Un fossé chinois se creuse au Vietnam

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Tribune publiée dans Asia Times Online le 14 janvier 2009

Les négociateurs du Vietnam et de la Chine ont récemment annoncé un accord définitif sur le tracé, contesté depuis longtemps, des 1350 km de frontière entre les deux pays. Bien que l’accord semble avoir apaisé un conflit larvé entre les deux nations, il a creusé le fossé entre les dirigeants communistes vietnamiens et une partie de l’armée à propos de la meilleure façon de faire face à leur grand voisin du Nord.

La façon dont le gouvernement de Hanoi a négocié à propos de la frontière a également enflammé les passions parmi les étudiants vietnamiens et les intellectuels ; en effet, beaucoup d’entre eux pensent que le parti communiste au pouvoir s’incline maintenant devant Beijing car il a besoin de son soutien politique.

Le Vietnam et la Chine partagent une frontière commune depuis véritablement des milliers d’années. À la fin du 19e siècle, l’administration coloniale française, au nom du Vietnam, et la dynastie Qing, au nom de la Chine, conclurent un traité délimitant la frontière terrestre. Dès lors, 333 bornes furent plantées aux frontières. La frontière resta quasi intacte jusqu’à ce que la Chine envahisse le Vietnam en 1979. À la suite d’une guerre brève mais sanglante, la Chine retira son armée mais conserva le contrôle de points stratégiques qui, auparavant, avaient appartenu au Vietnam. Lorsque les deux pays renouèrent des relations diplomatiques, en 1991, les frontières terrestres et maritimes restèrent en attente d’une résolution.

Beijing insista sur ses revendications en fixant des dates limites pour les négociations et en établissant des indices douteux sur le terrain. En juillet 1997, le chef du Parti communiste chinois, Jiang Zemin, plaida auprès de son homologue vietnamien, Do Muoi, pour qu’un accord frontalier fût atteint avant l’an 2000 ; un accord frontalier fut ainsi conclu à la dernière minute, le 30 décembre 1999.

Au début, le gouvernement vietnamien cacha cet accord au peuple vietnamien. Les autorités firent arrêter et condamner à de longues peines de prison plusieurs jeunes militants démocrates qui avaient dénoncé cet accord frontalier ainsi qu’un traité de démarcation du golfe du Tonkin, négocié l’année suivante.

Dans la hâte de conclure l’accord frontalier de 1999, l’emplacement précis d’un grand nombre de bornes de la nouvelle frontière fut laissé en suspens, ce qui imposa une nouvelle négociation. Un Beijing impatient insista à nouveau pour que la limite fût fixée une fois pour toutes le 31 décembre 2008, d’où l’accord final qui fut conclu par les deux parties quelques heures seulement après le coup de minuit.

Les Vietnamiens croient depuis longtemps que les fonctionnaires chinois ont secrètement transféré un grand nombre de bornes frontières centenaires. Les villageois de la province de Quang Ninh au nord du Vietnam disent que des bornes furent mystérieusement déplacées pendant une nuit et que la frontière chinoise se rapprocha des zones vietnamiennes habitées. À l’intérieur même de zones vietnamiennes moins habitées, on constata en outre l’implantation régulière de Chinois de souche ou d’autres peuples de la Chine.

La négociation sur la frontière a généré de nettes différences d’opinion entre la direction du Parti communiste vietnamien et certains militaires. Selon certaines fuites d’information datant de décembre, les militaires refusaient de concéder, entre autres lieux, une rivière stratégique connue sous le nom de Bai Tuc Lam, à la convergence de la Chine, du Vietnam et du Golfe du Tonkin.

Peu de temps après que Radio New Horizon, un organisme de radiodiffusion AM non autorisé mais entendu dans tout le pays, eut évoqué le sujet, le Premier ministre Nguyen Tan Dung fit à la hâte une tournée publique d’inspection du district, près de la rivière, apparemment pour montrer l’intérêt qu’y portaient le parti et le gouvernement.

Beaucoup d’anciens combattants, en particulier ceux qui ont combattu dans la guerre frontalière de 1979, se sont opposés avec véhémence aux concessions frontalières accordées à la Chine. Tran Kim Anh, un ancien colonel et dissident très connu, a exprimé la frustration de nombreux officiers en retraite apprenant que le gouvernement avait cédé des terres que les Vietnamiens ont défendu voici deux décennies lors d’une bataille.

Compte tenu de cet état d’esprit, les fonctionnaires du ministère de la Défense responsables du tracé de la frontière ont exprimé en privé leur malaise. Certains sont même allés jusqu’à avouer leur honte au regard de la nation et de l’histoire. Continueront-ils longtemps à appliquer les ordres, eux et toute l’armée, la question se pose.

À ce jour, ni, ni Hanoi ni Beijing n’ont révélé les détails exacts de l’accord frontalier ni une nouvelle carte officielle. Lors d’une seule entrevue avec les médias d’État, un vice-ministre des Affaires étrangères vietnamien, responsable des négociations, a minimisé la perte des grands repères culturels, y compris de la porte Ai Nam et de la cascade Ban Gioc. Il a rejeté les accusations portées sur les blogs et les sites d’outre-mer affirmant que le gouvernement aurait cédé du territoire, en faisant valoir que le gouvernement a réussi à conserver l’essentiel de la rive de la rivière Tuc Lam¬ – bien que, selon les cartes anciennes, l’ensemble de la zone ait appartenu au Vietnam.

Le dilemme des souverainetés

Le dilemme pour les communistes vietnamiens est de savoir comment préserver la prééminence du parti sans altérer la souveraineté du pays. Afin de conserver le soutien idéologique de Beijing, Hanoi cherche toujours à apaiser le patron du nord, mais la Chine s’en contente rarement. Quatre autres grands différends territoriaux actuels, entre le Vietnam et la Chine, affecteront la politique intérieure du Vietnam dans les années à venir.

Le premier différend concerne le Golfe du Tonkin, officiellement délimité par traité en 2000, bien qu’aucune carte officielle n’ait encore été publiée. Au cours des dernières années il y eut de nombreux incidents avec des navires de la marine chinoise tirant sur des bateaux de pêche vietnamiens dans le domaine maritime et causant parfois de nombreux morts.

Bien que les pêcheurs se soient avancés dans des eaux qui les ont nourri pendant des générations, soit le gouvernement vietnamien a concédé les deux zones de pêche, soit la marine chinoise a envahi les eaux territoriales vietnamienne. Quelle que soit la raison, le coulage de bateaux de pêche vietnamiens par des navires de guerre chinois a été largement ignoré dans les médias officiels vietnamiens, mais a été largement discuté sur des blogs privés.

Second différend, les Iles Paracel, saisies par la Chine le 19 janvier 1974. Le gouvernement de Hanoi revendique encore ces îles mais maintient intentionnellement la majorité de la population dans l’ignorance de qui les occupe vraiment. La raison en est que les Iles Paracel avaient appartenu au Sud-Vietnam pendant la guerre et que le Vietnam du Nord communiste avait implicitement soutenu l’invasion de l’archipel par ses alliés de la Chine communiste.

Troisième différend, les îles Spratly, revendiquées en totalité par le Vietnam, la Chine et Taïwan, et en partie par d’autres pays du Sud-Est asiatique. Fin 2007, la Chine a franchi un pas supplémentaire en annexant officiellement les Spratly et les Paracels. Alors que le gouvernement de Hanoi a protesté publiquement contre cette occupation par la Chine, il a également réprimé des étudiants vietnamiens et des blogueurs qui manifestaient contre la Chine. Quatrième différend, le bassin de Nam Con Son, une zone riche en pétrole et en gaz au large de la côte sud du Vietnam et bien à l’intérieur de ses eaux territoriales. L’année dernière, la Chine a fait pression sur ExxonMobil pour qu’elle se retire d’une concession de sources d’énergie accordée par le Vietnam.

Peu de temps après, la China National Offshore Oil Corporation (CNOOC) a annoncé un projet américain de 29 milliards de dollars pour établir des dépôts de carburant à travers la mer de Chine du Sud, y compris dans le bassin de Nam Con Son, distant d’environ 249 kilomètres du Vietnam et de quelques 1600 km de l’extrémité sud de l’île chinoise de Hainan.

L’année dernière, pendant les célébrations lunaires, le président du Vietnam Nguyen Minh Triet aurait rencontré des officiers supérieurs de la région de Danang, cette ville hébergeant le quartier général de la région militaire chargée de contrôler les archipels contestés. Triet a dû rappeler aux officiers qu’ils doivent attendre les ordres du gouvernement avant de prendre leurs propres décisions. Le président répondait ainsi aux incursions chinoises dans les eaux vietnamiennes et à l’impatience de certains militaires face à la timide réaction du gouvernement.

Voici une décennie, les dirigeants de Hanoi pouvaient gérer la relation avec la Chine sans être l’objet de critiques. Avec le développement d’Internet et l’intensification des blogs, la capacité du gouvernement à influencer et contrôler l’opinion publique a diminué de façon significative. Avec le malaise grandissant dans l’armée et un regard plus critique de la part de la population, le temps où le Politburo du Parti communiste vietnamien passe des accords secret avec Beijing est révolu.

Duy Hoang est membre du Comité Central de Viet Tan

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