Témoignage sur la situation des droits de l’homme au Vietnam

Do Hoang Diem

Témoignage devant la Sous-commission sénatoriale des Affaires étrangères sur l’Asie de l’Est et le Pacifique

États-Unis et Vietnam : examen de la relation bilatérale

12 mars 2008

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les Membres de la Commission,

Merci pour votre invitation à témoigner aujourd’hui. Je suis ici au nom de Viet Tan, un parti pro-démocratie non autorisé au Vietnam. L’objectif de Viet Tan est de travailler aux côtés des autres forces démocratiques vietnamiennes pour apporter un changement pacifique, non-violent, par le pouvoir du peuple. Nous pensons qu’une société libre est le meilleur moyen d’exploiter le formidable potentiel des citoyens vietnamiens, et que la démocratie au Vietnam serait un point d’ancrage pour la stabilité et la prospérité en Asie.

Je voudrais me concentrer d’abord sur la situation actuelle au Vietnam, ensuite sur le défi et l’opportunité auxquels nous sommes confrontés, et enfin sur des recommandations particulières.

Situation actuelle au Vietnam

Il y a deux évolutions notables : une poussée de mécontentement social et un défi grandissant au régime du parti unique.

Tout d’abord, en raison de la corruption généralisée, le mécontentement social a augmenté jusqu’à un niveau sans précédent. Ceci est illustré par l’ampleur des protestations de paysans et de l’agitation ouvrière.

Pendant près de deux ans, les agriculteurs ont organisé de nombreuses manifestations réclamant une compensation équitable pour la perte de leurs terres accaparées par des fonctionnaires corrompus. L’événement le plus marquant a été la protestation de milliers de personnes durant 27 jours à Saigon, l’été dernier, avant que la police ne les disperse de force. Des milliers de travailleurs ont également participé à des centaines de grèves. Plus récemment, la communauté catholique s’est jointe à la contestation lorsque des milliers de fidèles ont protesté entre décembre 2007 et janvier de cette année, exigeant la restitution de propriétés de l’église confisquées par Hanoi. Le gouvernement continue d’arrêter de façon arbitraire ceux qui sont soupçonnés de mener les protestations. Il continue de harceler des personnes qui y ont participé. Cependant, jusqu’à présent, cela n’a pas réussi à empêcher de nouvelles manifestations.

Du point de vue politique, le mouvement actuel pour la démocratie au Vietnam est similaire à celui de la Tchécoslovaquie dans les années 1970 et à celui de la Pologne dans les années 1980. Pour la première fois, le mouvement n’est plus constitué d’individus mais plutôt de groupes organisés avec un soutien populaire croissant. Depuis 2006, des dizaines de partis politiques et d’associations ont vu le jour pour contester le régime du parti unique. Le gouvernement a riposté en février 2007 quand il a déclenché la pire répression de ces vingt dernières années.

Des dizaines de leaders pour la démocratie ont été emprisonnés, d’autres mis en résidence surveillée ou soumis à un harcèlement constant par la police. Bien que souffrant de la répression, ces groupes résistent et forment des alliances à la fois outre-mer et à l’intérieur du Vietnam.

Récemment, le 17 novembre 2007, trois membres de mon parti, le Viet Tan, ont été arrêtés au Vietnam avec trois associés pour avoir tenté de faire connaître à la population les principes et les méthodes de la lutte non violente. Parmi eux, deux sont citoyens américains. Monsieur Leon Truong, d’Hawaii, a été relâché en décembre, mais le docteur Nguyen Quoc Quan, de Californie, est toujours en prison. La semaine dernière, le visa pour le Vietnam de son épouse lui a été retiré malgré son souhait de rendre visite à son mari. Madame Nguyen Quoc Quan est présente à l’audience d’aujourd’hui pour témoigner avec force que le peuple vietnamien vit encore sous un régime brutal et dictatorial.

Je voudrais également saisir cette occasion pour exprimer notre reconnaissance aux membres du Congrès, aux fonctionnaires du Département d’État, à l’ambassadeur Michael Michalak et à son personnel pour leur pression constante sur le gouvernement vietnamien afin d’obtenir la libération de M. Quan Nguyen Quoc et d’autres collègues du Viet Tan qui ont été détenus.

A gauche : Do Hoang Diem, président du parti Viet Tan
A droite : Christopher Hill, secrétaire d’Etat adjoint

Il est clair que ce qui se passe au Vietnam est très inhabituel et significatif. Après plus de 50 années au pouvoir, pour la première fois, le parti communiste vietnamien est confronté à des défis à son régime, nombreux et sans précédent. Le désir de réels changements au Vietnam est plus fort que jamais. En réponse, le régime utilise la terreur pour faire taire l’opposition, et viole gravement les droits de l’homme, non seulement des dissidents politiques mais aussi des bloggers, des agriculteurs, des travailleurs, des étudiants ou de quiconque ose mettre en doute l’autorité du régime.

Défi et opportunité

Le mouvement pour la démocratie au Vietnam est confronté à un immense défi : survivre à la vague de répression à tout prix. Et, en gagnant ce défi, une formidable opportunité existe également. Si le mouvement survit un an ou deux, il prouvera au peuple vietnamien que :

1) il existe une alternative viable capable de résister à la persécution et de continuer à défier le régime
2) la peur peut être surmontée car la dictature au pouvoir n’est pas aussi invincible qu’elle le prétend. Et cela mènera à un point de basculement pour accélérer de véritables changements démocratiques.

Pour les États-Unis, une excellente opportunité existe également parce que :

1) un Vietnam démocratique sera un partenaire beaucoup plus fiable à long terme à la fois sur les questions économique et de sécurité, en particulier face à la Chine
2) une victoire pour la démocratie au Vietnam aura un impact colossal sur l’ouverture politique et le respect des droits de l’homme dans toute la région.

Recommandations

La politique américaine ne doit pas choisir entre isoler le Vietnam ou dialoguer avec lui, mais plutôt choisir la manière de poursuivre la relation bilatérale de la façon la plus constructive. Pour approfondir la relation de l’Amérique avec le peuple vietnamien, je voudrais faire trois recommandations :

1) Envoyer le Vietnam Human Rights Act au président Bush pour qu’il le signe

En septembre dernier, la Chambre des représentants a voté massivement le Vietnam Human Rights Act (H.R. 3096). Ce résultat a été chaleureusement accueilli par la communauté vietnamo-américaine et par les militants pour la démocratie résidant au Vietnam. Dans une lettre remerciant la Chambre, l’Alliance pour la Démocratie et les Droits de l’Homme, au Vietnam, a déclaré :

« La relation économique et fraternelle entre le Vietnam et les États-Unis ne sera durable et véritablement bénéfique aux peuples des deux pays que lorsque le Vietnam sera une nation vraiment démocratique respectant les droits humains. »

Nous vous exhortons à faire adopter par le Sénat cette loi importante.

2) Exprimez-vous sur les violations des droits de l’homme au Vietnam

Vos voix, dans l’audience d’aujourd’hui, à travers des lettres, des discours au Sénat, et des réunions avec les responsables de Hanoi, sont importantes pour exiger du régime qu’il libère tous les prisonniers politiques et cesse toute forme de harcèlement contre les militants pour la démocratie et contre leurs familles. Nous vous demandons de vous intéresser particulièrement aux cas suivants :

· Le père Nguyen Van Ly, l’avocat Nguyen Van Dai, l’avocat Le Thi Cong Nhan.
· Les membres emprisonnés du Parti Progressiste du Vietnam, le Parti Démocratique du Peuple, le Parti Populaire du Vietnam, et l’Organisation Unie des Travailleurs et des Agriculteurs.
· Le docteur Nguyen Quoc Quan et trois collègues du Viet Tan : Somsak Khunmi, Nguyen The Vu, et Nguyen Viet Trung.

3) Soutien au changement démocratique

Tant que survivra une dictature à parti unique, les atteintes aux droits de l’homme persisteront. Le respect des Droits de l’homme nécessite une société démocratique où toutes les parties prenantes ont leur mot à dire dans l’avenir de leur pays. Bien que la réalisation de la démocratie dépende avant tout des efforts du peuple vietnamien, la communauté internationale peut y aider en permettant les activités des ONG indépendantes, en favorisant l’indépendance des médias et en collaborant avec la base populaire à l’intérieur du Vietnam.

Cela est essentiel pour donner le pouvoir au peuple vietnamien et pour former une société civile, fondation sur laquelle une démocratie durable peut réussir.

Je vous remercie à nouveau pour cette audition et pour votre appui continu à la démocratie et aux droits de l’homme au Vietnam.

Do Hoang Diem