L’avocat vietnamien des droits de l’homme, Nguyen Van Dai, témoigne lors du 11ème Sommet de Genève sur les droits de l’homme et la démocratie

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26 mars 2019

Mesdames et Messieurs,

Merci de me donner l’occasion de parler de la situation des droits de l’homme au Vietnam au travers mon expérience. Mon parcours a commencé lorsque je vivais à Berlin-Est en 1989 et que j’ai été témoin de la chute du mur de Berlin, suivie par l’effondrement de l’Allemagne de l’Est et des révolutions en Europe de l’Est. C’est à cette époque que ma foi dans le socialisme et le communisme s’est également effondrée et que je me suis réveillé en découvrant sa nature démoniaque cachée.

À la fin de 1990, à 20 ans, j’ai décidé de retourner au Vietnam dans l’espoir de pouvoir contribuer à l’instauration d’un changement démocratique dans mon pays. Je fus diplômé de la Faculté de Droit en 1995 et je suis devenu un avocat défenseur des droits de l’homme en 2000 pour plaider la cause des protestants appartenant à la minorité ethnique Hmong et des pasteurs des congrégations protestantes non reconnues par le gouvernement vietnamien.

En 2006, j’ai fondé le Comité pour les droits de l’homme et un syndicat indépendant. J’ai commencé à collaborer avec la BBC Vietnamien pour promouvoir la pluralité politique au Vietnam. J’ai également ouvert des cours pour que les étudiants puissent se familiariser avec les notions de droits politiques et de la liberté de la presse. C’est le 6 mars 2007, alors qu’un de mes collègues enseignait à des étudiants dans nos bureaux, que les forces de sécurité ont fait irruption et nous ont arrêtées.

Lors de mon procès, la cour a soutenu que le Vietnam était un État à parti unique et que mon action de promotion pour une pluralité politique était une attaque contre l’État vietnamien. Débattre des libertés de la presse était perçu comme la constitution d’un média d’opposition et une propagande contre l’État. Cela m’a valu d’être condamné à 4 ans de prison suivi de 4 ans d’assignement à résidence au titre de l’article 88 du code pénal réprimant la propagande contre l’État.

J’ai été détenu pendant plus de 10 mois au centre de détention N°1 à Hanoi. Tous les jours, ils nous donnaient des légumes sales et non lavés, infestés de sangsues et de limaces. Nous avons dû les laver avec l’eau sale qui nous était fournie avant de pouvoir les manger. Nous étions sous-alimentés et ne recevions que 100 grammes de viande par semaine.

En prison, nous n’avions pas d’eau potable, comme requis. Et nous devions utiliser des chaussettes et des serviettes pour filtrer l’eau sale cinq fois avant de pouvoir la boire. Nous n’avions alors ni le droit de lire les journaux ni de regarder la télévision…

Après ma libération de prison en mars 2011, j’ai continué à militer en faveur des droits humains. En avril 2013, avec quelques autres défenseurs des droits de l’homme, j’ai fondé la Fraternité pour la Démocratie, une organisation de la société civile vouée à la promotion des droits de l’homme et de la démocratie au Vietnam. J’ai continué à enseigner la société civile et les droits de l’homme pour les étudiants et les communautés catholiques. Le 8 mai 2014, 5 policiers en civil m’ont battue alors que je discutais avec un groupe d’étudiants dans un coffee-shop, J’ai été blessé à la tête avec quatre points de suture. Entre janvier et mars 2015, la police m’a harcelée trois fois chez moi.

Mon passeport m’a été retiré à la fin officielle de mon assignation à domicile en le 6 mars 2015. Mais la police continuait à me surveiller et ne me permettait pas de quitter ma maison plus de quatre jours.

Après avoir donné une formation pour 70 paroissiens catholiques en 6 décembre 2015, mes trois collègues et moi-même avons été pris dans une embuscade par 20 policiers. Durant notre retour à Hanoi, notre taxi a été arrêté et nous avons été agressés physiquement. Tous nos biens ont été pris, y compris nos vestes, documents d’identité et papiers, téléphones avant que nous ne soyons jetés sur une plage au beau milieu de la nuit froide.

Neuf jours plus tard, j’ai été arrêté arbitrairement alors que je me rendais à l’invitation d’une délégation de l’UE en prémices du dialogue sur les droits de l’homme entre l’Union européenne et le Viêt Nam. Après plus de deux ans de détention provisoire, mes cinq collègues et moi avons été jugés le 6 avril 2018. Nous avons été accusés de construire les bases d’un Vietnam démocratique dans le but de renverser le gouvernement. J’ai été condamné à 15 ans de prison et 5 ans en résidence surveillée.

Je n’ai été autorisé à voir ma femme pour la première fois qu’après 11 mois de détention provisoire. Il nous faudra attendre encore 3 mois, puis cinq, puis quatre, puis neuf mois pour nous revoir. Et je n’ai pu voir mon avocat qu’après 26 mois de détention. L’entretien n’a duré qu’une heure sous surveillance constante de la police. Au cours de ces 2 ans et demi, je n’ai jamais vu le soleil. Nous étions détenus à deux dans une petite cellule de 6,5 mètres carré.

Durant ce temps, j’ai dû manger des grains de riz crus pendant plus de 20 jours. La nourriture était toujours fade ou ils mettaient du savon dans nos soupes ou nous fournissaient de l’eau avec une puanteur insupportable. Nous devons prendre nos médicaments au milieu de la nuit et nous étions empêchés d’écouter la radio ou de lire les journaux. Parfois, notre système d’eau restait simplement fermé. Le centre de détention élevait des coqs, à dessein, pour qu’ils chantent bruyamment jusqu’à 2 heures de la nuit avant de recommencer à 6 heures du matin, provoquant des insomnies chez de nombreux détenus.

Les autorités pénitentiaires utilisaient tous les moyens possibles pour nous contraindre physiquement et psychologiquement.

Malgré les harcèlements et les intimidations, ma foi en Jésus m’aidait à continuer et à tout surmonter.

Après mon arrestation, des gouvernements et organisations internationaux ont fait pression sur les autorités vietnamiennes pour qu’elles me libèrent. Le Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations Unies a également publié une décision demandant ma libération immédiate et réclamant mon indemnisation par l’état vietnamien.

Sous la pression internationale de l’Allemagne, de l’Union européenne, des États-Unis et d’autres pays ainsi que des ONG, le gouvernement vietnamien m’a extradé vers l’Allemagne, le 7 juin 2018, avec la condition que je ne puisse jamais retourner dans mon pays natal, faisant de moi un réfugié politique permanent.

Même si je vis actuellement en Allemagne, je poursuis mes efforts pour mobiliser le peuple vietnamien afin qu’ils continuent de défendre leurs droits fondamentaux et contribuent à la mise en place d’une démocratie durable au Vietnam.

Ceci est mon histoire.
Mesdames et messieurs, j’espère que vous continuerez à soutenir le mouvement des droits de l’homme et de la démocratie au Vietnam.

Merci de m’avoir écouté.

Nguyen Van Dai

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