Le Vietnam vise les médias sociaux

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25 avril 2012

Les compagnies internet occidentales qui sont largement répandues au Vietnam vont certainement devoir se plier à de nouvelles pratiques et règles commerciales. Mu par un sentiment d’inquiétude face au Printemps Arabe, le gouvernement communiste de Hanoi envisage d’introduire un nouveau décret en juin et de demander à Google, à Facebook et à d’autres « plateformes numériques de réseaux sociaux » de transférer leurs bases de données et d’établir des bureaux locaux au Vietnam ainsi que d’appliquer les lois locales en matière de censure. Les autorités vietnamiennes se méfient depuis des années de l’espace politique grandissant offert par le net, dans lequel les internautes peuvent publier et accéder à toutes sortes d’informations. Des douzaines de blogueurs très connus sont actuellement en prison pour soi-disant propagande contre l’état et autres accusations touchant à la sécurité nationale. Il n’y a pas qu’eux. Environ 30 millions d’utilisateurs internet au Vietnam – soit un tiers de la population – se livrent à diverses formes d’expression en ligne et d’association.

En opérant « offshore », Google, par exemple, a été relativement épargné par les pressions exercées sur les fournisseurs internet pour limiter les résultats de recherche des utilisateurs vietnamiens. De même, Facebook, avec plus de 3 millions d’utilisateurs vietnamiens, n’a pas restreint les échanges entre les utilisateurs vietnamiens et le reste du monde.

Certes, les autorités vietnamiennes ont essayé de bloquer l’accès à des sites Web étrangers, et plus particulièrement à Facebook. Mais avec un peu de connaissance sur les méthodes de contournement et un goût pour la résistance passive, de nombreux internautes vietnamiens ont rapidement contourné les pare-feu et pu utiliser les réseaux sociaux, créant ainsi une société civile numérique. Le projet de décret que Viet Tan s’est procuré est intitulé « Décret sur la Gestion, l’Approvisionnement, l’Utilisation des Services Internet et le Contenu de l’Information en Ligne ». Comme beaucoup de directives gouvernementales au Vietnam, la rédaction du document est vague et imprécise, ce qui peut conduire à de multiples interprétations et à son exécution arbitraire par les autorités.

Ce qui est clair, c’est que le décret interdit un large éventail d’activités dont « l’abus d’internet » aux fins de s’opposer au gouvernement socialiste, « révélation de secrets gouvernementaux » et « diffusion d’informations calomnieuses » nuisibles aux organisations et aux personnes. La rédaction sévère du décret rend totalement illégal le fait de publier quoi que ce soit sur le net qui serait à l’encontre du Parti Communiste Vietnamien et de l’Etat, de sa politique ou de ses dirigeants.

Les textes précédents relatifs à internet contenaient déjà des interdictions similaires, mais le nouveau décret va encore plus loin en exigeant expressément des entreprises étrangères qu’elles aident les autorités vietnamiennes à contrôler internet. Les firmes occidentales devraient rendre compte au Ministère de l’information et des communications de Hanoi qui supervise la censure ainsi qu’au Ministère de la Sécurité publique qui a tendance à arrêter les blogueurs et autres militants.

Pour s’assurer que les sociétés comme Google et Facebook relèvent du droit vietnamien, le nouveau décret exige que ces entreprises ouvrent un bureau local et fournissent les noms et coordonnées de leurs dirigeants.

Ce qui est le plus inquiétant, c’est que le décret qui va bientôt paraître semble exiger que les sociétés internet étrangères transfèrent leurs centres de données au Vietnam. En opérant comme des censeurs et non des personnes férus de technologie, les personnes qui ont rédigé ce décret n’ont probablement pas bien réfléchi aux conséquences. De nombreux éléments interviennent dans la décision d’une société dans le choix du lieu d’implantation de leurs centres de données. Imposer aux entreprises étrangères de délocaliser leurs centres de données voire leurs serveurs au Vietnam ne peut que nuire aux affaires et pose des défis logistiques et techniques considérables. Au pire, cela peut décourager les sociétés de s’implanter au Vietnam, laissant moins de choix aux utilisateurs.

S’exprimant sur des restrictions similaires survenues en Chine en 2010, le Directeur des relations publiques de Google avait résumé le problème ainsi : « la censure est un obstacle au commerce ».

En entamant des négociations avec les États-Unis et d’autres pays dans le cadre d’un partenariat trans-pacifique (Trans-Pacific Partnership – TPP), le Vietnam est apparemment déterminé à adopter une libéralisation du commerce et de meilleures pratiques commerciales. Des lois commerciales gouvernées par des raisons politiques tendraient à faire faire un bon en arrière au pays et compromettraient le libre-échange.

Moralement, il est également très délicat pour les entreprises d’aider la censure. Yahoo a dû s’excuser et dédommager financièrement les dissidents chinois qui avaient été identifiés et arrêtés grâce aux informations fournies par la compagnie à la police de sécurité chinoise. À son crédit, Yahoo a fait depuis amende honorable en adoptant une politique commerciale s’attachant aux droits de l’homme. Probablement à cause de sa réticence à compromettre encore une fois la sécurité et la confidentialité de ses utilisateurs, Yahoo a récemment été critiquée par les médias d’Etat vietnamiens car la société continue de s’en tenir aux normes internationales alors qu’elle détient un bureau local, seule grande entreprise internet occidentale dans ce cas.

S’adressant le 9 avril à un journal gouvernemental, un représentant du Ministère de l’information et des communications a mis en évidence le refus d’obéissance de Yahoo pour expliquer pourquoi il était nécessaire de voter des lois plus strictes pour gérer le net. Ceci fait suite aux menaces des autorités d’imposer les sociétés internet occidentales qui attirent les utilisateurs vietnamiens.

Quand il s’agit de la censure en ligne, les intérêts de la communauté des droits de l’homme et des sociétés des secteurs de l’information et des technologies de communication sont clairement alignés. Les intervenants clés doivent continuer à faire comprendre aux autorités vietnamiennes quelles sont les conséquences politiques et économiques d’une censure sur le net.

Ainsi que l’a déclaré Boorstin de chez Google : « Le principe est simple. En plus de porter atteinte aux droits de l’homme, les gouvernements qui bloquent la libre circulation de l’information sur internet bloquent aussi la croissance commerciale et économique ».

Duy Hoang réside aux Etats-Unis et est un des chefs de file de Viet Tan, un parti politique pro-démocratie non autorisé au Vietnam.

Source : The Diplomat

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