L’exploitation de la bauxite menace l’avenir des hauts plateaux du Vietnam

Hoang Co Dinh

Le 4 février 2009, lors d’une conférence de presse, le Premier ministre vietnamien Nguyen Tan Dung annonçait : « Le gouvernement a étudié un plan d’exploitation de la bauxite sur les hauts-plateaux avec en tête l’esprit du développement efficace et durable… Prochainement, le gouvernement organisera une conférence sur l’exploitation de la bauxite dans cette région afin de présenter aux scientifiques, journalistes et tous ceux qui s’inquiètent des conséquences de cette exploitation, les projets et les technologies utilisées afin de trouver un terrain d’entente sur ce sujet. »

La déclaration de Nguyen Tan Dung montre que les dirigeants communistes vietnamiens ont déjà pris leur décision d’exploiter la bauxite sur les hauts plateaux ! En conséquence, la conférence prochainement organisée est surtout destinée à calmer les inquiétudes, voire à leurrer l’opinion publique sur une décision déjà prise.

La bauxite est le minerai à la base de l’aluminium, un matériel utile et coûteux dans la vie moderne. Mais il faut beaucoup d’électricité pour transformer la bauxite en aluminium. C’est une chose que de nombreux écoliers apprennent à l’école. Avec un prix très compétitif de 5 cents le kilowatt/heure (Kwh), il faut près d’un dollar américain pour produire un kilo d’aluminium. Ainsi, pour produire de l’aluminium en grande quantité, il faut disposer d’une électricité abondante et peu chère. Du côté du minerai, c’est l’inverse. La bauxite est un minerai assez répandu, peut être même le plus répandu dans le monde. Beaucoup de vietnamiens n’ont jamais vu de leurs yeux une mine de charbon mais beaucoup ont en tête la terre rouge ocre des hauts-plateaux vietnamiens, lieux où abonde la bauxite au Vietnam. Si le pétrole est surnommé « l’or noir », on ne peut pas en dire autant de la bauxite en la qualifiant « d’or rouge ». « L’or noir s’extrait et se transporte relativement facilement, et son exploitation génère peu de déchets. En revanche, la séparation de l’alumine du minerai afin de produire l’aluminium génère une grande quantité de « boue rouge » qui est mortelle pour toute végétation environnante. Ces déchets peuvent aussi se retrouver très loin du lieu d’exploitation… C’est la raison pour laquelle beaucoup de pays ont abandonné l’exploitation de la bauxite, excepté l’Australie qui possède de grands gisements situés dans les régions désertiques, loin de toute population et végétation, avec peu de précipitations pour transporter la boue dans d’autres régions.

Le Vietnam d’aujourd’hui connaît des pénuries d’électricité. Si de nouveaux investissements sont faits pour construire des centrales, il y a beaucoup de besoin en électricité à couvrir. Au lieu de cela, si le pays construit exprès une centrale pour la production de l’aluminium, elle ne couvrira pas les autres besoins. Notre pays a une forte densité démographique, les boues rouges vont constituer un grand drame pour les populations de cette région. De plus, le cours de l’aluminium a diminué de moitié depuis un an alors que le coût de transport reste onéreux. La Chine est potentiellement l’unique cliente de l’aluminium vietnamien, ce qui fait dire à certains que les dirigeants communistes vietnamiens sont prêts à sacrifier l’environnement et l’avenir des populations des hauts-plateaux pour servir les intérêts du grand maître chinois.

L’implantation d’une mine de bauxite sur les hauts-plateaux va détruire les cultures de la région, faire disparaître le tourisme et nuire à l’environnement pour de nombreuses générations, détériorant les conditions de vie de centaines de milliers de personnes, pourtant déjà dans la précarité. A l’inverse, ce projet ne profitera qu’à quelques centaines de fonctionnaires actuellement au pouvoir et les capitalistes rouges qui leurs sont alliés.

Dans cette affaire, les dirigeants vietnamiens connaissent parfaitement les opportunités et risques. L’ancien général à la retraite Vo Nguyen Giap avait déjà écrit au gouvernement fin janvier pour les alerter sur les menaces à long terme sur l’environnement de l’exploitation de la bauxite. Par la suite, de nombreux scientifiques et journalistes ont pris le relais en faisant connaître ce projet dans les opinions publiques. Mais il semble que le gouvernement vietnamien reste inflexible.

Le Premier ministre a même déclaré que ce projet est LE grand chantier du parti [communiste] et de l’Etat. C’est surtout une occasion pour les hauts fonctionnaires de se remplir les poches au détriment de l’avenir de la nation. C’est aussi l’occasion pour le parti communiste vietnamien de faire plaisir au parti communiste chinois, en garantissant une source d’approvisionnement de minerai à proximité de ses frontières. Après avoir cédé des terres, des îles, des zones maritimes vietnamiennes à la Chine, voilà que le régime vietnamien cède ses ressources naturelles sur son propre territoire au grand frère du Nord.