Une Promenade des libertés pour le Vietnam

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2 mai 2010

C’est un lieu de mémoire, mais aussi d’espoir : le Comité Suisse-Vietnam (Cosunam), qui milite depuis vingt ans pour la démocratie et le respect des droits humains au Vietnam, a inauguré vendredi 30 avril, au Grand Saconnex, une Promenade des libertés, en présence du président du Conseil d’Etat François Longchamp et du Conseil administratif du Grand-Saconnex in corpore, ainsi que de nombreux élus cantonaux et représentants de la communauté vietnamienne. Ce cheminement piétonnier va de la stèle des boat-people, inaugurée en 2006 dans le parc du Château au Grand Saconnex, aux vestiges du Mur de Berlin installés devant le siège du Conseil œcuménique des Eglises.

Le Cosunam, fondé il y a 20 ans à Genève, entend à la fois rappeler le drame des boat-people (300 000 ont perdu la vie en tentant de fuir le pays après la prise du pouvoir par le Parti communiste le 30 avril 1975) et leur accueil notamment en Suisse, et promouvoir la démocratie et les droits humains. Thierry Oppikofer, président du Cosunam, a salué le courage des autorités saconnésiennes, qui ont fait l’objet de pressions de la part des milieux officiels vietnamiens. La stèle est en effet la première en Europe. Plusieurs autres, notamment en Malaisie, ont été démantelées suite aux protestations de Hanoi.

Rêve de liberté

La Promenade des libertés incarne désormais, de manière forte et sensible, le rêve de liberté et de démocratie qui continue de souffler dans un pays toujours soumis à une dictature d’un autre temps. « La liberté ne se marchande pas et doit être respectée partout », a rappelé Thierry Oppikofer, président du Comité Suisse-Vietnam, lors de la cérémonie d’inauguration. François Longchamp a rendu un hommage vibrant aux boat-people, et salué l’engagement du Conseil administratif du Grand-Saconnex, « qui fait honneur à Genève, terre de liberté et de respect des droits humains ». Le président du Conseil d’Etat a aussi relevé tout ce que la communauté vietnamienne apportait au canton et au pays. Les orateurs vietnamiens ont, pour leur part, souligné leur reconnaissance à l’égard de leur pays d’accueil. Le lieutenant-colonel Tran Huu Kinh a affirmé que l’aide de la Suisse à des milliers de ses compatriotes méritait « une reconnaissance éternelle ».

Le maire du Grand-Saconnex, Jean-Marc Comte, a insisté sur la force symbolique de ce lien entre stèle mémorielle et Mur de la honte détruit, tandis que le président du Cosunam estimait : « L’histoire nous enseigne qu’il ne faut jamais se résigner : les Justes doivent toujours être là et témoigner ! Et ceux qui, aujourd’hui, estiment que tuer ou enfermer quelqu’un est un crime, quellle que soit la justification idéologique, sont des Justes ». Le secrétaire général du Conseil œcuménique des Eglises, le Révérend Olav Fykse Tveit, a chaleureusement reçu la délégation dans la cour du COE et affirmé que les murs, quels qu’ils soient, ne devaient plus séparer les êtres humains. Jean Fischer, citoyen suisse et ancien président de la Conférence des Eglises européennes, a ajouté : « Les murs ne montent pas jusqu’au ciel ».

Berne et Munich

Un moment particulièrement émouvant fut celui où une jeune fille vietnamienne, dont la mère, l’écrivain Tran Khai Thanh Thuy, croupit dans les geôles du régime vietnamien, a demandé au maire du Grand-Saconnex et au Cosunam d’intercéder pour elle. On attend avec intérêt la réaction du Département des affaires étrangères, qui vient de recevoir à Berne une délégation officielle vietnamienne pour débattre – très poliment – des droits humains et notamment, indique le communiqué du DFAE, expliquer aux délégués du régime à parti unique les tenants et aboutissants du vote sur les minarets. Comme l’a remarqué Thierry Oppikofer avec une ironie grinçante, le DFAE paraît avoir inventé « une nouvelle variante de la diplomatie de Munich ».

Si, longtemps, la réalité de certaines violations des droits élémentaires a pu passer inaperçue, ou ne pas retenir l’attention des hommes et des femmes politiques – sans parler des médias assez tendres pour certains régimes dits « progressistes », la situation a progressivement changé. Hier, au Grand-Saconnex, on relevait la présence de nombreux députés (de Frédéric Hohl à François Gillet, président du PDC), d’anciens magistrats amis du Vietnam (Michel Rossetti, ancien maire de Genève, ou Pierre Marti, ancien président du Municipal de la Ville), du maire de Bernex Serge Dal Busco, du conseiller municipal de la Ville Simon Brandt et de nombreux élus du Grand-Saconnex. Comme l’a joliment dit le maire Jean-Marc Comte : « Le rôle d’un Conseil administratif, c’est de défendre des valeurs, pas de faire des enfantillages et des batailles puériles ».

François Valle