratiques. C’est pourquoi les autorités de Hanoï prétendent que le Vietnam ne détient aucun prisonnier politique et qu’il n’est pas nécessaire de tenir de vraies élections parce que le Parti communiste bénéficie déjà du soutien du peuple.

Mais en définitive tous les gouvernements ont besoin du consentement des gouvernés. Dans un pays libre, le consentement est donné aux urnes. Dans une société autoritaire, le consentement populaire est obtenu par la peur. Mais à travers les médias sociaux et la résistance passive via le net, les Vietnamiens montrent qu’ils sont moins disposés à vivre dans la peur.

Pourriez-vous nous parler brièvement de Viet Tan : nous parler un peu de vos membres, de la politique du Parti et des relations que vous entretenez actuellement avec le Parti communiste.

On compte des membres de Viet Tan dans toutes les couches sociales du Vietnam et de la diaspora vietnamienne. Notre objectif est de promouvoir le changement politique par des moyens pacifiques. Nous œuvrons pour un Vietnam moderne et évolué où les droits de l’homme seraient respectés. Cela ne pourra se faire que si les Vietnamiens peuvent dire ce qu’ils pensent quant à l’avenir du pays.

Nous soutenons fortement une presse indépendante de facto – en préconisant la liberté d’Internet et en mettant en avant un journalisme citoyen – parce que c’est la liberté d’information qui permet à chacun de se prendre en mains. De la même manière, Viet Tan estime que le peuple vietnamien doit être acteur du changement. C’est pourquoi nous nous efforçons à soutenir les mouvements populaires et les sessions de formation.

Quelle est la théorie principale entre les deux parties ? Pourquoi les autorités se réfèrent-elles parfois à Viet Tan comme une organisation “terroriste” ?

Alors qu’au début de son histoire, le Parti communiste vietnamien avait attiré beaucoup d’idéalistes, beaucoup s’étant sacrifié pour ce qu’ils pensaient être juste pour leur pays, le Parti communiste est aujourd’hui le plus grand obstacle au progrès et au développement du Vietnam. L’obstination du Parti de détenir le monopole du pouvoir alimente les violations des droits de l’homme et les injustices sociales. Pour la direction du Parti communiste, toute personne ayant un point de vue autre que le sien est perçue comme un ennemi et est une menace pour le Parti.

Les autorités ont à plusieurs reprises arrêté des membres de Viet Tan sous des accusations de “subversion” ou de “terrorisme”. A entendre, ça peut paraître inquiétant, mais en fait les activités des membres de Viet Tan pour lesquelles les autorités les ont accusé sont surtout d’avoir tenu des blogs, assisté à des formations sur la participation civique, distribué des tracts, assisté à des rassemblements publics ou s’être occupé de groupes de personnes en marge de la société. Tout ça ne vise qu’à exprimer pacifiquement leurs opinions politiques en vertu des droits de l’homme inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans la plupart des cas, dans la constitution vietnamienne.

Et ce n’est pas seulement que Viet Tan. Beaucoup d’autres militants des droits de l’homme, travaillant seul ou avec d’autres groupes pro-démocratie, ont été arbitrairement détenus. Au cours de ces quinze derniers jours, sept militants ont été condamnés pour “propagande contre l’État” ou “abus des libertés démocratiques”. Ce qui pose vraiment problème c’est que le régime communiste vietnamien ne tolère pas l’opposition pacifique et il considère souvent les critiques comme des ennemis mortels et des “terroristes”.

Combien de vos membres se sont présentés aux élections et dans quelle mesure peuvent-ils courir librement sous la bannière de Viet Tan ?

Nous soutenons les efforts de chacun pour augmenter l’espace politique au Vietnam et pour appeler les autorités de Hanoi à respecter leurs obligations internationales ainsi que les lois du pays. Toutefois, nous ne voyons pas ces élections comme de vraies élections. Nous ne considérons pas non plus l’Assemblée nationale comme étant l’organe politique légitime. De ce fait, il n’y a aucun sens pour Viet Tan de présenter un candidat à ces élections.

Vos membres ou vos sympathisants ont-ils été victimes de harcèlement durant la période des élections ?

Plusieurs militants vietnamiens ont été victimes de harcèlement. Ça nous inquiète parce qu’à chaque fois que quelqu’un est persécuté cela touche tout le mouvement [pro-démocratie].

Pensez-vous que la tentative du Parti qui dit que les élections législatives sont libres et équitables aura un écho dans la communauté internationale, notamment à Washington ?

Je ne pense pas que quelques articles dans les médias vietnamiens d’Etat changeront la perception ou la réalité du système politique autoritaire du Vietnam. Avant que le Vietnam ne devienne un Myanmar [maintenant démocratique], les autorités communistes doivent d’abord libérer les prisonniers de conscience et autoriser une politique d’opposition.

Source : The Diplomat

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