Justice et Paix

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A Hanoi, durant la période de Noël 2007 se sont produits des événements assez marquants, en particulier dans les environs de la Grande Cathédrale, de l’Archevêché, du Séminaire et de l’ancienne Nonciature Apostolique (résidence de l’ambassadeur du Vatican). En effet, depuis deux semaines, des chrétiens se réunissent quasi quotidiennement devant les grilles du numéro 42 rue Nha Chung. Là, face à une villa de style colonial et un parking, ils prient et chantent des cantiques. Beaucoup de vietnamiens ne comprennent pas cette situation. Les personnes âgées de moins de 50 ans, y compris parmi les chrétiens, doivent se demander pourquoi des fidèles se rassemblent devant une propriété qu’ils ont toujours connue tour à tour comme un restaurant, un club de fitness, un parking public… et non pas comme un lieu religieux… pour prier.

Une histoire commencée il y a un demi-siècle

Les anciens disaient : « Avec le temps, la bouse deviens boue. » Les autorités communistes vietnamiennes appliquent à la lettre ce dicton populaire, surtout en ce qui concerne les propriétés privées confisquées, nationalisées ou « empruntées » par l’État. Elles espèrent qu’après un certain temps, les plaintes s’estomperont d’elles mêmes et les plaignants abandonneront la partie. Et c’est ce qui s’est passé pour de nombreuses personnes. D’autres, en revanche, poursuivent inlassablement les autorités pour réclamer que justice leur soit rendue. Auparavant, lorsque le Vietnam était fermé derrière un rideau de fer, les autorités communistes n’hésitaient pas à réprimer durement les personnes spoliées qui osaient se plaindre. De nos jours, bien qu’elles ne puissent plus employer les méthodes du passé, l’état vietnamien joue la montre et fait traîner les plaintes en espérant qu’avec le temps la bouse devienne boue.

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L’histoire qui se déroule devant le numéro 42 rue Nha Chung est la même. Le christianisme est arrivé au Vietnam il y a près de cinq siècles. En 500 ans, cette religion a traversé des périodes d’interdiction totale, mais elle a réussi à prendre racine dans ce pays. Contrairement aux autres religions qui prédominaient au Vietnam auparavant, le christianisme a un caractère international avec une hiérarchie établie et un chef en la personne du Pape à Rome. L’Église Romaine est installée au Vatican, un territoire autonome à Rome. Sur le plan spirituel, le Vatican est l’autorité suprême. Sur le plan politique, c’est un état à part entière comme les autres états dans le monde. En conséquence, dans chaque état ayant établi des relations diplomatique avec le Vatican, le Pape y envoie un ambassadeur, appelé Nonce Apostolique. Pour le Vietnam, après de nombreuses années d’observations, et surtout après la visite en 1925 de l’envoyé spécial du Vatican, le Pape Pie XI a décidé d’y établir une Nonciature Apostolique à Huê, capitale impériale. À partir de 1945, avec la proclamation de l’indépendance et l’abdication du roi Bao Dai, Huê n’est plus la capitale du pays. Hanoi a été préférée par le gouvernement de la République du Vietnam. La guerre d’Indochine qui a commencé en 1946 n’a pas remis en cause ce choix. En 1950, le Pape Pie XII décide de déplacer la nonciature apostolique à Hanoi. L’évêque Trinh Nhu Khue a alors cédé une bâtisse située dans l’enceinte de l’Archevêché, sise au numéro 40 rue Nha Chung, pour ce besoin.

Après les accords de Genève en 1954, les communistes vietnamiens prirent possession d’Hanoi et du Nord-Vietnam. Le Nonce Apostolique et son équipe décidèrent de rester dans la ville. Mais avec leurs principes anti-religion et l’opposition au Vatican, Ho Chi Minh et les communistes vietnamiens expulsèrent le Représentant du Pape en 1959. La municipalité érigea un mur séparant l’Archevêché et l’ambassade du Vatican qui prit dès lors le numéro 42 de la rue Nha Chung. Depuis cette date, les évêques qui se sont succédés à Hanoi n’ont eu de cesse de réclamer la restitution de cette propriété, sans succès. Bien que le bâtiment se situe aux abords de l’Archevêché et d’un Séminaire, les autorités communistes ont sciemment voulu y installer des activités dévalorisantes, brisant le calme et la sérénité qui règnent habituellement dans un lieu religieux. À chaque fois, la mobilisation de l’Église vietnamienne et des fidèles a empêché de tels projets de voir le jour.

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Relations diplomatiques ?

Il y a presque un an, le Vietnam a adhéré à l’Organisation Mondiale du Commerce (11/01/2007) et le Premier ministre vietnamien Nguyen Tan Dung a effectué un voyage officiel au Vatican et rencontré Benoît XVI (25/01/2007). Face à ces deux événements qui donnent l’image d’une nouvelle ouverture, d’une intégration harmonieuse dans le monde civilisé, beaucoup de personnes au Vietnam comme à l’étranger ont pensé que cela ne reflétait pas réellement la nature du régime communiste vietnamien. Le Pape précédent avait exprimé à plusieurs reprises son souhait de se rendre au Vietnam. Mais les autorités vietnamiennes avaient toujours refusé, sous divers prétextes. Certains journalistes occidentaux y voyaient le signe que le régime communiste vietnamien n’appréciait guère Jean-Paul II pour son rôle dans la chute du communisme en Europe. La visite de Nguyen Tan Dung auprès de Benoît XVI pouvait confirmer cette analyse. Elle pouvait aussi prouver que le régime avait changé vis-à-vis des religions et en particulier avec le catholicisme. Nguyen Tan Dung avait même évoqué la possibilité d’établir des relations diplomatiques entre le Vietnam et le Vatican. En janvier 2007, il était difficile d’y voir clair sur les intentions réelles de Hanoi.

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Mais durant le reste de l’année 2007, les actes de répression contre les militants pro démocratie et contre les religions – dont le christianisme – se sont poursuivies. Les spoliations des terres des paysans ont continué et il n’y a aucun signe que leurs plaintes seront résolues. Un an après, chacun a pu constater que la réalité est différente de l’image d’ouverture donnée par le gouvernement. C’est pour cette raison que le 15 décembre 2007, Mgr Ngo Quang Kiet, Archevêque d’Hanoi, a diffusé une note interne aux paroisses afin que les fidèles prient pour la restitution des biens de l’Église, comme l’ancienne Nonciature Apostolique saisie en 1959. Récemment, la municipalité a décidé de démonter la villa en commençant par la toiture afin d’y construire quelque chose d’autre. À l’occasion de la Conférence des Chorales le 18 décembre 2007, fidèles et prêtres ont défilé devant les grilles du bâtiment en chantant et en priant. Environ un millier de personnes ont chanté la version vietnamienne de la prière de la Paix de Saint François d’Assise :

Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix.

Là où est la haine, que je mette l’amour.
Là où est l’offense, que je mette le pardon.
Là où est la discorde, que je mette l’union.
Là où est l’erreur, que je mette la vérité.
Là où est le doute, que je mette la foi.
Là où est le désespoir, que je mette l’espérance.
Là où sont les ténèbres, que je mette la lumière.
Là où est la tristesse, que je mette la joie.

O Seigneur, je ne cherche pas tant
à être consolé qu’à consoler,
à être compris qu’à comprendre,
à être aimé qu’à aimer.

Car c’est en se donnant que l’on reçoit,
c’est en oubliant qu’on se retrouve soi-même,
c’est en pardonnant que l’on obtient le pardon,
c’est en mourant que l’on ressuscite à la Vie.

Devant ces réactions non violentes mais déterminées, les autorités vietnamiennes doivent reculer encore une fois. La toiture démontée a été remise en place. Mais le grillage de la propriété a été fermé à clé et nul n’a pu y entrer. Depuis lors, chaque après midi, on peut voir des prêtres, séminaristes et fidèles se rassembler devant le bâtiment pour prier.

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Cette situation est devenue très gênante pour les autorités communistes. Le lendemain de Noël, la municipalité a fait poser des panneaux “Espace Culturel” et “Bureau d’information – Activités sportives de Hoang Kiem” près du portail du bâtiment… Par ce geste, l’arrondissement de Hoang Kiem veut signifier que la propriété appartient à la mairie mais c’est aussi un moyen de montrer une face respectable à un bâtiment que les autorités communistes avaient utilisé comme lieu de loisir.

Est-ce que le Premier ministre a résolu le conflit ?

Le rassemblement régulier des fidèles en cet endroit est considéré par le régime comme une protestation de rue. Le dimanche 30 décembre 2007 après la messe dans la Grande Cathédrale, des tables ont été posées où les fidèles pouvaient signer une pétition demandant la restitution des biens de l’Église. Dans une dictature, signer une pétition est une remise en cause du pouvoir, surtout dans le contexte actuel où des centaines d’étudiants et de jeunes, bravant les interdictions, manifestent ouvertement pour protester contre la Chine Communiste pour son annexion des îles Paracel et Spratly. Les manifestants s’en prennent également aux autorités vietnamiennes pour leur soumission face au grand frère communiste chinois. Si jamais les deux manifestations se rejoignaient, le mouvement de contestation pourrait prendre encore plus d’ampleur. C’est pour cette raison que le Premier ministre Nguyen Tan Dung a fait une visite surprise au 40 rue Nha Chung pour rencontrer Mgr Ngo Quang Kiet.

Cette visite étant imprévue, elle n’était certainement pas une visite de courtoisie. Après la rencontre, les deux hommes ont marché jusqu’aux grilles de l’ancienne nonciature. En chemin, le Premier ministre a pu voir les chrétiens signer les pétitions demandant la restitution des biens de l’Église. C’est assez étrange de voir Nguyen Tan Dung et l’Archevêque d’Hanoi marchant côte à côte. C’est étrange car tous deux subissent le poids de l’Histoire de ce bâtiment. Inutile de remonter jusqu’à l’acquisition de ce lieu par l’Église car ils n’étaient pas encore nés. Remontons seulement en 1959 où les autorités communistes s’approprièrent ce lieu, Nguyen Tan Dung n’avait que 10 ans et Mgr Ngo Quang Kiet n’en avait que 7. Tous deux ont hérité de cette situation. L’héritage de l’un est la confiscation d’un bien alors que l’héritage de l’autre est la perte de ce bien. Est-ce que les deux parties résoudront ce différend de manière juste ?

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Beaucoup se sont interrogés sur le sens de cette visite impromptue du Premier ministre. Est-ce qu’elle signifie que le gouvernement entend restituer l’ancienne nonciature à l’Église vietnamienne ? Ou bien est-ce seulement un geste de désapprobation du gouvernement vis-à-vis de la municipalité ? Quoiqu’il en soit, l’Église et l’amour de son prochain enseigné par le Christ fait confiance aux autorités même si cette confiance a été trahie à de nombreuses reprises. Et la protestation des fidèles reste purement pacifique, sans slogans ni banderoles, mais seulement des prières : « Là où est la haine, que je mette l’amour… Là où est la discorde, que je mette l’union… » Si auparavant les plaintes de l’Église restaient lettres mortes, au moins cette fois-ci le Premier ministre s’est déplacé. Ainsi, il a pu mesurer la détermination des catholiques pour que la « bouse ne devienne pas de la boue. »

Sur le plan du droit international, une ambassade, ou dans ce cas une nonciature apostolique, est un territoire appartenant au pays qui a établi sa représentation. C’est un territoire qui ne peut être violé. A l’époque où Staline demandait combien le Vatican avait de divisions, le bloc communiste pouvait spolier les biens de l’Église. Mais l’histoire a prouvé la force de la foi qui a triomphé de Staline et de nombreux régimes communistes dans le monde. De nos jours, les autorités communistes vietnamiennes ne peuvent plus compter sur les grands frères soviétiques ou chinois. Elles doivent donc se plier de plus en plus aux normes du monde civilisé. Le Vietnam ne peut pas tout simplement voler la propriété d’un autre état. Il ne peut pas non plus prétendre que ce terrain aurait été cédé par l’Archevêché au Vatican en échange d’un autre terrain situé ailleurs dans la ville. En effet, l’Église Vietnamienne n’a aucune raison de renoncer à un terrain et une bâtisse dont l’histoire est intimement liée au catholicisme depuis près d’un siècle.

En guise de conclusion

Le Saint Père vient de rendre public son message « Spe salvi » ou l’espérance que chacun sera sauvé, rappelant que chaque chrétien doit cultiver la Confiance en son prochain. L’Espérance, la Foi et l’Amour de son prochain sont les trois éléments de base du christianisme. L’histoire montre que l’Église a traversé de nombreuses périodes difficiles. Mais c’est grâce à la Foi en le Christ et grâce à l’Espérance en Lui que l’Église se perpétue depuis deux mille ans. L’Église aspire à la paix dans l’esprit de chacun. Mais l’Église affirme que la vraie paix intérieure n’existe que s’il y a justice. La haine vient de l’injustice. Le communisme a prôné la haine et la lutte des classes à cause de l’injustice… Si les dirigeants communistes vietnamiens n’appliquent pas la justice alors qu’ils sont au pouvoir, alors ils tourneront à jamais dans un cercle vicieux, ou bien comme dans la Roue du Bouddhisme, sans espoir d’y échapper.

Tran Duc Tuong

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