Arrêtez de museler les messagers

Human Rights Watch

8 janvier 2009

Des journalistes et blogueurs harcelés, licenciés et emprisonnés

(New York, 8 Janvier 2009) – Les éditeurs des deux principaux journaux vietnamiens ont été virés le 2 janvier 2009, le dernier événement d’une série de mesures prises par le gouvernement vietnamien pour étouffer les critiques et la dissidence, déclare Human Rights Watch aujourd’hui. En décembre, le gouvernement a annoncé la mise en place de nouveaux et stricts règlements interdisant les blogs sur internet qui publient des contenus considérés par le gouvernement comme politiquement sensibles et subversifs.

Au cours des trois derniers mois, deux journalistes et un blogueur ont été jugés sur des accusations criminelles et reconnus coupables. Les accréditations de presse d’au moins quatre journalistes ont été révoquées après qu’ils aient enquêté sur des sujets tels que les protestations des agriculteurs, les relations avec la Chine, la liberté d’expression et les droits de l’homme. Tous les médias au Vietnam appartiennent et sont contrôlés par le gouvernement.

« Le Vietnam est l’un des rares pays où les gens peuvent être enfermés sur les accusations d ’« abus des libertés démocratiques », déclare Brad Adams, directeur Asie à Human Rights Watch. « Les donateurs du Vietnam devraient continuer à insister sur le fait que le gouvernement doive cesser la criminalisation de l’expression pacifique. »

Le 2 janvier, Nguyen Cong Khe, rédacteur en chef du Thanh Nien (Jeunes) et Le Hoang, rédacteur en chef de Tuoi Tre (Jeunesse), ont été renvoyés de leurs emplois. Leurs licenciements ont suivi la condamnation en octobre des reporters de leurs journaux – Nguyen Viet Chien du Thanh Nien et Nguyen Van Hai de Tuoi Tre – pour avoir exposer au grand jour un énorme affaire de corruption, dans laquelle les fonctionnaires du gouvernement ont détourné des millions de dollars de fonds en provenance du Japon et de la Banque mondiale pour parier sur les matches de football. Chien a été condamné à deux ans de prison et Hai à deux ans de « rééducation » pour « abus des libertés démocratiques en portant atteinte aux intérêts de l’État » en vertu de l’article 258 du code pénal vietnamien.

Dans un développement peu habituel, les deux journaux ont utilisé leurs premières pages pour critiquer les arrestations des deux reporters en mai 2008, et les dirigeants de plusieurs associations de journalistes au Vietnam se sont également exprimés contre ces arrestations. En réponse, les sous-directeurs de ces deux publications ont été limogés, et les critiques se sont rapidement calmées.

« La Banque mondiale et le Japon devraient venir à la rescousse de ces journalistes d’investigation et leurs rédacteurs en chef », dit Adams. « Ils doivent faire comprendre au gouvernement vietnamien en public et en privé, que ce genre de représailles n’est pas acceptable pour le bon journalisme. »

La réglementation de décembre sur les blogs interdit la diffusion ou la mise en place de liens vers un contenu qui s’opposerait au gouvernement, compromettrait la sécurité nationale et l’ordre social, ou bien révèlerait des secrets d’État. Le vice-ministre de l’information et de la communication du Vietnam, Do Quy Doan, dit que les blogs devraient être limités à des contenus personnels et s’abstenir de publier des articles ou des opinions concernant la politique, la religion, et les questions sociales. Do Quy Doan, a déclaré publiquement que son ministère a l’intention de solliciter l’aide des sociétés de l’Internet comme Google et Yahoo pour « réguler » et « détecter » les contenus des blogs et des sites Web. Yahoo fait partie de la Global Network Initiative, qui a été formée pour traiter les questions de la responsabilité des entreprises dans leurs relations avec des états dictatoriaux.

L’utilisation de l’Internet au Vietnam, principalement dans les cyber-cafés bon marché, a grimpé en flèche durant la dernière décennie. Actuellement, il y a environ 20 millions d’utilisateurs d’Internet (sur une population de 84 millions) et plus d’un million de blogs, selon les statistiques gouvernementales.

« Yahoo 360° » est des plates-formes de blogs les plus populaires. En mai, Yahoo a présenté un certain nombre de services qui répondent spécifiquement aux blogueurs vietnamiens, comme une langue vietnamienne dans leur moteur de recherche et des liens conviviaux vers des chanteurs vietnamiens.

Le gouvernement contrôle l’utilisation d’Internet en surveillant les activités en ligne, harcelant et arrêtant les cyber-dissidents, et en bloquant les sites Web des organisations pour la démocratie et les droits de l’homme, des partis politiques d’opposition, et des médias indépendants basés au Vietnam comme à l’étranger. Les fournisseurs de services Internet et les propriétaires des cyber-cafés sont obligés d’obtenir une photo d’identification de leurs utilisateurs d’Internet, de contrôler et stocker les informations sur leurs activités en ligne.

En décembre 2008, la cour d’appel de Saigon a confirmé une peine de 30 mois de prison pour un blogueur, Nguyen Hoang Hai (alias Dieu Cay), fondateur du Club des journalistes libres au Vietnam. Il a publié des articles en ligne et participé à des rassemblements pour protester contre les revendications de la Chine sur les archipels contestés Spratley et Paracel. Le gouvernement vietnamien considère que ces activités compliquent ses relations avec la Chine. Débattre sur ce sujet a conduit aux interrogatoires et à détention d’autres militants et cyber-dissidents. VietNamNet, un organe d’état d’information en ligne, a reçu une amende de 2000 dollars après avoir publié un éditorial sur ce sujet.

En juillet 2008, un tribunal de la province de Kien Giang a confirmé une peine de cinq ans de prison avec sursis pour Truong Minh Duc qui est à la fois reporter libre sur Internet, militants des droits fonciers et membre du Parti Populiste Vietnam [interdit], pour « abus des libertés démocratiques ».

“L’ironie de ces charges est qu’il n’y a pas de libertés démocratiques au Vietnam », dit Adams. « Le gouvernement vietnamien ferait bien de laisser aux médias ces libertés. »

http://www.hrw.org/en/news/2009/01/08/vietnam-stop-muzzling-messengers