A propos du décès de Vo Van Kiet

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11 juin 2008

M. Vo Van Kiet, ancien Premier ministre du Vietnam est décédé le 11 juin 2008 à 6h20 dans un hôpital de Singapour. Bien que la nouvelle ait été rapidement diffusée par les agences de presse internationales, il a fallu attendre 24 heures pour que les médias officiels vietnamiens relayent l’information. Ce silence de l’appareil médiatique du régime communiste vietnamien a suscité aux observateurs deux déductions :

1) Il a fallu du temps pour harmoniser les positions au sein des dirigeants vietnamiens. En effet, comment interpréter la nouvelle du décès d’une personne qui a assumé dans le passé les plus hautes fonctions de l’état et du Parti Communiste Vietnamien (PCV), mais qui, à la fin de sa vie, a critiqué ouvertement les dirigeants actuels du Vietnam ?

2) Tarder à annoncer sa mort pour mettre en garde ceux qui seraient tentés de suivre la voie qu’a choisie Vo Van Kiet ces dernières années. Au sein du parti, il y a un grand nombre de cadres à la retraite qui sont mécontents de la politique menée actuellement par les dirigeants vietnamiens. Mais comme ces gens ne possèdent pas l’envergure de leur leader, Kiet, leurs critiques sont plus discrètes et mesurées.

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Les deux déductions sont plausibles et il est incontestable que le retard pris dans l’annonce du décès de Vo Van Kiet est un fait inhabituel. Vo Van Kiet n’est pas seulement un ancien Premier ministre (1991-1997). Il a siégé au Bureau Politique du PCV durant 6 mandats consécutifs. Et durant près de 10 ans (1991-2001), il a été le n°3 du parti, derrière Do Muoi et Le Duc Anh. M. Vo Van Kiet est né en 1922 à Vinh Long. Il a adhéré au PCV en 1938, ce qui en fait l’un des plus anciens membres, devant Do Muoi et Le Duc Anh. Avec le décès d’une telle figure de la vie politique, le fait que l’annonce de son décès n’ait été confirmée que tardivement montre qu’il y a des problèmes dans l’exécutif vietnamien. Pourquoi ?

Premièrement, lorsqu’il était Premier ministre du Vietnam entre 1991 et 1997, Vo Van Kiet a été décrit par les médias internationaux comme un réformateur. A la tête du gouvernement, il a sorti le Vietnam communiste de l’isolation internationale après l’invasion du Cambodge (1979-1989) en adhérant à l’ASEAN (1993) et en rétablissant les relations diplomatiques avec les États-Unis (1995). Ces réussites sur la scène internationale ont attiré sur Kiet l’ire de l’aile conservatrice du PCV, lui reprochant d’être trop proches des occidentaux et notamment, des américains. Devant l’élargissement des relations du Vietnam avec les pays de l’ASEAN et les États-Unis, les communistes conservateurs, proches des Chinois et menés par Do Muoi, ont tout fait pour évincer Kiet de sa position de Premier ministre. En 1997, les conservateurs arrivent à leurs fins en mettant Kiet à la retraite forcée alors qu’il devait rester à la tête du gouvernement jusqu’en 2001. Mais même retiré de la vie politique, les conservateurs gardent toujours un œil suspicieux sur Kiet, surtout durant ces dernières années lorsque Nguyen Tan Dung (l’actuel Premier ministre) et Nguyen Minh Triet (l’actuel président du Vietnam) cherchent à se rapprocher de l’Occident et à s’affranchir de la tutelle chinoise. Ainsi, les conservateurs ont interdit aux chefs de section du parti de communiquer directement avec Vo Van Kiet.

Deuxièmement, une fois à la retraite, Vo Van Kiet réponds à beaucoup d’interviews et signe de nombreux articles critiquant ouvertement la politique menée par les dirigeants vietnamiens actuels. A propos du projet d’agrandissement de Hanoi, Kiet a eu des mots très durs en disant que ce projet ne servira qu’à « engraisser les corrompus » alors que la population pauvre continuera de souffrir. Vo Van Kiet s’est également exprimé sur l’état de l’éducation et le système de santé. Selon Kiet, l’organisation et la gestion du système éducatif vietnamien sont arriérées et ne permettent pas de suivre les avancées de l’humanité, principalement à cause de l’esprit borné des dirigeants qui s’acharnent à maintenir obligatoire l’enseignement du marxisme-léninisme du collège jusqu’à l’université. Vo Van Kiet a également disserté sur la nécessaire réconciliation entre les vietnamiens des deux côtés (i.e. communistes et pro-démocratie). Bien que ses prises de positions aient été plus ouvertes que lorsqu’il était encore au pouvoir, mais Kiet n’a jamais dépassé la limite fixée par le PCV, à savoir réclamer le pluralisme politique. Cependant, les dirigeants du PCV ont été souvent incommodés par la liberté de ton de l’ancien Premier ministre.

C’est bien pour tout cela que les conservateurs n’apprécient pas Vo Van Kiet. Depuis l’envolée de l’inflation et les premiers signaux économiques négatifs, la côte de popularité du Premier ministre Nguyen Tan Dung et des réformateurs est descendue en flèche alors que les conservateurs ont repris du poil de la bête. Le décès de Vo Van Kiet prive les réformateurs d’un soutien de poids et permettra sans doute aux réformateurs de reprendre le contrôle des sections du Nord-Vietnam, perdues après le 10ème Congrès du PCV en avril 2006. Par ailleurs, pour avoir été beaucoup en contact avec le reste du monde, Vo Van Kiet possède une attitude plus ouverte que les autres dirigeants vietnamiens. Mais l’homme n’est pas nature aussi calme qu’il n’y parait. Avant de quitter le poste de Premier ministre, Vo Van Kiet a signé le décret 31/CP qui autorisait la police vietnamienne à placer en détention administrative pendant deux ans sans procès toute personne considérée comme suspecte. Ce décret a été maintes fois utilisé contre les dissidents. Une fois à la retraite en 1997, Kiet a bien tenu des propos jugés « progressistes » par rapport aux autres cadres du PCV mais il n’a jamais évoqué le sort des nombreux militants pour la démocratie emprisonnés, harcelés, réduits au silence par le régime communiste vietnamien. On voit donc que si Vo Van Kiet se montre souvent très critique envers ses remplaçants, il n’a jamais remis en cause le monopole du parti communiste sur le pouvoir au Vietnam. Ce n’est qu’en 2005 que sous la pression des États-Unis et afin de pouvoir adhérer à l’OMC et recevoir la clause PNTR, que Phan Van Khai, alors Premier ministre, abolit le décret 31/CP [remplacé dans les faits par les décrets 38/CP et 56/CP, promulgués peu avant].

En résumé, le décès de Vo Van Kiet est une perte pour la faction réformatrice au sein des dirigeants du PCV. Bien qu’il se soit montré critique envers certains ténors du parti, ses critiques se sont limitées aux domaines économiques et sociaux. Vo Van Kiet n’a jamais franchi la ligne jaune à savoir critiquer sur le fond de la vie politique vietnamien : le monopole du pouvoir imposé par le PCV. S’il avait voulu, il aurait pu contribuer au changement politique au Vietnam. Mais il n’en a rien fait.

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