35 grèves en 3 mois au Viêt Nam

Selon les journaux officiels du Viêt Nam, plus de 35 grèves se sont produites durant le premier trimestre de 2007. Les grèves éclatent principalement dans les zones industrielles de Dong Nai et Binh Duong et touchent surtout les entreprises à capitaux étrangers. Les autorités vietnamiennes disent que les grévistes protestent contre le bas niveau des salaires, le retard dans leur paiement, les horaires à rallonge, les mauvaises conditions de travail.

Grève à l’usine Quinmax le 12 avril

La dernière grève date du 12 avril. Elle a rassemblé 700 ouvriers de la société à capitaux taiwanais Quinmax, à Huê. La principale revendication des grévistes concerne les bas salaires. Selon la législation vietnamienne, les ouvriers travaillant à la chaîne dans les usines à capitaux étrangers doivent percevoir un salaire minimal mensuel de 760 000 dong (38 euros). Les ouvriers se sont révoltés lorsqu’ils ont appris que seuls le personnel de la direction et les agents de maîtrise avaient reçu des augmentations de salaires. Ils se plaignent également de l’absence de protection sociale et des sanctions disciplinaires arbitraires qui donnent lieu à de multiples retenues sur salaires. Selon les ouvriers, aller aux toilettes, parler aux collègues sur la chaîne de travail, et même bailler sont motifs à retenues sur salaires. Les ouvriers disent que sur un an, ils peuvent perdre ainsi jusqu’à un mois de salaire.

Nguyen Thi Ly et Le Thi Tan, deux ouvrières enchaînées à leur poste de travail par leur contremaître dans l’usine Canon le 11 avril

Le 11 avril, Nguyen Thi Ly et Le Thi Tan, deux ouvrières de l’usine japonaise Canon de la zone industrielle Dong Anh, dans la banlieue de Hà Nôi, ont été enchaînées à leur poste de travail par leur contremaître. Peu auparavant, Ly et Tan avaient déposé leur démission pour motifs personnels. Avant de quitter l’usine, elles avaient demandé à deux collègues d’assurer leur remplacement. Ly et Tan ont été rattrapées par les agents de sécurité de l’établissement alors qu’elles franchissaient les grilles de l’entreprise. Ramenées sur la chaîne de production, elles ont été enchaînées à leur poste par leur contremaître, madame Nguyen Thi Thanh. Scandalisées, les ouvrières témoins de la scène se sont rassemblées autour de la contremaître pour protester contre ces méthodes et délivrer les deux malheureuses. Certaines ont même pris des photos avec leur téléphone mobile. Devant le mécontentement du personnel et craignant un effet de contagion, la direction a décidé de s’excuser publiquement le lendemain et de dédommager Ly et Tan de 500 000 dong chacune (40 euros). La contremaître zélé a été mise à pied.

Grève à l’usine Mabuchi le 5 mars

Le matin du 5 mars, 3600 ouvriers, soit la moitié de l’effectif de la société japonaise Mabuchi dans la zone industrielle Bien Hoa 2 se sont mis en grève. Dans l’après midi, l’autre moitié de l’effectif a rejoint le rang des grévistes. Les ouvriers protestent contre les méthodes d’évaluations de la direction, ou plutôt l’absence de méthode qui conduit à l’attribution des bonus « à la tête du client ». Les ouvriers se plaignent également des conditions de versement de la prime d’ancienneté. Selon leur contrat de travail, les ouvriers doivent recevoir une prime mensuelle de 25000 dong (1,2 euros) par année d’ancienneté. Mais dans les faits, les ouvriers ne reçoivent que la moitié de cette prime, soit 12000 dong (60 centimes), et seulement au bout de 7 ans d’ancienneté. Les ouvriers de Mabuchi disent qu’une seule absence pour maladie dans l’année conduit à la suppression de leur prime.

Que fait le syndicat officiel ?

Le syndicat officiel, à la botte du régime communiste, est incapable de défendre les travailleurs

Le point commun de toutes ces grèves est leur spontanéité. Elles ne sont pas le fait d’un mot d’ordre syndical car le syndicat unique et autorisé, la Confédération Générale du Travail du Viêt Nam (CGTV), se fait remarquer par son absence. Parfois appelée à la rescousse pour résoudre un conflit après le déclenchement de la grève, la CGTV ne se montre capable ni de défendre les salariés, ni de satisfaire le patronat. Les autorités vietnamiennes sont trop dépendantes des capitaux étrangers. Elles ne peuvent pas prendre le risque de défendre leurs travailleurs au risque de mécontenter les investisseurs internationaux. La situation de la CGTV est similaire. Elle n’ose pas prendre le parti des travailleurs exploités car, de l’avis même de certains analystes vietnamien, se serait amorcer la création d’un possible mouvement populaire qui menacerait à terme la suprématie du Parti Communiste. La CGTV ne peut pas soutenir ouvertement le patronat, donc indirectement le gouvernement, et attirer ainsi la bienveillance des investisseurs car, dès lors, que resterait-il de son image de défenseur des ouvriers ? Prise entre le marteau et l’enclume, la CGTV se contente de faire le dos rond et de diffuser des vœux pieux comme : « les travailleurs et le patronat doivent ensemble trouver en terrain d’entente. » Les slogans des années 80 comme « défense des droits des travailleurs » ou « soutien à la classe ouvrière » semblent avoir totalement disparu du vocabulaire de la CGTV.