La torture de prisonniers politiques se poursuit au Vietnam

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Malgré la signature d’un protocole de l’ONU interdisant ces pratiques, le Vietnam persiste.

Kaylee Uland

9 novembre 2020

Il existe des preuves solides que le Vietnam continue de torturer une partie de la population grandissante de prisonniers politiques du pays malgré son adhésion en 2013 à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

D’après The 88 Project, une organisation à but non lucratif basée aux États-Unis surveillant les efforts du régime de Hanoï pour réprimer la liberté d’expression, les prisons vietnamiennes comptent actuellement environ 249 prisonniers politique. Dans un rapport publié le 5 novembre, l’équipe de The 88 Project fournit des détails sur les traitements de torture infligés en 2018 et 2019 à 19 prisonniers. Ces pratiques sont en violation flagrante des engagements du Vietnam à la Convention contre la Torture et de la propre constitution du pays.

Selon l’article 20 de la Constitution vietnamienne, “chacun est protégé contre la torture, la violence, la coercition, les châtiments corporels ou toute forme de traitement portant atteinte à son corps et à sa santé ou portant atteinte à l’honneur et à la dignité.” Cependant, l’enquête du The 88 Project révèle que les responsables pénitentiaires utilisent un arsenal de tactiques pour inciter les prisonniers, accusés de crimes politiques ou non, à se plier à leurs demandes ou à admettre leur culpabilité.

Il faut noter que le système judiciaire vietnamien n’est pas un organe indépendant : comme toutes les branches du gouvernement vietnamien, il est étroitement contrôlé par le Parti communiste au pouvoir. Les médias sont soumis à la censure de l’État et découragés d’enquêter sur la situation des prisonniers. Il existe un vaste réseau de prisons gérées par le ministère de la Sécurité publique et beaucoup d’entre elles sont localisées dans des endroits isolés. Selon le rapport, les verdicts contre les personnes accusées de « crimes contre l’État» sont en grande partie prédéterminés et prononcés dans le cadre de procès accéléré avec un accès public limité. Le récent procès de 29 villageois (photo ci-dessous) accusés d’être responsables de la mort de trois policiers lors d’un violent raid policier dans leur communauté en est un exemple notable.

Le rapport de 32 page de The 88 Project examine les cas qui, semblaient répondre à la définition de « torture» et/ou de «traitement inhumain» en vertu du droit international en 2018 et 2019,.

Un aperçu des conditions de détention

Dans 13 cas examinés dans le rapport de The 88 Project, les prisonniers politiques se sont vu refuser une représentation légale. Deux ont été jugés sans que leur famille n’en ai été informée.

De facto, sinon de jure, les autorités coupent souvent les droits de visite des familles et les droits aux systèmes de soutien. Au moins 32 personnes en 2018 et 2019 se sont vu refuser des visites familiales ou le droit à communiquer avec le monde extérieur. Le rapport note également le transfert des détenus dans des prisons éloignées, contrecarrant ainsi les efforts des familles pour vérifier la santé et le bien-être de leurs proches.

The 88 Project dénombre 18 cas de soins de santé inadéquats donnés aux prisonniers politiques. Parmi ces derniers, l’enseignant à la retraite Dao Quang Thuc est décédé en prison fin 2019, à peine deux ans après le début de sa peine de 13 ans pour « subversion ». La cause officielle de son décès était une hémorragie cérébrale et une infection pulmonaire.

Dao Quang Thuc durant son procès

Avant son procès, Thuc (ci-dessus, à gauche) aurait été torturé et battu par ses interrogateurs, ses blessures le laissant dans la nécessité de se faire hospitaliser. Il s’est également vu refuser la nourriture et les fournitures envoyées par sa famille. Condamné et transféré à la prison n ° 6 de la province de Nghe An, Thuc a participé à une grève de la faim avec d’autres prisonniers en 2019 pour protester contre le retrait des ventilateurs pendant une vague de chaleur.

Les autorités pénitentiaires ont transféré Thuc dans un hôpital le 3 décembre 2019, car il montrait des signes de douleur, mais n’en ont informé sa famille que le lendemain du transfert. Il y a décédé, bien qu’avant l’emprisonnement, il n’avait aucun antécédent de problèmes de santé. La prison a rejeté la demande de la famille de renvoyer son corps à la maison pour l’enterrement.

Tout aussi typiques sont les cas de refus de donner des traitements médicaux que nécessitent les détenus, alors même que leurs blessures leur aient été infligées en prison. Nguyen Ngoc Anh (ci-dessous) a par exemple été brutalement agressé par un compagnon de cellule. Anh s’est plaint par écrit de l’agression mais le personnel médical du centre de détention a rapporté après un examen superficiel que les douleurs ressenties par Anh étaient dues à de l’arthrose. Bien que la douleur d’Anh ait été si intense qu’il ne pouvait ni manger ni dormir, un haut responsable de la prison lui a conseillé d’accepter la réalité de sa situation et de se conformer aux règlements.

Nguyen Ngoc Anh durant son procès.

Bien que le Vietnam affirme que les prisonniers ne sont pas soumis à l’isolement cellulaire, The 88 Project a constaté que l’isolement est en réalité monnaie courante pour les prisonniers politiques qui protestent contre les abus dans les prisons, tentent de faire appel de leurs peines ou refusent de signer des aveux de culpabilité. C’est le cas de Nguyen Ngoc Anh, après qu’il s’est plaint d’avoir été agressé par son compagnon de cellule. Le défenseur des droits des prisonnier Nguyen Van Hoa a été battu et placé en isolement pendant quatre mois après avoir refusé de signer un rapport de prison contenant de nombreux espaces vierges.

Des agents de la sécurité publique ont maltraité physiquement Huynh Truong Ca (ci-dessous) lorsqu’il a refusé d’incriminer d’autres militants lors de son interrogatoire en prison. Bien que Ca ait souffert de nombreux problèmes de santé, les autorités pénitentiaires l’ont placé dans une cellule avec des prisonniers agressifs qui l’auraient violenté.

Huynh Truong Ca

Le Vietnam soutient qu’il n’y a pas de « prisonniers d’opinion », de « prisonniers politiques » ou de « défenseurs des droits de l’homme» dans ses prisons. En réalité, il existe une catégorie distincte de citoyens détenus en vertu des dispositions relatives à la sécurité nationale. Ils sont régulièrement confrontés à la discrimination, à la torture et à d’autres traitements inhumains encouragée par l’État pendant leur détention.

Le rapport de The 88 Project examine ces exemples représentatifs de mauvais traitements dans un contexte de répression intensifiée de la dissidence. Les arrestations et les poursuites de citoyens ordinaires exprimant leurs opinions sur des plateformes en ligne sont devenues courantes.

40% des personnes arrêtées pour avoir exprimé des opinions hétérodoxes en 2019 étaient des Facebookers sans antécédents d’activisme. Près de la moitié d’entre eux ont été accusés de «propagande contre l’État».

Pour avoir publié des commentaires, des photos et des clips vidéo sur les réseaux sociaux en soutien de problèmes sociaux et de militants qualifiés  «réactionnaires» par le gouvernement, Tran Thi Tuyet Dieu (ci-dessous) a par exemple été accusée de «stockage, diffusion de matériel anti-étatique», une violation de l’article 117 du Code Pénal de 2015. Si elle est reconnue coupable, elle risque jusqu’à 20 ans de prison.

Tran Thi Tuyet Dieu

Tenir le Vietnam comme responsable

The 88 Project pense qu’il est grand temps que la communauté internationale aille au-delà de simples remontrances au Vietnam. Bien que le gouvernement vietnamien puisse tergiverser sur les termes, il semble que le régime de Hanoï n’a peu ou rien fait pour dissuader le personnel pénitentiaire de pratiquer une politique de discrimination systématique contre les prisonniers, sur la base de leurs opinions politiques.

En 2018 et 2019, le Comité contre la Torture et un Examen périodique universel de l’ONU ont respectivement émis recommandations spécifiques sur la manière dont le Vietnam pourrait mettre en conformité ses pratiques pénales à l’égard des prisonniers politiques avec ses obligations liées à la signature de la Convention contre la Torture. Il a été notamment demandé au Vietnam d’accepter les visites du rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que de faciliter les visites d’enquête des représentants consulaires des États membres.

Le refus de se conformer à ces propositions ne peut être compris que comme l’acception du régime, au recours du ministère de la Sécurité publique à la torture et aux traitements inhumains face à la dissidence.

 

Kaylee Uland est codirectrice de la Recherche chez The 88 Project, une organisation à but non lucratif qui défend les prisonniers d’opinion au Vietnam

 

Source : Asia Sentinel

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