Investir ou s’investir au Vietnam ?

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Bientôt trente ans après la prise de Saigon en 1975, un nouveau schéma géopolitique se dessine entre les Vietnamiens restés au pays, le gouvernement communiste de Hanoi et les Vietnamiens d’outre-mer.

A l’aube du 21e siècle, le développement et le bien-être du peuple vietnamien est dans tous les esprits. Mais la manière d’appréhender la situation et les besoins réels du pays a suscité des réactions diamétralement opposées de part et d’autre de la communauté vietnamienne.

D’un côté, on trouve la Résolution 36 relative au travail vis-à-vis des Vietnamiens résidant à l’étranger, émise par le Politburo du gouvernement vietnamien qui vise à « créer des conditions de plus en plus favorables permettant ainsi [aux Vietnamiens résidant à l’étranger] de revenir au pays pour visiter leur famille, et participer aux activités d’investissement, commerciales, de coopération scientifiques, technologiques, culturelles et artistiques ». En effet, conscient du potentiel que représentent aujourd’hui les communautés vietnamiennes à l’étranger, le gouvernement de Hanoi a promulgué ce texte qui s’attache à reconnaître les qualités des Viet Kieu : pleins de « patriotisme », de « fierté nationale », ils n’auraient eu cesse de « préserver les traditions culturelles et de se consacrer corps et âme à la réunification nationale ». Toujours selon le Politburo, les Vietnamiens résidant à l’étranger auraient tous salué les résultats remarquables de la politique de « renouveau » de Hanoi. Tous, sauf une minorité de Vietnamiens, mus par un « complexe d’infériorité » et de nombreux « préjugés » à l’encontre du gouvernement, et qui ne travailleraient qu’à « saboter » l’entreprise de renouveau de Hanoi.

Ce même texte, sous des abords aimables et préoccupés du maintien des traditions et des liens culturels avec les Vietnamiens d’outre-mer, s’attache pourtant à un tout autre objectif. Car le mot d’ordre de la Résolution 36 est avant tout investir. Mais – pourrait-on objecter – pour un pays en voie de développement comme le Vietnam, l’afflux de capitaux étrangers dans l’économie nationale ne pourrait qu’aider au développement du pays. En effet, le texte de la Résolution appuie sur l’objectif commun et final de tels investissements par les Viet Kieu dans leur pays d’origine : il s’agit de réunifier la nation, de défendre l’indépendance du pays et d’édifier une société « équitable, démocratique et avancée » où les citoyens évolueraient sans distinction d’ethnie, de religion ou d’origine. Sans doute le Politburo a-t-il oublié le scandale des frontières avec la Chine en 2002, lorsque le gouvernement avait secrètement abandonné des centaines de kilomètres carrés de territoire à son voisin, perdant ainsi la porte Nam Quan et les chutes Ban Gioc, symboles de l’intégrité nationale. Et sans doute, ne compte-t-il pas les innombrables emprisonnements et mauvais traitements envers des dissidents, que ce soient des bonzes, des prêtres, des médecins, des avocats ou encore des professeurs, pour oser élever une voix contraire à la ligne officielle du gouvernement.

Mais plus encore, l’intérêt soudain que vient porter le gouvernement vietnamien aux communautés d’outre-mer lui permet d’étendre pernicieusement la répression au-delà de ses frontières : après avoir invité les Vietnamiens résidant à l’étranger à s’investir au Vietnam sous toutes les formes possibles (sport, retour à la source, activités de commerce et d’investissement), le Politburo tente à travers la Résolution 36 d’exporter son pouvoir démagogue et de l’implanter gentiment parmi les Vietnamiens d’outre-mer. Il se propose tout simplement de combler le gouffre culturel en introduisant des programmes télé, des émissions radio, des sites internet, des colonies de vacances, des cours de vietnamien, tout cela à l’usage des Viet Kieu… en bref, de reprendre en mains toute l’organisation sociale des communautés vietnamiennes vivant à l’étranger, « tout en prenant des mesures adéquates pour lutter contre tout acte volontaire susceptible de porter atteinte aux intérêts de la Nation, de nuire aux relations entre le Vietnam et les pays où vivent bon nombre de Vietnamiens ou de semer la division au sein de la communauté des Vietnamiens dans les pays d’accueil ». A travers la Résolution 36, le Politburo exporte purement et simplement le dogme qui ronge sa propre législation : c’est par l’usage des articles 87 et suivants et 258 du code pénal que le gouvernement de Hanoi justifie le besoin d’emprisonner tous ceux qui s’élèvent contre la politique gouvernementale ou dénoncent les violations des droits de l’homme, tous ceux qui font un usage de la démocratie qui pourrait porter atteinte aux intérêts de la Nation.

Aujourd’hui, inquiet du bien-être manifeste des communautés vietnamiennes étrangères et alléché par les perspectives commerciales que le commerce peut lui apporter, le gouvernement vietnamien veut réformer son attitude par rapport à ces communautés longtemps critiquées et montrées du doigt. Soi-disant dans l’intérêt du peuple et de son bon développement, soi-disant pour combler les besoins des Vietnamiens à l’étranger, le Politburo s’instaure soudainement et de manière paternaliste comme le responsable et le juge de la bonne marche des communautés vietnamiennes à l’étranger, qui tout compte fait n’ont jamais cessé de faire partie de la Patrie ! Le discours officiel a donc bien changé depuis les premières vagues de boat people. Les traîtres sont devenus des vaches à lait que Hanoi se plaît aujourd’hui à flatter afin de mieux pouvoir tirer profit des éventuelles rentrées monétaires.

Le véritable bien-être du peuple vietnamien passe-t-il ainsi derrière les perspectives d’enrichissement des cadres du parti communiste de Hanoi ? Pourquoi ne pas instaurer une Résolution qui aille dans le sens des intérêts de sa propre population ? Pourquoi ne pas écouter les besoins du pays, plutôt que de se préoccuper de l’argent des communautés étrangères ? Car l’urgence réside bien dans les besoins directs et élémentaires du peuple vietnamien, et non dans le manque de professeurs de vietnamien aux Etats-Unis ou de bibliothèques virtuelles sur internet à l’usage des Vietnamiens d’outre-mer !

Du côté de ces derniers d’ailleurs, le paysage géopolitique change et se redessine également. Quoique résidant à l’étranger, les Vietnamiens d’outre-mer n’en gardent pas moins un profond attachement pour le Vietnam et un souci réel pour son développement et son bien-être. Etant donné les nouveaux défis auxquels doit chaque jour faire face le pays, il devient essentiel pour les communautés vietnamiennes d’outre-mer de s’organiser et de trouver les voies et les moyens d’aider le Vietnam le plus effectivement possible. Comment s’investir pour le Vietnam.

Cette année, le parti Viet Tan (Việt Nam Canh Tân Cách Mạng Đảng), fondé en 1982 et qui regroupe tant des membres de la diaspora que des membres restés au Vietnam mais persécutés pour ce choix d’appartenance, a choisi de s’affirmer publiquement en tant que parti politique vietnamien et de présenter son programme. La cérémonie d’inauguration et de présentation du Parti Révolutionnaire pour la Réforme du Vietnam – Viet Tan aura lieu le 19 septembre à Berlin et réunira des centaines de membres à cette occasion. Le choix de Berlin n’est d’ailleurs pas gratuit. La ville reste en effet, après la chute du mur, un symbole de réunification et d’espoir, notamment pour le nombreux Vietnamiens qui vivaient dans les pays du bloc de l’est, autrefois envoyés comme travailleurs par le gouvernement vietnamien, et qui assisteront à cette cérémonie.

Conscient des épreuves et des difficultés d’où le peuple vietnamien ne parvient pas réellement à sortir depuis des années, Viet Tan a toujours dénoncé les injustices sociales, religieuses et ethniques qui minent le Vietnam. Il entend proposer une réelle alternative au pouvoir dictatorial communiste et une refonte complète du système qui aboutirait à une société pluripartiste apte à faire face aux enjeux de la modernité et aux besoins réels du peuple vietnamien. Plus que de simplement espérer que les investissements et l’aide étrangère puissent soutenir à long terme le développement et l’économie du Vietnam, Viet Tan entend créer des conditions dans lesquelles le peuple pourra s’exprimer librement, sans devoir suivre les directives unilatérales d’un parti unique et corrompu, et travailler à l’édification d’une nation moderne, autonome et démocratique grâce au vote au suffrage universel.

Il ne s’agit pas d’essayer de s’approprier le droit d’expression du peuple et d’en user pour mieux protéger ses propres intérêts économiques et ses privilèges. Il s’agit de donner une chance au peuple vietnamien de s’exprimer de manière directe et libre.

Les objectifs que s’est fixés Viet Tan et la manière d’appliquer ces principes seront officiellement connus dans quelques semaines. Néanmoins, la pierre d’attache du programme de Viet Tan est le peuple vietnamien. Ses aspirations feront la force d’une société pluraliste et Viet Tan choisit de se présenter officiellement afin de pouvoir offrir une alternative politique visible, claire et publique aux Vietnamiens. Grâce aux contacts que l’on peut désormais établir plus facilement avec le Vietnam et surtout grâce aux nouveaux moyens de communication tels qu’internet, Viet Tan espère ainsi promouvoir son message et mieux faire connaître son programme aux Vietnamiens et les aider à choisir une société pluraliste et juste.

Ainsi, les différentes communautés vietnamiennes tournent leur regard au-delà de leurs frontières. Mais quand le gouvernement communiste tente d’étendre son autorité et son empire sur les Vietnamiens résidant à l’étranger, en les appâtant avec des conditions commerciales favorables, tout en se prévalant d’intentions d’ordre culturel et quasi paternalistes, ces mêmes Vietnamiens d’outre-mer ont aujourd’hui l’occasion d’affirmer une alternative à l’esprit « investir au Vietnam » : Viet Tan va permettre d’exprimer publiquement un autre engagement, celui de s’investir pour le Vietnam et pour le peuple vietnamien. Dans l’espoir que bientôt s’achèvera l’ère du totalitarisme communiste et commencera celle d’un Vietnam libre et prospère.

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