Le Vietnam sous la loupe du Conseil des droits de l’homme : interview de Nguyen Ngoc Bao

Radio Cité
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Vendredi 8 mai 2009, Pascal Décaillet de Radio Cité s’est entretenu avec Nguyen Ngoc Bao de Viet Tan à l’occasion de l’examen périodique universel UPR où la situation des droits de l’homme au Vietnam est analysée par les Nations Unies.


Pascal Décaillet : J’ai le plaisir d’accueillir M. Nguyen Ngoc Bao. Bonjour monsieur, prenez le micro si vous le voulez bien. Vous êtes vietnamien ?

Nguyen Ngoc Bao : Tout à fait, oui.

Pascal Décaillet : Alors, le Vietnam est sous la loupe, le Vietnam d’aujourd’hui. Le gouvernement vietnamien, que vous combattez, était sous la loupe de la Commission des Droits de l’Homme. On va le dire franchement, vous êtes l’opposition, vous êtes le Cosunam. Est-ce qu’on peut dire ce qu’est le Cosunam ?

Nguyen Ngoc Bao : Je représente plutôt le Viet Tan en Europe et le Cosunam est une association des amis suisses et vietnamiens qui militent aussi pour la démocratie au Vietnam.

Pascal Décaillet : Alors, comment jugez-vous, sur le plan des droits de l’homme, le gouvernement actuel du Vietnam ?

Nguyen Ngoc Bao : Je pense que les autorités du Vietnam essaient de masquer les violations des droits de l’homme à travers une noria de lois. Ensuite, avec des pratiques très insidieuses qui permettent de masquer les violations des droits de l’homme sur des cas très très précis. Et troisièmement, il [le gouvernement vietnamien] essaie d’élargir ses relations internationales en se disant que si je suis accepté par la communauté internationale, cela veut dire que je suis acceptable selon les normes des Nations Unies. Par ces trois moyens, il essaie de leurrer l’opinion publique et masquer les violations qu’il pratique quotidiennement au Vietnam.

Pascal Décaillet : Alors ces violations, vous pouvez nous donner quelques exemples, monsieur Nguyen Ngoc Bao, excusez-moi pour la prononciation de votre nom ?

Nguyen Ngoc Bao : Tout à fait, oui. Simplement sur le droit de circulation, il y a beaucoup de gens qui peuvent aller voyager au Vietnam, mais pour les personnes qui militent pour la démocratie ou qui essaient seulement d’avoir une réalité autrement au Vietnam, ils sont interdits d’entrer au Vietnam. Et même pour les vietnamiens de l’intérieur, ils sont interdits de sortir. Ensuite, sur les pratiques religieuses, tout le monde peut entrer dans les églises, pagodes, etc. mais par contre, si vous essayez de constituer une sorte d’église indépendante, vous êtes tout de suite suivis et réprimés. Pour les minorités ethniques aussi, leurs terres sont spoliées, leurs religions sont interdites sur les hauts-plateaux.

Pascal Décaillet : Depuis que la paix existe entre le Vietnam et les Etats-Unis d’Amérique après évidemment, une longue histoire très difficile, vous avez réussi à chasser les français puis ensuite les américains, c’est au fond, quand même pas mal. Mais en même temps, cela s’est fait au prix d’un régime politique extrêmement dur que vous dénoncez. Au fond, est-ce que le Vietnam n’a pas une sorte de crédit ; on ferme un peu les yeux, il y a le tourisme qui rapporte de l’argent, et vous dîtes qu’il ne faut pas fermer les yeux au fond ?

Nguyen Ngoc Bao : Tout à fait, oui. Je pense que de plus en plus, il y a quand même maintenant des dizaines de milliers de vietnamiens qui essaient de soulever ce problème de violation des droits de l’homme, qui essaient d’utiliser les propres lois vietnamiennes pour se défendre contre les forces de sécurité, contre les autorités, et nous essayons à partir de l’extérieur d’aider toutes ces personnes à utiliser sciemment toutes ces lois là, et ensuite de surmonter un peu la peur.

Pascal Décaillet : Et vous-même monsieur Nguyen Ngoc Bao, vous habitez à quel endroit ?

Nguyen Ngoc Bao : J’habite dans la banlieue parisienne.

Pascal Décaillet : Et vous ne retournez pas au Vietnam ? Vous ne pouvez pas pour le moment ?

Nguyen Ngoc Bao : Non, je pense que je suis sur la liste plutôt noire des autorités vietnamiennes.

Pascal Décaillet : Mais quand ce régime changera-t-il ? Un jour ?

Nguyen Ngoc Bao : Je pense qu’il est en train d’évoluer très très lentement .Mais si nous pouvons contribuer pour qu’il puisse changer beaucoup plus rapidement, je pense que ce sera mieux.

Pascal Décaillet : Mais vous y arriverez ? Bon là, il y a une prise de conscience. Vous allez voir les medias, comme vous le faîte et on vous reçoit très volontiers, mais pour secouer un gouvernement, qui au fond, est très dur politiquement, et qui, économiquement, arrive à pactiser, c’est son habileté, vous y arriverez ?

Nguyen Ngoc Bao : Je pense qu’actuellement, avec l’ouverture des medias, même s’ils essaient de contrôler l’ensemble des medias au Vietnam, l’ensemble des 700 chaînes de télévision…

Pascal Décaillet : 700 chaînes de télévision ?

Nguyen Ngoc Bao : Non, pas 700 chaînes ; mais émissions de radios, de journaux et magazines. L’ensemble de ces medias sont sous contrôle gouvernemental. Par contre, il y a quand même des émissions clandestines et des publications clandestines qui commencent à exister. Et surtout, le nombre de personnes qui accèdent à Internet approche maintenant une vingtaine de millions. Donc, toutes ces personnes là cherchent des informations véridiques ailleurs, et je pense que la vérité sur le régime et sur les violations des droits de l’homme commencent à se diffuser lentement au Vietnam.

Pascal Décaillet : Merci infiniment de votre passage dans notre émission, monsieur Nguyen Ngoc Bao. Je vous souhaite un bon séjour ici en Suisse.