Une décennie d’industrialisation : le poisson et l’homme en paient le prix

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31 octobre 2016

De Duyen Bui, May Tran, Kathy Trieu

L’état vietnamien a souvent été impliqué dans les pires catastrophes environnementales du pays. Malgré l’amendement de la Loi en matière de Protection de l’environnement en 2015, les autorités ont toléré que des industriels rejettent sauvagement leurs eaux usées, entraînant de sérieux dommages sur les communautés locales.

La mort de poissons en avril 2016 sur 200 kms le long des côtes centrales du Vietnam est la pollution industrielle la plus connue. Une aciérie appartenant au Groupe Formosa Plastics a rejeté des eaux usées toxiques dans l’océan, entraînant la mort de plus de 100 tonnes de poissons et détruisant toute vie marine. Au moins 200.000 personnes auraient été affectées par cette catastrophe, soit parce qu’elles sont tombées malades soit parce qu’elles ont perdu tout moyen de subsistance.

Le massacre des poissons de Formosa est le plus grand désastre environnemental que le Vietnam ait connu, mais ce n’est qu’un cas parmi des centaines d’autres cas de pollution provoqués par une industrialisation rapide et une absence de politique gouvernementale.

Capitalisme d’Etat

La Banque mondiale indique que le PIB du Vietnam augmente de plus de 6 % par an depuis 2000. Mais cette croissance pourrait être ralentie en raison du coût de la pollution causée par une industrialisation rapide et une absence de lois en matière d’environnement. En 2015, des experts environnementaux étrangers ont averti les autorités vietnamiennes que pour chaque augmentation de 1 % du PIB, les dégâts environnementaux causés par la pollution pourraient entraîner une perte à gagner de 3 %.

Combattre la pollution industrielle pour parvenir à une croissance durable n’est pas une mince tâche au Vietnam. Les entreprises manquent actuellement de moyens et, plus important encore, de motivations pour traiter les déchets correctement. En outre, beaucoup d’entités étatiques ont des intérêts économiques dans les entreprises qui polluent.

Sonadezi Long Thai est une usine de traitement des déchets qui en 2011 a déchargé ses eaux usées dans un canal voisin, tuant 100 % de la volaille et de l’aquaculture locales. Les autorités de la Province de Dong Nai ont travaillé en étroite collaboration avec des experts environnementaux pour évaluer les dégâts et aider les fermiers locaux à percevoir une indemnisation. Mais ces efforts n’ont pas abouti quand les collectivités locales impliquées ont été notifiées qu’un membre de l’Assemblée Nationale était le Président et Directeur Général de la société Société d’état Sonadezi, soit la société mère de Sonadezi Long Thai.

L’affaire Sonadezi révèle comment le gouvernement lui-même a des intérêts contradictoires qui l’empêchent de protéger l’environnement. La poursuite de l’industrialisation du Vietnam sous une économie de capitalisme d’Etat laisse l’environnement et le peuple vietnamien sans défense contre les pollueurs.

Coût humain et environnemental

Au cours de la dernière décennie, plusieurs affaires illustrent les dommages causés à l’environnement par manque de surveillance.

En 2008, Vedan Vietnam, une entreprise taïwanaise qui produisait du glutamate de sodium ou MSG, rejetait ses eaux usées toxiques dans la rivière Thi Vai River dans la province de Dong Nai.

Les responsables gouvernementaux ont découvert que l’entreprise rejetait ses eaux usées depuis 14 ans, polluant la rivière à 80 %. Près d’une décennie plus tard, les habitants des villes proches de la rivière Thi Vai ne voient aucune amélioration significative de l’état de la rivière. Les gens n’ont toujours pas d’autre choix que de manger, de vivre et de se laver près – et parfois avec – cette eau noire polluée.

Dans de nombreuses affaires similaires de pollution due aux déchets industriels, les coûts humains et environnementaux sont importants :

Problèmes de santé dus à l’eau et aux aliments contaminés

L’eau et les aliments contaminés demeurent le principal danger causé par le rejet des déchets industriels. Dans la plupart des cas, les gens sont trop pauvres pour quitter cet environnement toxique, sans parler de pouvoir acheter des aliments venant des localités avoisinantes ; ils sont forcés de boire et manger des produits contaminés. Les eaux usées rejetées contiennent souvent des quantités élevées de produits chimiques toxiques et cancérigènes (comme l’ammoniaque et le cyanure), entraînant des problèmes de santé allant des maux intestinaux et respiratoires aux problèmes organiques er au cancer.

Dommages causés au gagne-pain du peuple

Malgré la poussée vers l’industrialisation, le Vietnam reste encore largement un pays agraire. L’agriculture et la pêche sont une source de revenus pour des millions de personnes. Mais les eaux usées industrielles ont pollué les terres agricoles et les cours d’eau, détruisant les récoltes et décimant les poissons et les crevettes dont dépendent beaucoup de Vietnamiens pour vivre.

Destruction de l’environnement

Un écosystème naturel peut prendre des décennies pour se remettre après une catastrophe environnementale. La pollution due aux déchets industriels détruit la beauté des ressources naturelles du Vietnam, ce qui est non seulement une perte pour la génération future du Vietnam, mais diminue également l’attractivité du Vietnam comme destination touristique aujourd’hui.

Provinces affected by industrial pollution.

Les provinces vietnamiennes touchées par la pollution.

La réponse du gouvernement

La réponse du gouvernement central et des collectivités locales n’a pas été efficace face aux catastrophes environnementales.

Le gouvernement réagit lentement aux plaintes du public s’agissant de pollution industrielle à moins que ça ne touche l’économie. Dans l’affaire Vedan, cela fait des années que les habitants de la zone touchée ont adressé une pétition à l’administration locale afin qu’elle enquête sur l’entreprise incriminée. Cependant, le gouvernement n’a réagi que lorsque les compagnies de fret ont refusé d’amarrer leurs navires sur la rivière polluée, entravant l’économie de la région.

Alors que les catastrophes environnementales se sont aggravées, certains journalistes des médias d’état ont mené leurs propres enquêtes au lieu d’attendre les informations approuvées par le gouvernement. Dans le cas de la mort des poissons dans le centre du Vietnam, les autorités locales étaient au courant de la pollution générée par le pipeline de la société Formosa depuis début avril 2016. Il a fallu attendre fin juin pour que le gouvernement fasse état de la source et de la cause de la mort des poissons, alors que les journalistes avaient indépendamment déjà mené leurs propres enquêtes et tests pour alerter le public de la gravité de la situation bien des mois auparavant.

En cas d’adoption d’une mesure d’exécution, les entreprises sont condamnées à une amende conformément à la loi, tel que le Décret 179/179/2013/ND-CP sur les sanctions gouvernementales contre les violations de l’environnement. Toutefois, le montant de l’amende est égal à quelques milliers de dollars américains, ce qui n’est pas une force de dissuasion significative pour ces entreprises qui génèrent plusieurs millions de dollars.

Durant une décennie, la société de tannerie en cuir Hao Duong a systématiquement rejeté ses eaux usées dans la rivière Dong Dien près de Saigon. La société a payé une amende ridicule de 500 USD quand elle a été condamnée pour pollution en 2005. Dans les années qui ont suivi, le gouvernement a appréhendé par neuf fois la société pour avoir déversé ses eaux usées dans la rivière avant de la contraindre à suspendre ses opérations en novembre 2013 et de lui demander de payer une amende d’environ 300.000 USD (qui apparemment n’a toujours pas été payée).

Bien que Hao Duong soit fermée jusqu’à ce qu’elle puisse prouver avoir apporté des améliorations à ses installations de traitement des eaux usées, le plus souvent les entreprises continuent à exploiter et à polluer l’environnement. Vedan est toujours en exploitation et a de nouveau été appréhendée pour pollution en 2015 – cette fois-ci pour avoir rejeté ses eaux usées dans les terres avoisinantes au lieu de dans la rivière.

Il est évident que le Vietnam doit disposer de structures pour protéger son environnement. Mais ce grand fléau du capitalisme démontre que les autorités sont au mieux incompétents et, au pire, complices, dans la lutte contre la pollution. En fin de compte, c’est l’environnement et le peuple vietnamien qui souffrent le plus.

Recommandations

Alors que le Vietnam poursuit des accords de commerce internationaux comme le Partenariat Transpacifique, l’impact des dommages écologiques non contrôlés au cours de la dernière décennie révèle qu’il y a plus de perte que de gain lorsque les problèmes de pollution ne sont pas abordés. Nous demandons à ce qu’il y ait davantage de recherche et d’attention aux défis environnementaux du Vietnam.

Les intervenants internationaux devraient :

1. Exhorter à une plus grande transparence et responsabilisation du gouvernement vietnamien, en insistant en particulier sur le nettoyage immédiat des catastrophes écologiques et la fermeture des projets qui polluent continuellement et sévèrement.

2. Fournir une assistance directe pour soutenir les moyens de subsistance et la santé des citoyens vivant dans les zones polluées et les zones industrielles affectées.

3. Aider les avocats et les activistes vietnamiens à faire condamner les entreprises polluantes, faire connaître les préoccupations environnementales et demander réparation pour les résidents locaux.

Viet Tan

La mission de Viet Tan est de mettre fin à la dictature, de poser les fondements d’une démocratie durable par une lutte non violente basée sur la participation civique, qui constitue la meilleure garantie aux exigences de justice et de respect des droits de l’homme auxquels aspire le peuple vietnamien.

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