Perspectives de démocratie et de droits de l’homme au Vietnam

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Discours de M.Do Hoang Diem, Président de Viet Tan, durant la conférence parlementaire à Ottawa le 19 novembre 2014, organisée par le député canadien Wayne Marston.


Monsieur Wayne Marston,

Honorables membres du Parlement,

Mesdames et Messieurs,

J’aimerais tout d’abord remercier Monsieur Marston de nous accueillir et de me permettre de prendre la parole aujourd’hui. A la fin de la guerre du Vietnam en 1975, le Canada a chaleureusement accueilli de nombreux réfugiés vietnamiens et leur a fourni un nouveau foyer. Nous tenons à vous exprimer notre profonde gratitude pour toute votre gentillesse et votre générosité.

Aujourd’hui, près de 40 ans plus tard, beaucoup de gens peuvent se demander pourquoi il est encore important que le Vietnam puisse jouir des droits de l’homme et de la démocratie. Je voudrais aborder cette question maintenant, avant même de parler de ce que le Vietnam pourra devenir dans les cinq à dix ans à venir.

Avec près de 90 millions d’habitants, le Vietnam est un pays de taille moyenne avec d’abondantes ressources naturelles et un énorme potentiel économique. Plus de la moitié de sa population est née après 1975 avec un taux élevé de scolarisation. C’est pourquoi le Vietnam séduit les investisseurs étrangers.

De plus, le Vietnam bénéficie d’un emplacement géopolitique stratégique, et possède un littoral de 2.200 kilomètres de long dans la zone très convoitée de la Mer Orientale (également connue sous le nom de Mer de Chine Méridionale). Cette zone est l’une des voies de navigation maritimes les plus fréquentées au monde et est d’une importance cruciale pour le commerce international avec 75 % du trafic passant par la zone économique exclusive du Vietnam. En outre, le Vietnam a une armée moderne et bien formée qui peut certainement jouer un rôle central dans le renforcement de la sécurité régionale. Pour ces raisons, la transition vers un Vietnam libre et démocratique, où les droits de l’homme seraient respectés et où l’Etat de droit serait la norme, est très important. Cette transition placerait le Vietnam dans une meilleure position et lui permettrait de poursuivre un développement économique et social durable, de devenir un meilleur partenaire commercial ; et d’obtenir un plus grand soutien de la population concernant les principales mesures en matière de sécurité nationale et de stabilité régionale. Bref, un Vietnam libre et démocratique peut être la force stabilisatrice importante de l’Asie du Sud-Est qui peut aider à poser les bases d’une ASEAN plus prospère.

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De gauche à droite : Me Chris Mc Leod, M. Do Hoang Diem, M. Wayne Marston et Me Khanh Vu Duc.

Malheureusement, le Vietnam est l’un des cinq derniers régimes totalitaires communistes restants au monde. Il est inutile de dire que la situation en matière des droits de l’homme au Vietnam a été catastrophique au cours des 60 dernières années depuis que le Parti communiste a pris le contrôle du Nord-Vietnam en 1954. La situation des droits de l’homme n’a fait qu’empirer après la défaite du Sud Vietnam en 1975. Je ne vais pas vous ennuyer ici avec des détails puisqu’ils sont facilement disponibles au travers des organisations internationales telles que Human Rights Watch, Reporters sans frontières, et le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.

Ce que j’ai de plus important à vous demander aujourd’hui, c’est ce qui se passer sur le plan politique au Vietnam dans les cinq à dix années à venir. Ou, pour poser la question différemment, quelles sont les perspectives en matière de démocratie et de droits de l’homme au Vietnam avant la fin de cette décennie ?

Pour répondre à cette question, nous devons d’abord regarder le paysage actuel du Vietnam. Pendant très longtemps, le régime communiste semblait avoir un contrôle très ferme, et dirigeait le pays d’une poigne de fer sans aucune dissidence ou opposition politique apparente. Cependant, tout cela a commencé à changer dans les années 1990. Tout d’abord, petit à petit. Cependant, dès 2006, le rythme s’est accéléré. Au cours des huit dernières années, le contrôle du régime sur la société a été constamment mis à mal, de nombreuses forces contestant ouvertement le régime à parti unique.

Actuellement, le régime communiste vietnamien fait face à cinq grands défis :

1 Il existe des luttes intestines et une lutte du pouvoir intense entre deux principales factions – Le Premier Ministre Nguyen Tan Dung d’un côté, le Président Truong Tan Sang et le Chef du Parti communiste Nguyen Phu Trong de l’autre. Ce conflit interne est très grave et est connu du public. Ceci a un effet paralysant sur les cadres supérieurs, nuit à leur commandement, et engendre des animosités non seulement de la part de la population mais aussi de la part des personnes au sein même du gouvernement. Le 12ème Congrès du Parti communiste aura lieu en 2016. Cette lutte de pouvoir ne peut que s’intensifier avec un impact encore plus négatif sur l’unité et l’autorité du Parti.

2. Le régime est largement considéré, tant par la population que par les membres du Parti, comme faible et peu enclin à résister à l’agression chinoise constante en Mer Orientale. En plus de cela, leur lien étroit avec Pékin et leurs efforts pour défendre leurs relations avec le Parti communiste chinois font d’eux des traîtres aux yeux du peuple. Les sentiments anti-chinois et anti-gouvernementaux sont devenus une cause universelle qui unit tout le monde contre le régime.

3. Du fait de ces luttes intestines, du problème avec la Chine, et de la corruption qui règne au sein du gouvernement actuel, de nombreux anciens fonctionnaires de haut rang, des intellectuels communistes du Parti et des membres du Parti ont rejoint le mouvement pro-démocratie pour exiger une plus grande liberté politique et les droits humains. Certains ont même créé leur propre organisation pour défier la loi du parti unique. Pendant ce temps, le moral au sein du Parti s’est fortement détérioré. Le nombre de membres ayant quitté le Parti ou ayant simplement cessé de participer aux activités du Parti a atteint un nouveau record, obligeant le gouvernement à se démener pour trouver une solution.

4. En dépit d’une large répression débutée en 2007, le mouvement naissant pro-démocratie a prouvé sa résilience et continue à prendre tous les jours de l’ampleur. Internet a prouvé être un facteur extrêmement précieux et puissant. Avec près de 40 millions de personnes ayant accès à internet et environ 25 millions de comptes Facebook, internet et les médias sociaux ont permis aux gens et aux militants de contourner l’absence – hors-ligne – de liberté d’expression, liberté de presse et liberté d’association. En outre, les protestations de la population contre la corruption du gouvernement, la brutalité de la police, et d’autres problèmes sociaux ont renforcé et ont fourni une puissance de pouvoir au mouvement pro-démocratie.

5. L’économie est en difficulté en raison des années de mauvaise gestion et de corruption, sans solution en vue. La croissance du PIB actuel, autour de 5,4 %, est au plus bas depuis 2005. Dans le même temps, l’inflation stagne autour des 7 %, tandis que la dette publique a atteint un niveau sans précédent de 90 % du PIB. En plus de cela, le secteur financier a besoin d’une refonte complète en raison de mauvaises pratiques, d’abus et de corruption. Plus important encore, les hauts dirigeants ne veulent pas prendre les mesures qui seraient nécessaires pour résoudre ces problèmes en raison de l’impact potentiel sur leurs propres comptes personnels et en raison de la pression de puissants groupes d’intérêts qui les entourent.

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Les défis mentionnés précédemment soumettent le régime de Hanoi devant leur plus grand défi depuis l’effondrement de l’Union Soviétique. Si l’on se projette dans les toutes prochaines années, il y a trois scénarios possibles :

1. Le régime passe avec succès tous les défis et maintient une forte emprise sur le pouvoir.

2. Le régime est encore plus affaibli et doit accepter, à des degrés divers, l’ouverture politique.

3. Le régime perd le contrôle et laisse place à un nouveau gouvernement.

Clairement, ils veulent que le premier scénario se réalise. Pour ce faire, ils doivent, à tout le moins, accomplir trois choses dans les prochaines années. Premièrement, ils doivent aplanir toutes les différences et faire la paix entre les différentes factions. Deuxièmement, ils doivent apaiser la colère et le ressentiment de la population et des membres du parti. Et troisièmement, ils doivent surmonter les difficultés économiques et endiguer la corruption du secteur financier. Personnellement, je doute que ces choses soient atteintes du fait de la propre nature du régime et de l’ampleur de ces défis.

Sur les deux scénarios restants, je crois qu’il est bien probable que le régime sera encore plus affaibli, au point qu’il devra faire des compromis et s’ouvrir politiquement. Ceci, cependant, ne se fera pas tout seul. Nous devons travailler dur pour que cela arrive. Afin de pousser le régime vers une transition pacifique, l’ouverture politique et la démocratie, nous devons nous mobiliser et nous coordonner pour faire pression sur 4 fronts :

1. Pression politique pour une plus grande liberté, un système multipartite et éventuellement, une règle démocratique. Cela doit venir du mouvement vietnamien pro-démocratie.

2. Pression sociale pour une meilleure gouvernance, la primauté du droit et la réforme sociale. Cela doit venir de la population vietnamienne en général.

3. Pression pour un changement vers un compromis et vers une réforme politique. Cela doit venir de l’intérieur du parti communiste et du régime.

4. Pression internationale pour l’ouverture politique et le respect des droits de l’homme. Cela doit venir de la communauté internationale.

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Heureusement, toutes les quatre pressions sont actuellement présentes au Vietnam. Pour les militants vietnamiens pro-démocratie, notre principale tâche maintenant est de continuer à faire avancer notre campagne non-violente visant à accroître et à coordonner les pressions politique et sociale de l’intérieur Vietnam. Pour la communauté internationale, nous demandons votre aide sur les quatre actions suivantes :

1. Appel à la libération immédiate et inconditionnelle de tous les dissidents politiques, des activistes pro-démocratie et sociaux actuellement détenus en prison.

2. Développer la société civile en soutenant les véritables organisations de base, en particulier celles qui œuvrent pour la réforme sociale, la réforme juridique, la démocratie et les droits de l’homme. De plus, il est crucial de rencontrer et de soutenir les dissidents et les défenseurs des droits de l’homme.

3. Accentuer la réforme juridique en insistant pour que le gouvernement du Vietnam abroge les lois draconiennes telles que les articles 79, 88 et 258 du Code pénal ; et insister pour l’adoption des lois qui protègent les droits à manifester pacifiquement, à se réunir, à exercer la liberté d’expression, et de création des organisations sociales et politiques.

4. Intégrer la question des droits de l’homme dans tous les échanges bilatéraux comme le commerce, l’éducation, la diplomatie et la sécurité.

Aujourd’hui, lorsque je regarde en arrière, je vois un parcours long et difficile et beaucoup de sacrifices consentis par tant de personnes. J’ai rejoint la lutte pour la démocratie et les droits de l’homme dans mon pays quand j’étais encore étudiant à l’université il y a 30 ans. À certains moments, j’ai eu l’impression d’être dans un tunnel sombre sans aucune possibilité d’entrevoir la fin du tunnel. Mais maintenant, 30 ans plus tard, je peux voir la lumière au bout du tunnel. Je crois fermement qu’aucune tyrannie ne peut ou ne va durer éternellement. La perspective pour la démocratie et les droits de l’homme au Vietnam est en vue.

Mais ne vous méprenez pas, le chemin vers la lumière est toujours parsemé de défis et d’obstacles. Depuis de nombreuses années, la communauté internationale, en particulier le gouvernement et le peuple canadien, ont soutenus les droits de l’homme au Vietnam. Nous vous remercions pour tout ce que vous avez fait. Nous savons que cela est, d’abord et avant tout, notre lutte pour notre liberté et un meilleur avenir pour toutes les générations à venir.

Cependant, un Vietnam libre, démocratique et stable est également dans l’intérêt de la région Asie-Pacifique et au-delà. Nous avons encore besoin du soutien et de l’assistance de la communauté internationale pour amener cette lutte à une fin rapide et pacifique, de sorte que le Vietnam puisse devenir un partenaire solide et fiable pour une Asie du Sud-Est sûre et prospère.

Merci encore de m’avoir accueilli ici aujourd’hui. Je suis impatient de travailler avec beaucoup d’entre vous dans le futur.

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