De nouvelles grèves massives au Viêt Nam

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Vendredi 5 octobre 2007 : les grévistes délivrent un journaliste indépendant

Ce matin, j’ai lu sur un blog que des milliers d’ouvrier sont en grève dans la zone industrielle Linh Trung. J’embarque mon appareil photo et prends la route immédiatement. Il pleut beaucoup. Les routes sont recouvertes d’eau, cachant les nids de poules si bien que ma motocyclette s’y enfonce souvent dedans. Je me retrouve aspergée de boues.

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J’arrive dans la zone industrielle à 11h30. A l’entrée de la zone se trouve un vendeur ambulant de boissons. Je m’arrête pour me désaltérer et prendre des nouvelles de la grève. Le vendeur me dit que les ouvriers sont en grève depuis quatre jours. Ils se tiennent devant les grilles de leurs usines et défendent leurs droits. Je m’enfonce dans la zone et croise deux jeunes hommes sur une motocyclette. Ils me disent qu’une grève se déroule actuellement à l’usine Viêt Lâp.

Il est midi dans quand j’y arrive. Les ouvriers et les ouvrières portent des uniformes bleu clair et stationnent devant l’usine. Ils débordent même sur la route et sur le trottoir d’en face.

Je me hâte pour prendre quelques photos et interroger les ouvriers sur la raison de leur mouvement. Ils me répondent que leurs salaires sont trop bas, à peine 700 000 dongs mensuels (3,50 euros). Ils me disent que tous les prix ont augmenté, par exemple la nourriture et le logement. Ils n’arrivent plus à vivre de leurs salaires.

Alors que je discute avec les ouvriers, un policier s’approche et me demande de le suivre au commissariat pour une « séance de travail. » Je lui demande : « A quel sujet ? » Il me répond que je n’ai pas le droit de prendre des photos. Je lui rétorque qu’il n’y a aucun panneau interdisant cela, je n’ai donc pas commis de faute. Il me répète l’ordre de le suivre au commissariat. Je refuse de nouveau. Je lui dis que s’il veut une « séance de travail », il n’a qu’à m’envoyer une convocation par écrit à mon domicile. Je refuse d’être interpellé en pleine rue sans motif valable. Le ton monte, il me menace de recourir à la force si je n’obtempère pas. Je réponds que la loi ne lui permet pas de le faire. Le policier appelle alors des renforts. Arrive un 4×4 de la police. Les ouvriers qui ont tout vu et entendu encerclent alors le véhicule. Je vois dans leurs yeux une farouche détermination.

Lorsque les policiers, aidés par les agents de sécurité de l’usine, me poussent à monter dans le véhicule, je résiste. J’appelle les ouvriers à l’aide. Des centaines d’ouvriers se massent autour et protestent contre les agissements des policiers. Les agents de sécurité sortent leurs matraques pour dissuader les ouvriers de s’approcher. Les policiers me soulèvent pour me mettre dans leur véhicule. Je résiste en appuyant de mes pieds. Devant cette scène, les ouvriers bousculent les agents de sécurité et viennent me délivrer de la police. Ils me tirent vers eux en criant « c’est un journaliste », « c’est un journaliste. » Les agents de sécurité n’ont pas osé nous poursuivre et s’éloignent avec les policiers. Je marche au milieu des centaines d’ouvriers heureux et fiers de leurs actions. Je me sens rempli d’un bonheur inédit. Un ouvrier a rapproché ma motocyclette pour me permettre de quitter la zone alors que les autres formaient un barrage serré destiné à bloquer les policiers si jamais ils voulaient me suivre. Je remercie rapidement mes sauveurs en leur promettant de publier rapidement des images et un article sur leur grève. Je me sens pleine de reconnaissance et d’amitié pour ces pauvres ouvriers.

Aujourd’hui, je suis devenue une des leurs. Je serai présente à chaque fois qu’ils lutteront pour améliorer leurs conditions.

J’espère de tout cœur que ceux qui liront ces lignes relaieront largement le combat de ces ouvriers pour leur droit, leur dignité. Ces grèves qui durent déjà depuis quatre jours n’ont fait l’objet d’aucun article dans les grands journaux nationaux. Le quotidien Lao Dong (Travail) a juste publié un court article titré « Comment mettre fin aux grèves ? »
Où sont les autres journalistes ?


Samedi 6 octobre 2007 :

Je suis revenue à l’usine Viêt Lâp pour couvrir la grève dans cette zone industrielle où les ouvriers réclament de meilleurs salaires pour faire face à l’augmentation du coût de la vie.

Arrivée sur place, les ouvriers m’ont immédiatement reconnue. Je vois dans leurs yeux beaucoup d’espoir. Je regrette seulement que ma plume n’ait pas encore pu alerter la société, faire bouger les autorités qui disent qu’elles doivent tout aux « ouvriers et agriculteurs » ( !)

Après les 7000 salariés de la compagnie Free Trend qui ont obtenu une augmentation de salaire, les ouvriers de l’usine Viêt Lâp ont repris le travail ; mais ils disent qu’ils repartiront en grève si les autres revendications portant sur les conditions de travail ne sont pas satisfaites. Les ouvriers de Sung Hyun Vina sont en grève depuis trois jours et maintenant c’est le tour des ouvriers de Viêt Lâp. Je crois que la grève fait tâche d’huile et que de plus en plus d’ouvriers rejoignent le mouvement comme ceux de Duy Hung, Bong Kook, Dai Quang, Hy Son et Niss Xei.

Est-ce que ces grévistes obtiendront gain de cause vis-à-vis de la direction ou bien ne vont-ils rencontrer que les hommes de main, ces voyous payés par la direction pour intimider les ouvriers. Et le plus triste c’est que le syndicat officiel est de mèche avec le patronat.

En ce samedi soir, il pleut. Les grandes grilles des usines se vident. Peu à peu, les ouvriers regagnent leurs baraquements miteux et s’enferment pour la nuit, sachant que le lendemain ne leur promet rien de mieux. Je relaterai les conditions de vie misérables des ouvriers dans un autre article.


Lundi 8 octobre 2007 :

1. Dans la zone industrielle Binh An, à Binh Duong :— Usine de chaussures Viêt Lâp, filiale de la société Thanh Lê : la grève de 1700 ouvriers pour des augmentations de salaire entre dans son 4e jour. Elle a débuté le vendredi 5 octobre. Samedi 6 octobre, la direction avait proposé une relavorisation salariale qui semblait contenter les ouvriers. Mais aujourd’hui, ils estiment que ce n’est pas suffisant n’ont pas repris le travail. Selon un communiqué de l’usine Viêt Lâp collé à la grille d’entrée, la direction a proposé une augmentation salariale de 4000 dongs (20 centimes d’euro) par jour dont 1000 dongs seront prélevés pour les frais de cantine. Au final, les ouvriers n’auraient que 3000 dongs par jour, soit 78 000 dongs par mois (3,9 euros).
-  Pendant ce temps, les ouvriers d’une autre société de la zone industrielle, la Sung Hyun Vina, ont obtenu une augmentation mensuelle de 160 000 dongs (8 euros). De ce fait, les ouvriers ont cessé leur grève et repris le travail.
-  A l’usine Han Soll Dae Kwang (Dai Quang en vietnamien), environ 1350 ouvriers sont également en grève depuis le 5 octobre 2007. Les revendications sont aussi d’ordre salarial car leur pouvoir d’achat a été fortement entamé par la forte inflation de ces dernières années.

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2. Dans la zone industrielle Song Than, à Binh Duong :
-  A l’usine Bong Kook qui produit des sacs à main, des milliers d’ouvriers se sont mis en grève au matin du samedi 6 octobre. Ils réclament des hausses de salaire pour compenser l’augmentation du coût de la vie.
-  A 50 mètres de là, l’usine Duy Hung est également paralysée par la grève de ses 7000 ouvriers, depuis le 6 octobre au matin. Les ouvriers se présentent à l’heure mais restent devant les grilles de l’usine au lieu d’y entrer.

Les grèves sont suivies à 99% car les ouvriers et les ouvrières sont logés dans l’enceinte de l’usine. Les non grévistes sont les membres de la sécurité, les administratifs et la direction.

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