Rapport annuel de RSF sur la liberté de la presse au Viet Nam en 2004

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Viêt-nam – Rapport annuel 2004

Les voix dissidentes interdites d’accès aux médias, tous de propriété publique, se réfugient sur Internet. En 2003, la répression s’est donc concentrée sur les cyberdissidents. Parallèlement, la presse vietnamienne a poursuivi sa modernisation. Des titres plus libéraux ont vu le jour. Mais la censure veille.

En mai 2003, au lendemain de la Journée internationale de la liberté de la presse, le quotidien de l’armée Quan Doi Nhan Dan a réfuté les accusations de Reporters sans frontières sur les violations de la liberté de la presse dans le pays, leur opposant une “explosion médiatique” qui serait le “résultat de la politique menée conjointement par le Parti communiste vietnamien et le gouvernement, en vue de garantir le droit à l’information de tous les citoyens“. En réponse aux critiques sur la répression des cyberdissidents, le journal affirme l’obligation de l’Etat de “prévenir la propagation d’informations pernicieuses, notamment violentes et pornographiques“.

Le journaliste Nguyen Dinh Huy, âgé de 71 ans, est toujours emprisonné pour avoir demandé le respect de la liberté d’expression. Nguyen Dan Que, figure de la dissidence et fondateur de la revue clandestine Tuong Lai (L’Avenir), a quant à lui été arrêté en mars. Malgré ses problèmes de santé, le gouvernement n’a fait preuve d’aucune clémence. En juin, Amnesty International a rendu publiques deux directives émises par le bureau politique du Parti communiste qui témoignent du climat de paranoïa au sein du régime. Les journalistes dissidents sont qualifiés “d’espions criminels” et les médias étrangers, en particulier “les radios, les télévisions, l’Internet, divers bureaux d’informations d’ambassades”, accusés de promouvoir la “violence afin de nier l’idéal socialiste”. De fait, les autorités brouillent régulièrement les fréquences des radios internationales, notamment Radio Free Asia, et bloquent l’accès à de nombreux sites d’information.

Si l’article 69 de la Constitution garantit la liberté de la presse, le code pénal punit très sévèrement la “diffusion de secrets d’Etat” ou d’informations qui vont à l’encontre de la “sécurité nationale”. Ces textes permettent de réprimer les dissidents et de maintenir dans la crainte des sanctions les journalistes des quelque 500 publications du pays. Pourtant, certains titres, notamment Tuoi Tri (La Jeunesse) ou Lao Dong, testent régulièrement les limites de la censure en publiant des reportages sur des sujets socio-politiques sensibles. En juillet, les autorités ont suspendu temporairement l’hebdomadaire Sinh Vien Viêt-nam. Fait nouveau, au moins trois journalistes ont dû faire face aux menaces physiques de groupes mafieux mécontents de leurs enquêtes sur leurs activités. Le gouvernement vietnamien peut compter sur le soutien de nombreux acteurs de la communauté internationale, notamment l’Agence de la Francophonie, pour développer des médias modernisés mais soumis à la censure et à l’autocensure. C’est le cas du journal francophone, Courrier du Viêt-nam, qui s’est permis, début 2003, de déformer les propos de diplomates européens de retour d’une visite officielle dans la région des Hauts-Plateaux, agitée par des mouvements de minorités. Selon le journal, les diplomates se sont félicités de la stabilité et de l’amélioration du niveau de vie de la population dans la région de Dak Lak. Une version contredite par l’un d’eux auprès de l’Agence France-Presse (AFP) : “Nous ne nous sommes pas félicités de quoi que ce soit. Ceci relève d’une volonté délibérée de déformer notre position.”

Deux journalistes incarcérés

Le journaliste dissident Nguyen Dinh Huy est détenu depuis le 17 novembre 1993. En avril 1995, il a été condamné à quinze ans de prison pour avoir tenté “de renverser le gouvernement du peuple”. Il est accusé d’être l’un des fondateurs du Mouvement pour l’unité du peuple et pour la construction de la démocratie qui a notamment milité en faveur de la liberté de la presse. Agé de 69 ans, il est détenu dans le camp Z30A, dans la province du Dong Nai (sud du pays). Ancien journaliste de la presse du Sud-Viêt-nam, il avait été interdit d’exercer son métier après la chute de Saigon. Depuis novembre 2002, Nguyen Dinh Huy est détenu dans une petite cabane (une pièce avec une fenêtre) dans l’enceinte du camp.

Le 17 mars 2003, la police arrête le Dr Nguyen Dan Que, responsable de la publication clandestine Tuong Lai (L’Avenir) alors qu’il se rend de son domicile à un cybercafé à Hô Chi Minh-Ville. Quelques heures plus tard, la police saisit à son domicile son ordinateur, son téléphone portable et de nombreux documents personnels. Le journaliste, qui a déjà passé près de vingt ans en prison, est détenu dans la maison d’arrêt municipale d’Hô Chi Minh-Ville. Son arrestation serait liée à la publication d’un communiqué dans lequel il dénonçait l’absence de liberté de la presse dans son pays. Il réagissait ainsi aux propos de la porte-parole du ministère vietnamien des Affaires étrangères qui avait affirmé, le 12 mars, que la liberté d’information était garantie dans le pays. Le 22 mars, les autorités annoncent que Nguyen Dan Que a été arrêté pour violation de l’article 80 du code pénal qui prévoit la peine de mort ou la réclusion à perpétuité pour “espionnage“. En septembre, douze Prix Nobel demandent à Nong Duc Manh, secrétaire général du Parti communiste, d’accorder une assistance médicale décente à Nguyen Dan Que. Le journaliste, âgé de 61 ans, souffre d’un ulcère hémorragique, de calculs néphrétiques et d’hypertension artérielle. Depuis sa libération de prison, en 1998, Nguyen Dan Que, bien qu’étroitement surveillé, avait réussi à fonder la revue clandestine Tuong Lai en 2000, et à la diffuser au Viêt-nam et à l’étranger. Il y défendait la liberté d’opinion et dénonçait l’emprisonnement des défenseurs des libertés politiques ou religieuses. La plupart des articles étaient également diffusés sur Internet. Diplômé de médecine à l’université de Saigon, le Dr. Que avait été arrêté en 1978 et détenu pendant dix ans sans jugement. Relâché en 1988, il avait été une nouvelle fois arrêté en 1990 pour sa défense des libertés publiques, et condamné à vingt ans de travaux forcés et cinq ans d’emprisonnement. En 1998, une amnistie lui avait permis de recouvrer la liberté. Cependant, il était toujours soumis à de fréquentes séances d’interrogatoires et à des fouilles répétées de son domicile, ainsi qu’à des campagnes de diffamation, orchestrées par le Département de la sécurité de Hô Chi Minh-Ville.

En 2003, deux journalistes ont été libérés de leur résidence surveillée. Reporters sans frontières considère que cette mesure administrative équivaut à une détention. Les autorités vietnamiennes l’utilisent pour empêcher les journalistes de communiquer et d’exercer leur activité professionnelle.

Depuis le 12 janvier 2002, Bui Minh Quoc, journaliste et dissident, était en résidence surveillée à son domicile de Dalat (sud du pays), après avoir été interpellé dans la gare de Thanh Tri (banlieue de Hanoi), le 8 janvier. Il avait alors été interrogé pendant trois jours par des policiers qui lui avaient confisqué plus de 300 documents jugés “réactionnaires” par les autorités. La veille, il avait rencontré un groupe de dissidents d’Hanoi. Mais selon un journaliste vietnamien réfugié en France, son interpellation et son placement en résidence surveillée étaient liés à l’enquête qu’il avait menée, pendant plus d’un mois, dans le nord du pays sur la situation de ces zones frontalières avec la Chine. Les dissidents dénoncent régulièrement les concessions, notamment territoriales, accordées aux autorités de Pékin par le gouvernement d’Hanoi. Le journaliste s’était rendu à motocyclette dans ces provinces pour recueillir des témoignages. La police avait notamment saisi ses carnets de notes et ses pellicules photo. Membre du groupe de dissidents de Dalat, il avait déjà été placé en résidence surveillée d’avril 1997 à fin 1999 pour avoir milité en faveur de la liberté de la presse. Cette sanction lui interdisait de quitter son quartier et de rencontrer quelqu’un sans autorisation officielle. Son téléphone était coupé, son domicile gardé par des policiers et sa famille surveillée.

Nguyen Xuan Tu, connu sous son nom de plume Ha Sy Phu, était en résidence surveillée à son domicile de Dalat, depuis le 8 février 2001, en vertu du décret gouvernemental 31/CP, pour être “entré en contact avec des réactionnaires vivant à l’étranger en vue de saboter le Viêt-nam”. Cette mesure était intervenue alors que des mouvements de protestation étaient réprimés par les autorités, dans la région montagneuse de Lam Dong, au centre du pays. En décembre 1995, le journaliste, accusé d’avoir révélé des “secrets d’Etat”, avait été arrêté et emprisonné pendant plus d’un an. Libéré suite aux pressions internationales, cet ancien biologiste était l’un des animateurs d’un groupe de dissidents de la ville de Dalat, qui a créé la revue Langbian. Après plusieurs années de résidence surveillée, il avait été libéré le 4 janvier 2001. Il n’a donc profité que de cinq semaines de liberté au cours des huit dernières années. En résidence surveillée, il était sujet à un harcèlement quotidien de la part de la police (fouilles de son domicile, confiscation de son ordinateur, pressions sur sa famille, interdiction des visites, etc.).

Au moins un journaliste agressé

Le 20 avril 2003, Bui Tan Son Dinh, du quotidien Nong Nghiep Vietnam, est attaqué par une dizaine d’individus alors qu’il effectue un reportage sur la prostitution à Hô Chi Minh-ville. Le journaliste vient de prendre des photos de prostituées et de leurs clients lorsqu’un groupe d’hommes demande à voir sa carte de presse. Le reporter est ensuite roué de coups. Bien qu’un commissariat soit situé à 300 mètres du lieu de l’agression, la police arrive après le passage à tabac.

Au moins un journaliste menacé

Le 21 avril 2003, la voiture de Hoang Thien Nga, correspondante du quotidien Tien Phong dans la province de Dak Lak (centre du pays), est incendiée par deux inconnus devant son domicile. La journaliste, qui a beaucoup enquêté sur la corruption et la criminalité, a écrit plusieurs articles sur un avocat, Dai Hung, accusé d’entretenir des liens avec la mafia et de hauts responsables politiques locaux. Selon le Comité de protection des journalistes, Hoang Thien Nga avait reçu, quelques jours auparavant, des menaces par téléphone de la part de proches de Dai Hung. La rédaction en avait informé la police. Deux jeunes délinquants sont arrêtés, mais la police n’identifie pas les commanditaires. Pressions et entraves

Le 9 juin 2003, le vice-ministre de la Culture et de l’Information, Tran Chien Thang, décide de suspendre la carte de presse de Vo Dac Danh, l’un des responsables de la rédaction du quotidien Nguoi Lao Dong, pour avoir publié un article critiquant des projets de construction financés par l’Etat.

Le 15 juillet, le gouvernement suspend pour trois mois l’hebdomadaire Sinh Vien Viêt-nam et exige l’autocritique des journalistes de cette publication de l’Association de la jeunesse communiste Hô Chi Minh (liée au Parti communiste vietnamien). Selon le ministère de la Culture et de l’Information, cette sanction est prise en vertu des articles 6 et 10 de la loi sur la presse, suite à la publication d’articles et d’illustrations “offensantes” pour le régime. Selon l’Agence France Presse (AFP), la couverture de l’édition du 20 mai 2002 de Sinh Vien Viêt-nam présentait un photomontage d’un billet de banque vietnamien à l’effigie d’Hô Chi Minh, fondateur du Parti communiste vietnamien, flottant dans une cuvette de toilette, et celle de l’édition du 7 juillet 2003 une photographie de deux statuettes représentant un homme et une femme nus. Un officiel, cité par l’AFP, déclare que le magazine a “abusé de nouvelles sensationnalistes pour s’attirer de la publicité”.

Nong Duc Manh : prédateur de la liberté de la presse

A l’approche d’un nouveau congrès du Parti communiste, dirigé par Nong Duc Manh, la Commission sur l’idéologie et la culture du Comité central tente de recadrer la presse qui ne se contente pas de diffuser l’idéologie du gouvernement. Fin 2004, les publications Tuoi Tre, Tintucvietnam.com et Vnexpress.net ont été interdites ou rappelées à l’ordre. Les journalistes d’opposition sont interdits de publication. Trois cyberdissidents sont en prison pour avoir diffusé sur Internet des textes prodémocratiques.

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