Les blogueurs vietnamiens utilisent le pouvoir du net pour défier le gouvernement

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23 août 2012

Stuart Grudgings

Le fermier Le Dung et ses amis villageois ont fait des stocks de cailloux et de cocktails Molotov pour combattre la police qui essayait de prendre possession de leurs terres dans le cadre d’un programme de construction de propriétés de luxe proche de la capitale vietnamienne.

Cependant, leur arme la plus puissante s’est révélée être l’équipement qu’ils avaient configuré avec l’aide d’activistes numériques pour filmer et diffuser la confrontation, qui elle-même a été ignorée par les médias d’État.

Quelques heures seulement après l’attaque survenue un matin d’avril, la vidéo montrant plusieurs milliers de policiers lançant du gaz lacrymogène et frappant les fermiers de la province de Van Giang à l’est de Hanoï s’est répandue sur le net.

L’alliance peu probable entre des fermiers et des cyber-activistes provenant de zone urbaine illustre la rapide évolution du problème auquel est confronté le Parti communiste. Les vietnamiens prennent de l’assurance dans leurs protestations, sur des questions allant du problème des terres à la corruption et à l’expansionnisme de la Chine.

Le gouvernement a répondu par des mesures de répression sur les blogueurs qui lui ont valu le titre d’« ’Ennemi d’Internet » par l’organisation de défense de la liberté de la presse et de la liberté d’expression, Reporters sans frontières, laquelle a déclaré que seules la Chine et l’Iran ont fait plus de journalistes prisonniers.

Les censeurs de l’état à parti unique bloquent systématiquement Facebook et d’autres sites de réseaux sociaux, bien qu’une communauté d’activistes numériques trouve souvent des moyens pour contourner les pare feux, illustrant l’énorme défi que doit relever le gouvernement d’un pays où un tiers de sa population de 88 millions d’habitants est en ligne.

« Au début, on ne comprenait pas comment ça pouvait nous aider, mais maintenant nous en voyons la valeur. Notre lutte a circulé dans le monde entier », dit Le Dung qui s’est battu durant la guerre de 1979 contre la Chine, tout en étant assis sous le cadre d’un portrait de l’’ancien leader communiste vietnamien Ho Chi Minh. « Si nous n’avions pas utilisé internet, les autorités nous auraient tués ; maintenant ils savent qu’ils doivent faire attention ».

L’incident de Van Giang et d’autres conflits de terrains couverts par des blogueurs ont déclenché un important débat au niveau national sur comment le gouvernement devrait apporter des amendements aux lois agraires du Vietnam avant l’expiration des baux de 20 ans touchant les terrains publics des fermiers arrivant à terme l’année prochaine. La rapide croissance économique a mis la pression sur les fermiers : les propriétés industrielles, les maisons, les routes se développent, ce qui amène un lot violents de conflits fonciers. Les fermiers se plaignent que les offres de dédommagement qui proviennent souvent de sociétés liées à des hommes politiques très influents sont beaucoup trop faibles.

Le fermier pisciculteur Doan Van Vuon a été élevé au rang de héros au début de l’année après avoir résisté par les armes aux autorités locales qui voulaient s’approprier son terrain situé près de Hai Phong. Les médias d’état et les blogueurs ont largement fait écho de cette affaire.

Les blogueurs font le lien entre les problèmes de terrains et d’autres affaires. Tous ayant le même thème : un gouvernement qui ne pense qu’à satisfaire les gros intérêts économiques, et qui reste insensible aux demandes populaires.

« La résistance par le blog prend de plus en plus d’importance » indique Nguyen Van Dai, avocat et défenseur des droits de l’homme qui lui-même a été emprisonné durant quatre ans pour avoir utilisé internet et appelé à la démocratie. Nguyen Van Dai est toujours assigné à résidence à son domicile de Hanoï.

Nguyen ajoute « le gouvernement ne peut pas avoir des secrets comme avant ».

Un activiste influent, qui écrit sous le pseudo de Boris et travaille dans une entreprise d’Etat, a permis aux fermiers de Van Giang de connaître leurs droits et leur a montré comment envoyer des images et des vidéos en utilisant leurs téléphones portables. Même si les quelques 1.000 familles qui vivent là-bas n’ont pas réussi à faire échouer le projet de 500 hectares d’Ecopark, Boris pense que toute la publicité autour de l’incident a empêché d’autres promoteurs immobiliers de faire des projets similaires.

Boris, qui se targue de pouvoir faire descendre 1.000 personnes dans les rues de Hanoï en un jour, dit qu’il a également joué un rôle important dans l’organisation des manifestations contre l’expansionnisme chinois en Mer de Chine méridionale – une réclamation revendiquée par d’autres blogueurs. L’année dernière, le gouvernement avait autorisé que des manifestations contre la Chine aient lieu, mais avait vite pris des mesures contre les manifestants quand ils ont pris conscience que cela ne pouvait être que l’étincelle à plus de mécontentement.

Certains militants ont un fabuleux courage quand on pense aux peines de prison sévères qui ont été prononcées à l’encontre des autres militants arrêtés pour « propagande anti-gouvernementale ».

Alfonso Le, un blogueur de 42 ans qui tient le blog « Le Réveil de la Patrie » a parlé aux médias dans un tout petit café de Hanoi, alors qu’un policier en uniforme kaki se trouvait dans la pièce.

« Maintenant, avec la popularité des réseaux sociaux, ce n’est pas aussi facile pour la police d’arrêter les gens » dit Le, utilisant son nom d’utilisateur Facebook. « Si la police cherche les ennuis, il me suffit de poster un message sur mon mur Facebook et beaucoup de monde se ramèneront ».

Son activisme a un prix. Il dit qu’il a été arrêté trois fois et qu’il a divorcé de sa femme parce qu’elle avait donné des informations à la police.

Un autre blogueur, qui a demandé à garder l’anonymat, occupe également une place dans le monde des blogs tolérés. Elle pense ne pas être en danger tant que ses écrits restent dans les « limites rouges » Dans son blog, une manifestation peut être désignée comme étant « une parade » ou « une promenade ».

Néanmoins, elle est parfois suivie par la police et a été arrêtée ce mois-ci lors d’une manifestation contre la Chine et a effectué une journée en camp de rééducation pour « utilisation de narcotiques et prostitution ».

« Ils [les autorités] sont morts de peur après ce qui s’est passé en Birmanie [le Myanmar] et dans les pays arabes » dit-elle.

Selon Reporters sans frontières, l’ancien officier de l’armée Le Thanh Tung a été le dernier cyber-activiste à être condamné ce mois-ci à une peine de cinq ans de prison alors que son procès n’a duré qu’une heure. Un procès survenu moins d’une semaine après que le blogueur Dinh Dang Dinh ne soit lui-même condamné à six ans de prison.

Le procès de trois autres blogueurs célèbres a été reporté ce mois-ci après que la mère d’un d’entre eux ne trouve la mort en s’immolant par le feu.

Washington a fait part de ses préoccupations au Vietnam concernant un nouveau projet de décret qui obligerait les internautes à s’inscrire sous leurs vrais noms, et qui permettrait ainsi au gouvernement de repérer plus facilement les cyber-détracteurs.

Toutefois, le spécialiste du Vietnam, Professeur Carl Thayer de l’Académie Australienne des Forces de Défense, pense que les tentatives du gouvernement de contrôler internet ne servent probablement à rien connaissant l’expansion du web au Vietnam et le talent des blogueurs pour contourner les barrières technologiques. Selon la société d’étude de marché Cimigo, le Vietnam détient le taux de croissance le plus rapide au monde concernant l’utilisation d’internet.

Le développement du réseau internet à Hanoï et dans la capitale commerciale du Sud, Hô Chi Minh-Ville, a dépassé les 50 pour cent.

D’après Thayer, « je ne pense pas que le gouvernement vietnamien puisse gagner cette bataille ».

Le problème épineux des droits fonciers, touche la légitimité du Parti Communiste vietnamien en plein fouet puisqu’il elle tire à la base son pouvoir des 10 millions de fermiers qui le constitue. C’est avec ça que les blogueurs ont touché le plus grand monde.

Suite aux affrontements de Van Giang et de Hai Phong, certains législateurs et universitaires ont demandé que les terrains soient reconnus propriétés privés afin de protéger les fermiers – une proposition jusqu’ici impensable dans un pays où la propriété d’Etat est inscrite à la constitution.

Nguyen Duc Kien, Vice-président à la commission économique de l’Assemblée Nationale vietnamienne, a déclaré aux journalistes que les lois agraires du pays seraient révisées et que les fermiers seraient autorisés à rester sur leurs terres après l’an prochain. Si on traduit littéralement, la loi actuelle permet à l’Etat de reprendre les exploitations sans aucune compensation à la fin du bail.

« Les problèmes de terrains sont une source potentielle de tension dans la société » dit-il.

Les commentaires de Nguyen ainsi que ceux d’autres responsables du gouvernement ont convaincu les cyber-activistes que les baux seront prolongés, bien que cela ne résolve pas en soi le problème d’usurpation de terrain par les promoteurs privés soutenus par l’Etat.

« Les blogueurs ont joué un rôle important pour en arriver là » note le blogueur Le. « Nous avons montré une autre facette de l’histoire. Nous avons montré que ce que disait le Parti était une chose, que ce qu’il faisait en était une autre. »

Source : Reuters

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