Interview par RFA des 3 membres de Viet Tan expulsés du Vietnam

Radio Free Asia

Traduction de la retranscription d’une interview radiophonique du 10 avril 2008 de Radio Free Asia, réalisée par la journaliste Tra Mi.


Samedi dernier [05/04/2008], le gouvernement vietnamien a libéré et expulsé trois membres du Viet Tan après plusieurs jours de détention et d’interrogatoire. Il s’agit de M. Mai Huu Bao des États-Unis, M. Nguyen Tan Anh d’Australie et du Dr Nguyen Thi Xuan Trang de la Suisse.

Le groupe a été arrêté le jeudi matin du 3 avril 2008, date à laquelle ils sont arrivés au centre de détention B34 du Ministère de la sécurité publique, rue Nguyễn Văn Cừ Saïgon, pour demander de rendre visite à d’autres membres de Viet Tan dans cette prison. Les autres membres du Viet Tan sont emprisonnés depuis plus de quatre mois pour des accusations de « terrorisme, » alors qu’ils appelaient à une lutte non-violente pour la démocratie au Vietnam.

A leur retour, dans leur entretien avec Tra Mi, Trang, Bao et Tan Anh ont raconté ce qui s’est passé au cours de leur visite humanitaire. Bao parle en premier.

Bao : Le jeudi 3 avril, vers 9h45 du matin, nous sommes allés dans la prison comme prévu, afin de solliciter une rencontre avec nos amis, prisonniers là-bas. À ce moment, plusieurs membres du personnel de la prison sont sortis et nous ont séparés tous les trois. Ensuite, ils ont emporté nos sacs et nous ont interrogés. Pendant tout le temps que nous étions retenus dans la salle d’interrogatoire du gouvernement, nous avons été interrogés durant toute la journée.

Tra Mi : Comment les responsables gouvernementaux expliquent-ils la raison de votre détention, alors que vous êtes juste venus demander une visite des prisonniers ?

Tan Anh : Au début, ils ont expliqué qu’ils voulaient vérifier qui nous étions. Ensuite, ils ont dit que nous sommes venus pour visiter M. Quan, membre d’un parti « terroriste, » donc ils avaient besoin de nous poser plus de questions afin de clarifier la situation en matière de sécurité nationale.

Tra Mi : Lorsque vous avez déclaré que vous étiez des membres de Viet Tan, comment ont-ils réagi ?

Bao : Ils ont dit : « En se basant sur le fait que vous êtes membres de Viet Tan, nous pouvons vous arrêter à tout moment. Mais à l’heure actuelle, nous avons besoin de vous interroger pour comprendre plus au sujet de votre visite dans cette prison, savoir s’il existe d’autres motifs, telles que la planification des attentats terroristes, la pause des bombes, etc. » Globalement, ils ont essayé de nous coller les étiquettes de terroristes et de poseurs de bombes.

Tra Mi : Durant combien de temps et où avez-vous été détenus ?

Bao : Il s’est passé un total de 74 heures depuis le moment où on nous a séparés et interrogés et le moment où nous sommes montés dans l’avion. Les douze premières heures se sont déroulées au poste de police sur la rue Nguyen Van Cu. Ensuite, ils nous ont transférés au centre de détention temporaire derrière l’aéroport Tan Son Nhat, à Saigon.

Tra Mi : Durant le temps où vous étiez retenus, comment avez-vous été traité ?

Xuan Trang : Pour moi personnellement, j’ai senti que ces policiers voulaient me terroriser. Certaines personnes ont joué le rôle du « bon flic », parlant doucement. D’autres ont parlé d’une manière agressive, tapant sur les tables et les chaises. Ils se sont pris tour à tour, chacun posant la même question à plusieurs reprises jusqu’à ce que je sois épuisée. À certaines occasions, ils ont crié et hurlé avec des termes désobligeants au lieu de s’exprimer correctement.

Bao : Ils ont été très prudents, parce qu’ils savaient que nous retournerions à l’étranger. S’ils faisaient quelque chose de regrettable, le monde entier serait au courant.

Tra Mi : Donc, après deux jours de détention, ils vous ont expulsé vers les États-Unis, est-ce exact ?

Bao : Oui. Deux jours, c’est ce qui a été écrit officiellement sur le papier, mais en réalité, cela a duré plus de trois jours.

Tra Mi : Quelle est la raison donnée pour expliquer votre expulsion vers les États-Unis [l’Australie et la Suisse] ?

Tan Anh : La vraie raison est vraiment risible. Ils ont dit que tous les trois, nous avons enfreint la loi vietnamienne lorsque nous avons pris des photos dans des endroits où il est interdit de prendre des photos et des vidéos.

Tra Mi : Quel est cet endroit ?

Tan Anh : En face du centre de détention sur la rue Nguyen Van Cu.

Tra Mi : Cela veut dire que, avant de vous y rendre l’intérieur de la prison, vous avez pris des photos ?

Tan Anh : Oui.

Bao : Si vous lisez l’arrêté d’expulsion, c’est écrit, « [la personne] a enfreint des lois interdisant la prise de photographies et de vidéos à la prison. Suspicion d’activités terroristes, » et ainsi de suite. Et cela continue encore assez longuement. En bref, nous leur avons expliqué qu’il ne s’agit que des photos souvenirs en face de l’endroit où nous savons que nos amis sont détenus.

Tra Mi : Cette expulsion peut-elle être comprise comme un déni permanent pour vous trois de retourner au Vietnam de nouveau, est-ce exact ?

Bao : Oui, je crois que c’est exact.

Tra Mi : Quelles sont vos pensées sur l’action et le message du gouvernement vietnamien vis-à-vis des membres du Viet Tan ?

Tan Anh : Cet incident montre qu’à l’heure actuelle, ils sont très déconcertés avec les nombreuses organisations qui demandent la démocratie au Vietnam, l’une d’entre elles étant le Viet Tan.

Tra Mi : Vous avez dit “déconcertés”, pouvez-vous nous expliquer cela ?

Tan Anh : En d’autres termes, ils ne savent pas comment faire face à ces incidents. Ils s’efforcent de nous imputer rapidement l’infraction sur la prise des photos de nous afin de pouvoir nous expulser le plus tôt possible, afin d’éviter une réaction de la communauté mondiale pour détention illégale trois personnes.

Xuan Trang : Nous savions très bien que lorsque nous sommes entrés [dans la prison] en nous identifiant comme membres du Viet Tan pour visiter nos collègues, on se heurterait à des difficultés sur les futures visites au Vietnam. Mais dans tous les cas, il s’agit d’un moyen pour nous d’exprimer notre lien étroit avec ceux qui sont actuellement arrêtés. Nous n’avons pas du tout peur de rencontrer la police.

Bao : En ce qui concerne le régime, nous avons voulu leur faire savoir que nos actions sont pour l’égalité sociale et que nous n’avons pas violé aucune loi. Et ces actions seront poursuivies par d’autres personnes pour demander l’égalité sociale.

Tra Mi : Merci à Bao, Tan Anh et Xuan Trang pour m’avoir accordé un peu de votre temps.