Parodie de justice : Proces de sept militants vietnamiens des droits de l’homme

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Viet Tan – Parodie de Justice au format pdf

23 mai 2011

Par Duy Hoang & Trinh Nguyen


Répression pression contre les militants pour la justice sociale

Le Vietnam connaît une campagne de répression sans précédent, et les autorités vietnamiennes visent particulièrement les militants en droit foncier du Delta du Mékong. Selon l’Église mennonite du Vietnam, la police a interrogé et arrêté de nombreuses personnes depuis l’été 2010 [20]. La plupart, mais pas tous, sont membres des églises mennonites et leur maisons ou leurs terres agricoles ont au fil des années été saisies par les représentants du gouvernement. Ces personnes ont à plusieurs reprises réclamé des dommages.

Sept personnes qui s’occupaient de coordonner les protestations ont été arrêtées et tenues au secret depuis juillet 2010 (voir les profils ciaprès) bien que la famille et les avocats de la défense aient demandé de pouvoir leur rendre visite. Elles doivent être jugées le 30 mai 2011 par le Tribunal populaire de la province de Ben Tre. Par ailleurs, environ une quarantaine de personnes ont fui vers la Thaïlande et ont demandé asile politique.

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Mandats d‘arrêt
(Source : Eglise Mennonite du Vietnam)

La figure centrale de cette affaire est le Révérend Duong Kim Khai, 52 ans, connu pour son passé de prisonnier politique et d’activiste religieux. En 2004, les autorités saisissent sa maison utilisée comme lieu de culte non officiel. Il reste en prison pendant deux ans. À sa sortie en 2006, le Révérend Khai et sa famille s’installent dans l’étable d’un de ses fidèles. Il fonde par la suite la Congrégation de l’Étable Mennonite qui préconise la liberté de religion et la justice sociale.

Le Révérend Khai était assisté de Nguyen Thanh Tam, 58 ans et de Tran Thi Thuy, 40 ans, pour l’organisation des réclamations et protestations. Tous trois sont membres de Viet Tan [21].

Egalement arrêtés à l’été 2010, les militants en droit foncier Pham Van Thong, 49 ans, Nguyen Chi Thanh, 38 ans et Pham Ngoc Hoa, 57 ans. Un septième accusé, Cao Van Tinh, 37 ans, a lui été arrêté début 2011. Alors que tous les sept se sont engagés à promouvoir la défense pacifique, la police de sécurité a employé la violence contre certains des accusés et leurs familles. Dans un entretien avec la Radio Free Asia, la mère de Tran Thi Thuy a décrit comment la police avait battu le frère de Thuy lorsqu’ils étaient venus arrêter sa soeur [22].

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Visite du député australien Luke Simpkins à la Congrégation de l’Etable Mennonite en janvier 2011
(Source : Eglise Mennonite du Vietnam)

Accusés de subversion

Selon les mandats d’arrêt d’une page, ces sept activistes sont accusés de “tentative de renversement du gouvernement socialiste” du fait de leur appartenance à Viet Tan, un parti pro-démocratie non-autorisé. Les partis d’opposition étant effectivement interdits au Vietnam, l’appartenance ou la participation à de telles organisations est souvent considérée, selon l’Article 79 du Code pénal vietnamien, comme de la “subversion” [23]. Dans une autre importante affaire impliquant l’Article 79, quatre membres du Parti Démocratique du Vietnam ont été condamnés à de longues peines de prison en décembre 2009 et janvier 2010. [24]

L’article 79 [25], qui peut valoir la peine capitale, a été critiqué par les organisations internationales des droits de l’homme. Cet article vient en violation de la liberté d’association garantie par l’Accord International des Droits Civils et Politiques que le Vietnam a ratifié [26].

A ce jour, aucun des sept accusés n’a pu rencontrer leur avocat bien que leur famille en ait désigné un pour leur défense. Le cas échéant, lors des précédents procès politiques, les avocats ont été autorisés à rencontrer brièvement leurs clients et généralement seulement quelques jours avant le procès.

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Des familles et des sympathisants se rendant au centre de détention de la province de Ben Tre. Ils ont déposé des colis, mais n’ont pas été autorisés à voir les détenus.
(Source : Radio New Horizon)

Mouvement en faveur des citoyens lésés

On les appelle les “citoyens lésés” (dân oan). Ils forment une population plutôt considérable au Vietnam des personnes qui ont été dépossédées de leurs terres au cours des années. Ce sont généralement les fermiers qui ont vu leurs terres saisies par les autorités locales pour construire des terrains de golf, des zones industrielles ou des projets d’infrastructure. On promet parfois un dédommagement aux fermiers mais dans la plupart des cas, le montant alloué pour leur réinstallation est soit insuffisant soit inexistant.

Beaucoup de fermiers savent à peine lire et écrire et comptent sur les avocats locaux, souvent un avocat courageux ou le chef d’une communauté religieuse, pour la rédaction et la soumission de leurs doléances auprès des autorités locales. Les requérants sont souvent ignorés et appuient leurs demandes en organisant des sit-in devant les bureaux du Parti communiste et du gouvernement. Ces sit-in ont eu lieu à l’échelon local dans de nombreuses provinces du Vietnam et à l’échelon national au cours de manifestations qui se sont fait remarquer à Saigon et à Hanoï.

La manifestation la plus importante à ce jour est peut être celle de juin-juillet 2007 où près de 2.000 personnes se sont rassemblées à l’extérieur des bureaux de l’Assemblée nationale à Saigon. Originaires de 19 provinces, les manifestants ont entretenu leur sit-in durant 27 jours [27]. Les agents de la sécurité ont finalement dispersé les manifestants et ont ordonné aux citoyens lésés de rentrer chez eux et de discuter avec leurs représentants locaux. Le Révérend Duong Kim Khai et plusieurs des personnes qui doivent être jugées le 30 mai 2011 ont activement participé à cette action de désobéissance civile de 27 jours.

En réponse à la montagne de plaintes du public contre la confiscation des terres par le gouvernement et contre la corruption, le Premier Ministre Nguyen Tan Dung publie un décret en 2010 interdisant les recours collectifs. Les nouvelles directives créent un obstacle procédural limitant la possibilité aux citoyens lésés de demander réparation à titre collectif. A la place, toute personne doit déposer sa réclamation à titre individuel. Un célèbre avocat des droits de l’homme, Cu Huy Ha Vu, défie la légalité de ce décret en portant plainte contre le Premier ministre. Il est ensuite arrêté pour “propagande contre l’Etat” [28] et condamné à sept années de prison.

Malgré le harcèlement de la police et l’indifférence des autorités, les citoyens lésés au Vietnam continuent d’organiser des sit-in pacifiques pour sensibiliser le public [29]. Leur mouvement travaille en faveur d’une justice sociale et d’un développement durable dans un pays rongé par la corruption et l’irresponsabilité du gouvernement.

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Panneaux : « NON à la duperie des représentants du gouvernement sur les citoyens »
(Source : tiengnoitudo.wordpress.com)

Campagne « Libérez-les ! »

Viet Tan a lancé une campagne internationale suite à l’arrestation du Révérend Duong Kim Khai, Tran Thi Thuy, Nguyen Thanh Tam et du blogueur Pham Minh Hoang.

Lors de la Journée Internationale des Droits de l’Homme – le 10 décembre 2010 – nous avons remis une pétition comprenant plus de 17.000 signatures aux organismes internationaux de droits de l’homme et aux ministères des affaires étrangères d’Australie, du Canada, des États-Unis et des gouvernements européens [30].

S’il vous plaît, prêtez votre voix pour soutenir ces courageux défenseurs de la justice sociale. Pour plus d’informations, visitez www.viettan.org/liberez-les.


Qui sont-ils ?

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Pastor Duong Kim Khai

Révérend Duong Kim Khai

Duong Kim Khai est un pasteur de l’Église Mennonite du Vietnam, défenseur de longue date des fermiers lésés, militant pour la démocratie et membre de Viet Tan. Le Révérend Khai incarne véritablement l’esprit religieux qu’il prêche, vivant pour servir les autres malgré les privations difficiles et invalidantes que lui-même traverse.

Originaire d’une famille pauvre de Hanoï, il s’est relevé de ses débuts difficiles marqués par des périodes de détention pour devenir le leader de sa communauté et un défenseur dédié aux nombreux fermiers dépossédés de leurs terres du Delta du Mékong.

Il connait ses premières brutalités policières en 1972 quand, alors âgé de 14 ans, il est arrêté par la police de sécurité à Hanoï et subit une nuit entière d’interrogatoire.

En juillet 1985, Khai est détenu à la prison de Hoa Lo pendant 13 mois et subit des interrogatoires quotidiens. Sans raison juridique pouvant expliquer sa détention, la cour le place en résidence surveillée mais Khai réussit à obtenir sa libération.

A Saigon dans les années 90, Khai se consacre à la religion et est alors arrêté et détenu à 13 reprises, le plus souvent alors qu’il essayait d’organiser des sessions de prière. De 1999 à 2004, il consacre tous ses efforts personnels et professionnels aux fermiers et les aident à déposer des requêtes auprès des autorités locales afin d’obtenir réparation des préjudices subis.

Il commence à réunir ses paroissiens, mais sans autorisation de pratiquer le culte, sa maison devient son église et sa paroisse ainsi rassemblée devient une communauté mobilisée contre la corruption. Sa maison n’est pas seulement un lieu de culte, mais un foyer municipal où les fermiers, souvent illettrés, viennent pour chercher une aide dans leur requête contre les autorités.

Les autorités locales souhaitant faire un exemple, saisissent sa maison et le jettent en prison pour deux ans. À sa libération en 2006, Khai et sa famille s’installent dans l’étable d’un de ses fidèles. Il fonde par la suite la Congrégation de l’’Étable Mennonite qui prône la liberté religieuse et la justice sociale.

Le Révérend Duong Kim Khai a été arrêté le 10 août 2010 en vertu de l’Article 79 du Code pénal vietnamien. Sa famille ne connaît pas ses conditions de détention, qui ne lui a été signifiée par écrit que le 12 octobre, soit plus de 2 mois après son arrestation. Selon le courrier du Ministère de la Sécurité Publique, Duong Kim Khai se trouve au centre de détention B34, mais sans préciser l’adresse postale de la prison ou pour combien de temps il serait détenu.

En plus de nourrir la vie spirituelle de ses paroissiens au cours des dix dernières années, le Révérend Khai a consacré sa vie à aider les victimes d’injustice de toutes confessions des provinces de Ben Tre et de Dong Thap. Le Révérend Khai est marié et a un fils de 17 ans. Son épouse, Mai Thi Dung, a subi un accident vasculaire cérébral en 2004 et doit garder le lit.

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Cao Van Tinh

Cao Van Tinh

- Né le 3 septembre 1974

- Arrêté le 22 février 2011

- Activités : Militant en droit foncier

Habitant Can Tho, Tinh a pris part aux campagnes des droits fonciers depuis 2001. Il a participé aux 27 jours de sit-in pacifique à l’extérieur des bureaux du gouvernement en 2007 à Saigon.


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Nguyen Chi Thanh

Nguyen Chi Thanh

- Né le 5 mai 1973

- Arrêté le 19 novembre 2010

- Activités : Évangéliste de l’Eglise mennonite, militant des droits fonciers



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Nguyen Thanh Tam

Nguyen Thanh Tam

- Né le 10 octobre 1953

- Arrêté le 20 juillet 2010

- Activités : Militant en droit foncier

Nguyen Thanh Tam a également été victime d’expropriation et a résolument fait campagne pour se rendre justice mais également pour rendre justice à de nombreux autres fermiers lésés de la province de Ben Tre au cours des 20 dernières années.

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Pham Ngoc Hoa

Pham Ngoc Hoa

- Née le 8 novembre 1954

- Arrêtée le 19 novembre 2010

- Activités : Militant des droits fonciers

Pham Ngoc Hoa, commerçante, a toujours participé aux sit-in des citoyens lésés. Elle a aidé à exprimer leurs souffrances lors des interviews avec les radios vietnamiennes internationales.



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Pham Van Thong

Pham Van Thong

- Né le 1er juin 1962

- Arrêté le 19 juillet 2010

- Activités : Évangéliste de l’Eglise mennonite, militant des droits fonciers



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Tran Thi Thuy

Tran Thi Thuy

- Née le 2 février 1971

- Arrêtée le 16 août 2010

- Activités : Militante des droits fonciers

Comme beaucoup d’autres fermiers et commerçants du Vietnam, Tran Thi Thuy a été victime de l’’expropriation de ses terres et d’injustices multiples. Au cours des 20 dernières années, elle s’est consacrée à défendre les droits fonciers et a activement déposé des requêtes de demande en dédommagement, pour elle et beaucoup d’autres familles victimes de confiscation de terre par les représentants locaux de la Province de Dong Thap.

Sa famille est souvent harcelée et agressée par la police de sécurité et par des gangs criminels embauchés par la police. Bouddhiste Hoa Hao, Thuy et les autres disciples Hoa Hao n’ont pas le droit de pratiquer leur foi et sont fréquemment harcelés par les autorités vietnamiennes.

Tran Thi Thuy a été arrêté le 10 août 2010 quand des membres de la Sécurité publique ont fait irruption chez elle sans aucun mandat d’arrêt. Après été maintenue au secret pendant 10 jours, sa famille a reçu un communiqué les informant qu’elle avait été arrêtée en vertu de l’Article 79 du Code pénal vietnamien.

Mandats d’arrêt et ordres de mise en détention

Il est commun pour la police de sécurité d’arrêter des militants sans un ordre écrit ou d’exiger que les familles gardent le silence sur l’arrestation de leurs proches. Les familles reçoivent parfois la confirmation officielle d’une arrestation des semaines ou des mois après, quand un mandat d’arrêt écrit ou un ordre de mise en détention est fourni. Il est rare que la famille ou les avocats de la défense puissent rencontrer le prévenu avant le procès. Aucune personne ayant été accusée de crimes politiques n’a jamais été acquittée.

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