Le plan du Vietnam pour la bauxite à ciel ouvert amène un lot de préoccupations

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Traduction en français d’une tribune publiée dans Asia Times le 16 mars 2009

L’une des plus verdoyantes régions du Vietnam devra subir de graves dommages écologiques si le gouvernement poursuit ses plans d’exploitation d’une mine de bauxite à plusieurs milliards de dollars. Cette perspective a déclenché un tollé rare au Vietnam où la société est contrôlée par le gouvernement. Des scientifiques, les médias, des blogueurs et même des officiers de l’armée ont émis des protestations.

Même si ce n’est apparemment pas coordonné, leur opposition collective fait partie d’un mouvement écologiste vietnamien naissant, notamment pour défier la traditionnelle autorité incontestée de l’État dans la mise en œuvre des projets de développement économique à grande échelle.

Au cours des derniers mois, un certain nombre de chercheurs locaux ont publié des études approfondies sur cette question, certaines publiées dans les médias contrôlés par l’État, démontrant ainsi les faiblesses des plans du gouvernement pour cette exploitation minière. Vietnamweek.net, un site d’informations nationales autorisé par l’État, a été le premier à médiatiser la question, tandis que les blogueurs ont apporté encore plus d’analyses cruciales.

Le Premier ministre Nguyen Tan Dung a appelé l’exploitation de la bauxite « une décision politique essentielle du parti et l’État », et il a approuvé plusieurs grands projets d’exploitation minière dans le centre du pays. Le principal plan du gouvernement prévoit des investissements de près de 15 milliards $ US d’ici à 2025 pour exploiter les riches réserves de bauxite au Vietnam, évaluées au troisième rang mondial.

Au cours de la dernière décennie, la montée en puissance du Vietnam en tant qu’exportateur agricole est due en grande partie à l’augmentation de la culture du café et d’autres cultures sur les hauts plateaux fertiles au centre du pays. C’est une région d’une grande beauté et riche en potentiel éco-touristique. Ainsi, de nombreux Vietnamiens se demandent quelle est la justification économique et environnementale de la conversion d’une région déjà économiquement productive vers une mine à ciel ouvert.

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Par le biais d’un processus toxique, la bauxite est convertie en alumine, la matière première pour la fabrication d’aluminium. Les déchets, connus par les écologistes comme des « boues rouges », s’ils ne sont pas correctement gérés, peuvent contaminer l’approvisionnement en eau et étouffer la végétation. Selon des experts internationaux, pour chaque tonne d’alumine produite, trois tonnes de boues rouges sont émises.

L’Australie, leader mondial dans la production d’aluminium, gère le problème de l’élimination des boues rouges en les déposant dans les zones reculées et arides, ce qui atténue le risque de contamination par ruissellement. Le Vietnam, qui a un climat relativement humide et est densément peuplé, n’a pas le luxe de disposer de vastes étendues de terres en friche.

Le pays n’est pas non plus reconnu pour son expertise dans la gestion des déchets industriels dangereux. L’émergent mouvement écologique au Vietnam craint que les résidus toxiques issus de la transformation de la bauxite puissent s’écouler dans les rivières qui se jettent elles-mêmes dans des zones densément peuplées, notamment le delta du Mékong dans le sud du pays.

Pour être commercialement viable, l’exploitation de la bauxite nécessite généralement un accès à l’électricité bon marché. Parce que le Vietnam doit faire face à des coupures d’électricité récurrentes, on peut douter du modèle économique de l’extraction de la bauxite et de sa faible marge à l’exportation, qui devra recevoir probablement de lourdes subventions de l’État, juste pour couvrir les coûts.

Le gouvernement a déjà annoncé des plans pour construire une ligne ferroviaire de 250 km dédiée au transport vers la côte Pacifique de l’alumine produite. Un port qui reste à construire sera dédié exclusivement au projet de bauxite.

Ces plans ont, eux aussi, mis en évidence le risque écologique que ces plans gouvernementaux d’exportation d’alumine soient mal conçus, exclusivement destinés à l’industrialisation dirigée par l’État. D’autres critiques se sont demandés si les fonctionnaires proches du Premier ministre Dung et du vice-Premier ministre Hoang Trung Hai auraient des intérêts privés dans ces coûteuses entreprises.

Facteur chinois

Il y a aussi une dimension stratégique délicate dans ces entreprises. Les intérêts et la coopération chinoises dans l’industrie vietnamienne de la bauxite ont été définis lors d’une déclaration conjointe publiée après une réunion en juin dernier entre le Secrétaire général du Parti communiste Nong Duc Manh et le Président de la Chine Hu Jintao. Dans les accords subséquents entre la Corporation Chinoise de l’Aluminium et la société d’État Groupement Industriel Vietnamien du Charbon et de la Mine, il est devenu évident que la Chine sera le principal marché pour les exportations vietnamiennes d’alumine.

Dans le cadre de ces accords, des milliers de travailleurs chinois résident en permanence au Vietnam afin d’aider à la production, selon les autorités locales vietnamiennes. D’après une récente enquête effectuée lors d’un déplacement organisé par le parti pro-démocratie Viet Tan dans la province de Lam Dong, les travailleurs chinois sont de plus en plus nombreux sur les hauts plateaux du centre. Des photos prises par le Viet Tan montrent les alignements de logements récemment construits pour les travailleurs chinois ainsi que des restaurants portant des enseignes en langue chinoise.

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Les blogueurs vietnamiens, parmi lesquels beaucoup reprochent à Chine d’empiéter sur les îles Paracel et Spratly et estiment que Pékin a intimidé Hanoï pour qu’elle accepte un traité frontalier inéquitable cette année, ont demandé pourquoi des travailleurs chinois sont nécessaires dans un pays souffrant d’un déficit en emplois et d’un chômage croissant.

Les blogueurs ont également exprimé la crainte que des agents chinois d’infiltration et de renseignement militaire puissent se mélanger aux travailleurs. Vo Nguyen Giap, le célèbre chef militaire communiste et, plus tard, parfois critique du gouvernement, a lui aussi, dans une lettre ouverte adressée en janvier au politburo du parti communiste, sonné l’alarme sur cette menace stratégique potentielle de travailleurs chinois non contrôlés.

Giap, âgé de 97 ans, qualifie les hauts plateaux du centre de passerelle stratégique vers le Vietnam, où les guerres antérieures ont été gagnées grâce au contrôle des hautes terres de cette région. Un mois après l’avertissement de Giap, qu’un seul journal au Vietnam voulait publier, un second général à la retraite a publié une lettre similaire demandant à la direction du Parti qu’elle reconsidère sa position sur l’autorisation d’une présence chinoise permanente au centre du pays.

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La plupart des minorités ethniques du Vietnam vivent dans les hauts plateaux du centre et ce sont elles qui subiraient probablement le fardeau environnemental du projet sur la bauxite. Ils risquent de perdre leurs terres, avec peu ou pas de compensation, ainsi que l’exposition à la mauvaise gestion des déchets industriels.

Il n’est pas non plus évident que les emplois créés par la production de la bauxite, même s’ils étaient confiés à des vietnamiens de la région plutôt qu’à des chinois venus de l’étranger, suffiraient à remplacer ceux perdus avec l’élimination de l’exploitation du café, du thé et des champs de noix de cajou. C’est à cause de ces plans gouvernementaux mal conçus que le mouvement écologiste et les appels à un développement plus durable sont entendus.

Duy Hoang est un dirigeant de Viet Tan aux États-Unis, un parti politique défenseur de la démocratie, interdit au Vietnam mais néanmoins présent et actif dans ce pays.

http://www.atimes.com/atimes/Southeast_Asia/KC17Ae01.html

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