Un tribunal vietnamien condamne 14 militants

The Wall Street Journal

9 janvier 2013

James Hookway

Un tribunal vietnamien a condamné 14 militants et blogueurs au Vietnam à des peines allant jusqu’à 13 ans de prison, au cours du plus grand procès pour subversion qu’a connu ce pays communiste depuis des années.

D’après les analystes, les condamnations à de lourdes peines de prison sont devenues fréquentes au Vietnam et vont dans la continuation d’une série d’autres affaires très médiatisées ces 12 derniers mois, menaçant d’abîmer les relations entre Hanoï et ses principaux partenaires principaux, dont les États-Unis.

Dans un communiqué publié mercredi, l’Ambassade des Etats-Unis à Hanoi a indiqué avoir été “profondément troublée” par ces dernières condamnations et considère qu’elles ont “une propension inquiétante à violer les droits de l’homme” au Vietnam. “Nous appelons le gouvernement à libérer immédiatement ces personnes et tous les autres prisonniers de conscience” dit le communiqué.

Les avocats de la défense ont déclaré que trois des accusés avaient été condamnés mercredi à 13 ans de prison après un procès de deux jours qui s’est tenu au Tribunal populaire de la province du Nghe An dans le centre du Vietnam, tandis que 11 autres ont été condamnés à des peines allant de trois à huit ans de prison, un des accusés a lui écopé d’une peine de trois ans avec sursis.

Aucun représentant du gouvernement ou du tribunal n’a fait de commentaire.

Selon les procureurs, les 14 accusés sont reconnus coupables de tentative de renversement du gouvernement pour avoir assisté à des cours de formation à l’étranger sur les techniques de résistance non violente et les façons d’utiliser internet pour attirer d’autres partisans à leur cause.

A la fin du mois de décembre, le monde s’est inquiété du sort des blogueurs et des dissidents pacifiques quand les autorités ont arrêté le défenseur des droits de l’homme Le Quoc Quan alors qu’il emmenait sa fille à l’école le 27 décembre, et ont confirmé les condamnations de blogueurs politiques très connus, notamment Nguyen Van Hai, Ta Phong Tan et Phan Thanh Hai.

Ces condamnations soulignent la crainte des leaders vietnamiens envers le web qui apparaît comme une large porte ouverte à la dissidence. Ces dernières années, les autorités ont régulièrement bloqué l’accès aux sites des médias sociaux tels que Facebook alors que le taux d’implantation du net au Vietnam dépasse celui de ses pays voisins tels que l’Indonésie et la Thaïlande.

Maintenant, les autorités condamnent régulièrement à de longues peines de prison quiconque poste sur le net des commentaires critiques contre le gouvernement, afin de décourager d’autre Vietnamien qui voudrait utiliser la puissance d’organisation du web.

Les mesures de répression coïncident avec le net ralentissement de la croissance économique et le problème récurrent de créances douteuses du système bancaire du pays que les analystes disent avoir soulevé dans leurs questions quant à la légitimité et à la compétence des dirigeants communistes.

De nombreux cas, cependant, démontrent que les critiques sur le net ne semblent pas avoir été découragés par ces efforts pour les museler.

L’année dernière, trois blogs importants sont apparus et ont mis en évidence les dépenses extravagantes des hauts fonctionnaires du Parti communiste dans un contexte où l’économie du pays est en chute libre, obligeant le Premier Ministre Nguyen Tan Dung à prendre des mesures pour réprimer la dissidence – après avoir ordonné aux responsables du Parti de limiter, entre autre, leurs dépenses liés aux fastes des mariages.

Au moins deux de ces sites sont toujours opérationnels, alors que M. Dung commençait à accuser en décembre la dissidence politique d’ébranler la relance de l’économie fragile du pays.

Les observateurs présents au procès cette semaine dans la Province du Nghe An ont indiqué que l’atmosphère était tendue. Les images du tribunal postées sur le net montrent que la police avait bouclé la zone.

La religion de beaucoup des accusés – douze parmi les 14 accusés sont catholiques – a été le sujet de frictions supplémentaires avec les procureurs de l’Etat, qui ont accusé les dissidents de comploter pour saper le gouvernement avec le soutien d’un groupe pro-démocratie basé aux États-Unis appelé Viet Tan.

Le gouvernement vietnamien est souvent méfiant vis-à-vis des groupes religieux, disent les analystes.

Dans leurs actes d’accusation, les procureurs ont accusé un des prévenus, Ho Duc Hoa, 38 ans, d’avoir utilisé le net pour prendre contact en 2009 avec des membres de Viet Tan et d’avoir assisté par la suite à des cours de formation soi-disant subversifs en Thaïlande.

A son retour de Thaïlande, les procureurs disent que M. Hoa, condamné à une peine de 13 ans de prison, a recruté amis et connaissances à se joindre aux efforts de Viet Tan pour établir une démocratie pluripartite au Vietnam, ce qui a conduit à leurs arrestations en 2011 et à leurs condamnations. Les accusés nient ces accusations.

Aucune des 14 personnes condamnées mercredi n’a pu être jointe et commenter. Un des avocats de la défense, Tran Thu Nam, a déclaré que les accusés avaient l’intention de faire appel du jugement.

Viet Tan a nié les allégations selon lesquelles ils essaieraient de renverser le gouvernement. “Avec des membres à l’intérieur du Vietnam et à travers le monde, Viet Tan aspire à promouvoir la démocratie et la réforme du pays par des moyens pacifiques” a déclaré le groupé basé à Washington dans un communiqué. “Nous pensons que l’acquisition de la compréhension de la résistance civile non violente, de la sécurité numérique et des compétences en leadership non seulement sont stimulants mais relèvent du droit de tout individu libre.”

Certains des accusés condamnés mercredi font partie d’un groupe de 17 détenus vietnamiens ayant demandé au groupe de travail sur les détentions arbitraires des Nations unies à les aider à garantir leur liberté et à attirer davantage l’attention internationale sur l’aggravation de la campagne visant la liberté d’expression au Vietnam.

“La plupart des demandeurs ont été détenus pendant une longue période, sans procédure juridique significative”, dit Allen Weiner, un maître de conférences de la Faculté de droit de Stanford, qui aide le groupe à présenter sa requête auprès de l’ONU. Il dit que le Vietnam “continue à utiliser son système juridique comme instrument pour réprimer l’exercice des droits civils et politiques qui sont protégés en vertu du droit international.”

Source : The Wall Street Journal