30 avril 2005 : Se souvenir du passé, façonner le futur

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J’avais trois ans et demi lorsque notre famille s’est embarquée à bord d’un petit bateau sur la rivière de Saigon pour fuir le pays de ma naissance à la fin du mois d’avril 1975. Les tanks communistes s’avançaient rapidement vers la capitale et en plein milieu du carnage, les derniers vestiges d’un Vietnam libre étaient en train de disparaître. La douleur sur les visages de mes proches m’ont aidé à comprendre ce qui était en train de se passer : nous avions perdu notre pays.

J’appartenais à la première vague de Vietnamiens, peut-être deux millions en tout, qui ont pris la mer, en s’aventurant dans de dangereuses zones de guerre pour trouver la liberté. A l’approche du trentième anniversaire du 30 avril, je m’imagine ce qui aurait pu être, ce qui s’est réellement passé et ce qu’apportera le futur. Il y a quelque temps, dans une bibliothèque universitaire, j’ai retrouvé un exemplaire de la constitution de la République du Vietnam. En la lisant j’ai senti mes yeux s’embuer. Je me souviens encore des mots du préambule réaffirmant que le Vietnam est une nation souveraine depuis la porte Ai Nam Quan à la frontière nord jusqu’à son extrémité sud au cap Ca Mau. Le Sud-Vietnam se serait-il développé comme la Corée du Sud ou Taiwan s’il avait résisté à l’agression communiste quelques années de plus, lorsqu’un corps de citoyens et de leaders plus responsables et plus éclairés aurait eu émergé ? Après tout, le Nord communiste a gagné par la force des armes – et non pas grâce à un modèle social supérieur capable de mettre à contribution les talents du peuple en temps de paix comme en temps de guerre.

On dit souvent que si l’on ne sait pas où l’on s’est trouvé, comment peut-on savoir où l’on va ? La perspective américaine sur cette époque est souvent teintée des idées reçues des mouvements anti-guerre et plus tard d’Hollywood. Il suffit de se rappeler les images qui ont été rejouées si souvent qu’elles se sont figées dans la conscience populaire : l’exécution à bout portant d’un Viet Cong par un policier sud-vietnamien durant l’offensive du Têt en 1968, la petite fille nue souffrant de brûlures au napalm courant sur la route, les corps entassés à My Lai. Toutes ces images suggèrent la brutalité et les crimes de guerre commis par les Américains « et leurs alliés sud-vietnamiens ».

Ce qui est moins souvent mentionné, ce sont les assassinats et la campagne de terreur menée par les Viet Cong. Durant les semaines où les communistes ont tenu la ville de Huê, plus de 5’000 civils furent massacrés et déversés dans des fosses communes. Où étaient les reporters photo durant les années où d’innombrables innocents ont souffert des bombardements aveugles sur des villages et des villes lancés par les forces communistes ? Pouvons-nous oublier que bien que le massacre des civils à My Lai ait dépassé l’imagination, il s’agissait d’actes individuels de soldats américains, qui furent en conséquence jugés et punis. De l’autre côté, les crimes de guerre perpétrés par le parti communiste vietnamien à travers son armée régulière et sa guérilla furent systématiques, massifs et ne furent jamais portés en justice.

Ceci ne s’est pas arrangé au fil des années depuis qu’Hollywood (en particulier Oliver Stone) a souvent réduit les Vietnamiens aux caricatures de femmes traitées de “boum boum”, de villageois devenant tous des “VC”, et de soldats du Sud Vietnam et d’officiers dépeints comme des êtres corrompus et lâches.

Il est à la mode dans certains milieux de parler du conflit comme de “la guerre américaine”, ce qui reprend la perspective communiste de la tragédie. Cette vue tente de représenter la guerre comme un conflit entre les Etats-Unis et le Vietnam, ce qui est loin d’être la vérité. Pourquoi ne pas alors l’appeler « la guerre soviétique », puisque la résistance à l’idéologie communiste et à l’agression a été le sentiment qui a motivé une génération entière de nationalistes vietnamiens à défendre le Sud Vietnam. Ainsi, pour moi, se souvenir du passé signifie comprendre l’histoire qui a conduit ma famille à fuir notre terre natale et honorer le sacrifice de millions de Vietnamiens et d’Américains morts pour un Vietnam indépendant, libre. Je suis toujours ému lorsque je rencontre un vétéran américain qui a servi au Vietnam. Je me fais un devoir de le remercier pour avoir été un allié du peuple vietnamien et avoir servi une noble cause. Je vis à Washington DC, non loin du Vietnam Veterans Memorial. Chaque fois que je visite le monument, je me sens reconnaissant et terriblement impressionné par les 58’000 noms gravés dans le granit noir.

Le passé est important et doit être compris. Mais on ne peut pas vivre dans le passé. Il n’y a pas de sens le ressasser. Le 30 avril 2005 est une occasion pour nous de faire le point sur la situation où nous nous trouvons en tant que communauté vietnamienne américaine, afin de célébrer notre engagement civique grandissant, et afin d’exprimer nos aspirations durables pour le Vietnam. En bref, le défi pour nous aujourd’hui est de façonner le futur.

Non plus seulement perçue comme une communauté de réfugiés, les Vietnamiens font maintenant partie intégrante de l’Amérique. Et quel meilleur moyen pour adresser ce message que de se rassembler dans la capitale de la nation lors du 30e anniversaire de la Diaspora ? Telle est la motivation qui m’a mené à rejoindre le comité d’organisation de la Marche de la Liberté pour le Vietnam (www.april30.org) . De nombreux organisateurs de cet événement, comme moi, étaient de jeunes enfants en 1975, ou n’étaient même pas encore nés. Nous avons été inspirés par le mouvement pour les droits civiques qui s’est rendu à Washington DC lors du centenaire du Discours de Gettysburg pour demander des droits égaux pour tous les Américains. Nous avons été encouragés par les expériences d’autres groupes sociaux qui ont manifesté sur le Mall pour démontrer leur responsabilisation politique. Et c’est pourquoi nous sommes résolus, lors de cette importante commémoration, à marcher jusqu’au Capitole pour rendre hommage à notre pays d’adoption, l’Amérique, et pour rappeler les injustices sociales et les violations des droits humains dans notre éternelle patrie, le Vietnam. Pourquoi est-il possible qu’un bonze vietnamien de 85 ans, le très Vénérable Thich Huyen Quang, soit maintenu en résidence surveillée pour avoir revendiqué l’existence d’une Eglise Bouddhiste indépendante du contrôle du gouvernement ? Comment se fait-il qu’un cyber-activiste de 37 ans, le Dr Pham Hong Son, croupisse en prison pour avoir traduit l’article intitulé « Qu’est-ce que la démocratie ? » Quel genre de gouvernement porte un œil aveugle sur des enfants vietnamiens pas plus âgés que 5 ans qui sont vendus et prostitués ?

Tels sont les enjeux actuels. Le 30 avril 2005, des milliers de Vietnamiens Américains viendront de tout le pays pour marcher dans la solidarité.

Venez nous rejoindre.

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