Vietnam : Un demi-siècle de retard et le chemin pour l’avenir

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Février 2025

INTRODUCTION

Un demi-siècle après la fin de la guerre et après trois décennies d’intégration dans la communauté internationale, le Vietnam connaît une certaine croissance économique. Mais notre développement global reste en retard par rapport aux pays avancés de la région. Sans un développement durable et global, le Vietnam risque de prendre encore plus de retard.

Alors que le reste du monde entre dans la quatrième révolution industrielle avec un accent sur les technologies de pointe, le Vietnam reste encore dépendant des exportations à faible valeur ajoutée. Le gouvernement communiste du Vietnam a mis en place de nombreuses réformes, notamment la lutte contre la corruption, la réduction des gaspillages, la simplification de la bureaucratie et la transformation numérique ; pourtant, ces mesures n’ont pas traité les racines du retard accumulé après un demi-siècle de régime à parti unique, le Parti communiste vietnamien.

En 1975 alors en pleine guerre, la moitié sud du pays se trouvait dans une situation de développement comparable à de nombreux pays de la région. Mais 50 ans plus tard, en 2025, les Vietnamiens qui le peuvent ont émigré en masse vers Singapour, Taiwan et la Corée pour trouver du travail et continuent de risquer leur vie pour s’installer dans de nombreux pays occidentaux. L’état vietnamien ne parvient toujours pas à satisfaire les besoins les plus élémentaires de la société, tels que des aliments sains, de l’eau potable en quantité suffisante, des soins de santé adéquats et une éducation de qualité. De nombreux aspects de la société vietnamienne se sont gravement dégradés, même comparés à la situation de 1975.

Quelles sont les leçons du passé ? Quelles sont les causes profondes qui ont poussé notre pays dans cette situation actuelle ? Et surtout, quel est le chemin pour les Vietnamiens vers l’avenir ?

1- CINQUANTE ANS D’OPPORTUNITÉS MANQUÉES

Première opportunité : La fin de la guerre en 1975

Le camp victorieux d’une guerre civile dispose d’une occasion en or pour rechercher la réconciliation nationale et faire avancer le pays. Cependant, les dirigeants du Parti communiste vietnamien ont mis en place une politique de vengeance et ont entretenu cette animosité jusqu’à ce jour. Pire encore, au lieu de tirer parti des infrastructures économiques et des acquis sociaux construits dans le sud du Vietnam pour faire avancer tout le pays, la direction à Hanoi a détruit ces atouts, faisant en sorte que le pays entier tombe dans la pauvreté.

L’ambition d’établir une fédération indochinoise et l’occupation du Cambodge pendant une décennie (1979 – 1989) ont totalement épuisé le Vietnam. C’est une période que les générations suivantes appellent la “période de subvention” pour décrire l’échec des politiques de collectivisations à grande échelle et les privations pour le peuple. Pendant cette période, de rares voix dissidentes au sein de l’appareil dirigeant, telles que celles de Tran Xuan Bach, Nguyen Ho, Tran Do et même Vo Van Kiet, ont dénoncé, en vain, ces mauvaises politiques.

Deuxième opportunité : L’effondrement du bloc communiste en Europe de l’Est en 1989 et de l’Union soviétique en 1991

Lorsque le socialisme a été officiellement abandonné dans son berceau, le Vietnam a eu une deuxième occasion en or de se libérer des chaînes d’une idéologie défaillante et inhumaine, et de tracer audacieusement un nouveau chemin, comme l’ont fait de nombreux pays d’Europe de l’Est.

Mais, malheureusement, les dirigeants communistes vietnamiens ont paniqué. Ils ont cherché en urgence à dépendre de la Chine pour remplacer le soutien qu’ils avaient perdu en l’Union soviétique, au piont de sacrifier une partie de la souveraineté du pays. Le sommet secret de Chengdu en 1990 n’a pas seulement été une tache historique, mais a aussi marqué la “Nouvelle Période Coloniale du Nord” pour le peuple vietnamien, comme l’a averti le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Nguyen Co Thach, et comme l’a détaillé le vice-ministre des Affaires étrangères Tran Quang Co dans ses mémoires de cette époque.

Troisième opportunité : L’adhésion du Vietnam à l’OMC et l’afflux d’investissements étrangers en 2007

Sur la vague de la mondialisation, de nombreuses organisations internationales et entreprises ont investi massivement au Vietnam. Ce fut une occasion en or non seulement de développer le pays, mais aussi de rompre la dépendance vis-à-vis de la Chine.

En plus des investissements directs étrangers (IDE) substantiels, le Vietnam a reçu des milliards d’assistance publique au développement (APD) — des sommes que d’autres pays en développement ne pouvaient qu’envier. Cependant, une grande partie de cet argent a été perçu comme une manne qui pouvait être détournée et partagée entre les groupes d’intérêts entourant le Premier ministre de l’époque, Nguyen Tan Dung. C’est à cette époque que le Vietnam, bien qu’en retard de développement, a produit le plus grand nombre de milliardaires de son histoire.

De nombreuses entreprises d’État, les soi-disant “poings de fer”, ont périclité ou fait faillite les unes après les autres, laissant des montagnes de dettes pour les générations futures. Le service de la dette est devenu un fardeau pour la capacité du pays à prospérer dans les années à venir.

Une autre conséquence extrêmement nuisible est qu’après avoir mis à l’écart la faction de Nguyen Tan Dung en 2016, le secrétaire général du parti, Nguyen Phu Trong, s’est davantage rapproché de Pékin. Dans les années suivantes, Nguyen Phu Trong a violemment réprimé toutes les formes de protestation contre les empiétements chinois au Vietnam. Même les voix patriotiques au sein de l’appareil dirigeant, comme le général Truong Giang Long, ont été punies et réduites au silence.

Il est clair que le Vietnam a eu des occasions clés et des moyens abondants de se remettre de la guerre et de développer le pays, mais toutes ont été manquées. La Corée du Sud et Taiwan souhaitaient autrefois être égales au Sud-Vietnam, mais aujourd’hui, le PIB par habitant de ces deux pays a dépassé celui du Vietnam par dix.

Qu’est-ce qui empêche le pays de réaliser son potentiel et de décoller ?

2- LES CAUSES PROFONDES DU RETARD

Le retard du Vietnam provient de nombreux facteurs internes et externes, mais au cœur de ce retard se trouvent trois mentalités nuisibles du Parti communiste vietnamien qui ont persisté pendant un demi-siècle.

Première cause : La mentalité autoritaire et marxiste-léniniste obsolète

Le Parti se proclame comme la seule autorité, dirigeant et opérant chaque sphère du pays, y compris la pensée et le comportement des gens. Cela ralentit non seulement l’économie et le développement des populations, mais encourage également la corruption et le gaspillage des ressources du pays.
Chaque institution devient l’outil du Parti pour protéger le Parti et soutenir le système politique, réprimant les activistes pour les droits humains et la justice sociale. La collusion entre l’élite au pouvoir corrompue et les capitalistes rouges a conduit à la création des groupes d’intérêts qui déstabilisent financièrement le pays.

Deuxième cause : La mentalité répressive et divisive

Non seulement le régime opprime et terrorise le peuple, mais il sème également la méfiance dans les écoles et sur les lieux de travail, créant une division entre les groupes sociaux, de sorte que personne ne fait plus confiance à personne. Le résultat est une société passive, craintive et dénuée de créativité; indifférente ou dépendante, n’osant pas discuter des affaires du pays et laissant tout faire au régime.

La religion est contrainte par un système “demander-donner”, où l’approbation préalable des autorités est requise pour de nombreuses activités. Les valeurs traditionnelles vietnamiennes doivent céder la place à l’honneur d’une “moralité révolutionnaire” communiste. La conséquence est un immense vide moral dans la société, avec des répercussions allant des faux diplômes universitaires aux aliments transformés avec des produits chimiques toxiques, sans parler du nombre alarmant d’avortements.

Troisième cause : La mentalité de dépendance à un “grand frère”, notamment la Chine

Cette dépendance a fait perdre au Vietnam son autonomie et sa souveraineté, et le pays vit constamment dans la crainte des réactions de Pékin face aux changements géopolitiques dans la région Indo-Pacifique. En raison de sa dépendance envers la Chine, le régime a diminué la capacité et la responsabilité de l’armée vietnamienne à protéger la souveraineté du pays. De nombreux officiers vietnamiens de rang intermédiaire et supérieur ont été envoyés en Chine pour étudier l’idéologie militaire et politique sous l’angle de la soumission à Pékin.

Et, plus important encore, le régime a rendu l’économie trop dépendante de la Chine. Il n’a pas voulu contrôler la frontière pour empêcher l’entrée de produits chimiques toxiques en provenance de Chine, qui contaminent l’approvisionnement alimentaire du pays et mettent en danger la santé publique ; et n’a pas voulu arrêter les marchands chinois qui manipulent l’agriculture vietnamienne, créant des situations de pénurie ou de surplus artificiels.

Alors, comment les Vietnamiens peuvent-ils progresser vers un avenir meilleur ?

3- LA LIBERTÉ ET LA DÉMOCRATIE SONT LA VOIE DE L’AVENIR

À chaque époque, le Vietnam a dû faire face à des problèmes uniques et a eu besoin de la force collective de tout le peuple pour relever les plus grands défis nationaux.

Aujourd’hui, après un demi-siècle de règne du Parti communiste vietnamien et les conséquences de ce retard, il est clair que le défi de réformer et de moderniser le Vietnam ne peut être relevé en suivant une idéologie défaillante.

Pour résoudre les grands problèmes du pays, tout gouvernement aura besoin de la contribution de tout le peuple. Mais pour que les gens participent, les dirigeants nationaux, en particulier le Parti communiste vietnamien, doivent immédiatement abandonner la pensée obsolète qui a freiné le développement du pays au cours des 50 dernières années.

Le pays doit entrer dans une nouvelle ère ! La base de cette ère est de construire un État libre et démocratique qui respecte les droits humains et la dignité individuelle, accepte le pluralisme et respecte toutes les ethnies du Vietnam. Et, plus important encore, cet avenir doit être guidé par une nouvelle mentalité, fondée sur les valeurs nationales et démocratiques.

Pour que cette nouvelle ère commence : Tous les Prisonniers de conscience qui sont détenus pour avoir défendu les droits humains et protégé la souveraineté du pays doivent être libérés.

En même temps, les cinq politiques suivantes doivent être mises en œuvre immédiatement pour poser une base à long terme pour le développement et la construction d’un pays dans lequel il fait bon vivre et qui contribue à la communauté internationale.

Premièrement, réformer le système éducatif et investir dans les personnes

Plus précisément, les écoles ne doivent pas devenir des outils d’endoctrinement au marxisme-léninisme pour que les jeunes deviennent des hommes et femmes socialistes. L’État ne doit pas intervenir de manière excessive dans les activités scolaires et sociales. Cinquante ans suffisent pour démontrer l’échec et les conséquences nuisibles de cette approche.

La réforme de l’éducation doit être fondée sur trois piliers :

L’HUMANISME, mettant les individus au centre et servant à l’avancement de l’humanité comme priorité, afin que chacun ait le droit de bénéficier d’égalité des chances et d’un niveau de vie décent.

L’EXPLORATION, osant accepter le changement, sachant remplacer les anciennes pratiques dépassées par les meilleures méthodes adaptées aux circonstances et au niveau de connaissance du pays.

LA DÉMOCRATIE, sachant accepter et respecter les différences, pour ne pas se nuire mutuellement, mais pour vivre, travailler et coopérer ensemble, en partageant les responsabilités sociales et en bénéficiant des fruits du bien-être commun.

Simultanément, tous les groupes ethniques ne peuvent vivre et coopérer entre eux que lorsqu’ils ont une compréhension mutuelle et mènent un dialogue égalitaire. La libération immédiate des individus de toutes les ethnies qui ont été détenus pour avoir courageusement résisté aux expropriations foncières et à la persécution religieuse est un préalable à la coopération interethnique pour faire progresser ensemble un pays qui met l’humain au centre.

Une fois que la dignité du peuple vietnamien est respectée et promue dans son propre pays, les vietnamiens n’auront plus besoin de partir à l’étranger, légalement ou illégalement, pour être traités comme de la main-d’œuvre subalterne et travailler dans des industries souterraines, tout cela au nom de l’exportation de la main-d’œuvre.

Deuxièmement, promouvoir la société civile pour encourager l’engagement civique

La société civile comprend des organisations formées volontairement, spontanément et indépendantes du contrôle gouvernemental. Les organisations non gouvernementales jouent deux rôles importants dans la société : encourager les talents de la population et créer les bases de la justice et de l’égalité pour tous.

Lorsque les organisations de la société civile se développent fortement, le gouvernement peut se soucier moins du contrôle social et se concentrer davantage sur les objectifs de développement national et la création d’opportunités d’avancement pour tous. Dans les pays démocratiques, la société civile est encouragée à se développer de manière autonome, les gens prenant soin d’eux-mêmes, s’entraidant et résolvant de nombreux problèmes sociaux par eux-mêmes.

L’indépendance de la société civile permet aussi de garantir que les droits des citoyens ne soient pas violés ou abusés par le régime. De plus, les groupes indépendants aident à surveiller les activités gouvernementales, réduisant ainsi le risque de corruption et de gaspillage.

Troisièmement, construire une économie de marché et de la connaissance pour créer des percées en matière de développement

En août 2024, le Département américain du commerce a conclu que le Vietnam n’était pas une économie de marché, car l’État maintenait un rôle trop important dans la vie économique et favorisait les entreprises publiques avec des crédits bon marché et une position monopolistique dans des secteurs clés tels que l’énergie, les télécommunications et les transports. Une économie non marchande limite la concurrence, entrave le développement du secteur privé et rend l’environnement économique inefficace.

Pour réaliser la 4ème révolution industrielle, le Vietnam doit entreprendre des réformes profondes pour devenir une économie de marché. Pour générer des percées en matière de croissance, le pays doit fournir un environnement favorable au développement d’industries basées sur la connaissance, telles que l’informatique avancée et l’IA. En parallèle du développement du secteur privé, le droit des travailleurs à s’organiser et à défendre leurs droits est essentiel.

Pour créer cette percée, le système éducatif doit être décentralisé, afin que les leaders d’opinion, les entrepreneurs et les éducateurs puissent y contribuer avec leurs talents. Les experts eux-mêmes innoveront et influenceront différents types de programmes éducatifs pour répondre à l’avancement de la société et du pays. Et pour attirer les investissements dans les industries avancées, le Vietnam doit garantir la liberté d’internet et la liberté académique — permettant aux universités de fonctionner de manière autonome pour éduquer et former les ingénieurs et spécialistes que le système actuel ne peut pas produire de manière adéquate ou a perdus à cause de la fuite des cerveaux.

Quatrièmement, protéger d’urgence l’environnement et traiter la sécheresse et la salinité dans le delta du Mékong

Le Vietnam fait partie des pays les plus touchés par le changement climatique. Il est prévu que des événements météorologiques extrêmes augmentent en fréquence et en intensité, notamment les typhons et les inondations, avec des impacts de plus en plus graves sur tout le territoire du Vietnam. Le typhon Yagi, qui a frappé et causé de lourds dégâts dans les provinces du nord du Vietnam en septembre 2024, a été un avertissement urgent.

Plus inquiétant encore, le changement climatique, associé aux politiques du régime et des pays voisins, a causé une grave sécheresse et une remontée d’eau salée dans le delta du Mékong, où une grande partie du riz, des fruits et légumes du pays sont cultivés. Si des mesures correctives ne sont pas rapidement prises, des millions de personnes dans les sept provinces de Long An, Ben Tre, Kien Giang, Tra Vinh, Soc Trang, Bac Lieu et Ca Mau pourraient manquer d’eau potable et de sources d’eau pour l’agriculture.

Ces efforts ne peuvent pas être mis en œuvre uniquement par des mesures administratives du gouvernement, mais doivent mobiliser la participation de l’ensemble de la population et le soutien de la communauté internationale, afin qu’en premier lieu, il n’y ait plus de cas de montagnes détruites et de mer remplie pour des intérêts privés ; en second lieu, que les gens puissent se sentir en sécurité pour mener leur vie au lieu de lutter constamment contre la salinité, la sécheresse et les glissements de terrain ; et enfin, que les gens n’aient plus à fuir en pleine nuit parce que des centrales hydroélectriques ont causé des inondations.

Cinquièmement, compter sur le peuple et se libérer des influences de Pékin

La condition de base pour que le Vietnam décolle est de se libérer des contraintes et des influences négatives de Pékin. Particulièrement dans la situation actuelle, le monde évalue avec intérêt l’attitude de Hanoi à se distancer de la Chine. C’est aussi une opportunité pour le peuple vietnamien de s’intégrer dans le monde développé et, à son tour, d’avoir un impact positif sur son propre pays.

Les Vietnamiens ne s’uniront ni ne s’aligneront véritablement avec l’État tant que les voix patriotiques continueront d’être réprimées, arrêtées et emprisonnées. La libération immédiate de ceux qui ont participé aux manifestations anti-chinoises est un signe de bonne volonté et de respect pour le patriotisme de tout le peuple. Le peuple vietnamien a suffisamment de sagesse et de patriotisme pour ne pas promouvoir la guerre et pour s’associer fermement au monde libre pour protéger la souveraineté, les terres, les eaux, la liberté et l’indépendance du Vietnam et d’autres pays d’Asie du Sud-Est.

Imaginez un Vietnam qui ne soint plus corrompu et dégradé par le modèle chinois ; un Vietnam qui est l’un des pays les plus avancés au monde où les gens vivent harmonieusement et pacifiquement les uns avec les autres, se croisant dans la rue avec un sourire amical et prêts à s’entraider et se soutenir mutuellement ; et, un Vietnam où les différences sont respectées et harmonisées comme autant de fleurs colorées, embellissant et enrichissant la société et la nation vietnamiennes.

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Viet Tan, depuis sa fondation, a activement contribué à la construction d’une base démocratique à travers ses activités, la construction de communautés et la défense internationale.

Viet Tan est prêt à coopérer avec toutes les personnes, organisations et partis qui partagent la préoccupation pour les menaces auxquelles le Vietnam est confronté et qui souhaitent trouver une issue. Ensemble, nous pouvons créer des changements historiques et ouvrir une nouvelle ère pour le peuple vietnamien.

En abordant les causes profondes et en entreprenant des changements fondamentaux, le Vietnam pourra surmonter tous les défis et entrer dans une nouvelle ère de progrès national.