Vietnam : fronde contre les mines de bauxite

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12 janvier 2011

Par HERVÉ LISANDRE

Au moment où s’ouvre le congrès du Parti communiste vietnamien, l’exploitation des gisements de bauxite soulève une contestation écologique. Et le trouble s’insinue au sein même de la nomenklatura communiste.

“Alerte rouge” titre Thanh Nien, un journal d’Hô Chi Minh-Ville. “Rouge” comme… les boues toxiques de l’usine d’aluminium qui, en octobre, en Hongrie, ont contaminé des villages. Cette pollution a ranimé, au Vietnam, l’opposition, latente depuis 2009, à deux projets de mines de bauxite. Sur Internet, les blogs vietnamiens se sont, les premiers, emparés des images de la catastrophe hongroise et ont mis en garde contre le risque écologique que pourrait courir, à son tour, selon eux, leur pays. Puis des intellectuels ont envoyé une pétition – la deuxième en un an et demi – aux dirigeants de l’Etat et du Parti communiste (PC) au pouvoir, demandant l’arrêt des projets.

Patriotisme antichinois

“Nous sommes rejoints par d’anciens responsables du gouvernement et du Parti, un ex-président de province et même des hauts gradés de l’armée”, se réjouit l’économiste Nguyên Quang A, “antibauxite” de la première heure. Parmi les 2 600 signataires, de grands noms, comme l’ancienne vice-présidente Nguyên Thi Binh, figure de la lutte pendant la guerre contre les Etats-Unis, ou encore le Franco-Vietnamien Ngô Bao Châu, médaille Fields 2010 (le Nobel de mathématiques). “La base du mouvement s’agrandit d’autant plus facilement qu’il recourt désormais systématiquement au patriotisme antichinois”, observe Benoît de Tréglodé, directeur de l’Irasec, un institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est, basé à Bangkok. Car, au-delà des préoccupations écologiques, l’affaire cristallise la méfiance millénaire des Vietnamiens envers leur voisin, toujours perçu comme un envahisseur : Chinalco, une entreprise publique chinoise, participe à la construction du premier site. Pour l’intellectuel communiste Nguyen Ngoc, “l’opposition des Vietnamiens à la bauxite est dans leur coeur et dans leur sang”.

Réunion d’urgence entre ministères, messages rassurants dans les médias : le gouvernement a tenté d’endiguer la contestation. En vain. Impossible de museler les critiques. Des députés et des proches du pouvoir – dont le propre frère de Nguyên Minh Triet, le président de la République – les soutiennent. “Même parmi les dirigeants, le débat entre pro et antibauxite se poursuit, assure Chu Hao, ancien vice-ministre des Sciences, signataire de la pétition. Mais ces discussions sont secrètes.”

Soupçons de pot-de-vin

Le gouvernement est accusé d’avoir cédé aux Chinois. Les soupçons de versement d’un pot-de-vin de 150 millions de dollars aux principaux dirigeants refont aussi surface… à moins de deux mois du congrès du Parti, qui doit se tenir en janvier. “A l’approche de ce rendez-vous, la crise de la bauxite tend à être instrumentalisée. Au Vietnam, la politique est d’abord une lutte de pouvoir, et non une lutte partisane autour d’idées”, analyse Benoît de Tréglodé. Difficile de savoir qui tirera profit de la fragilité de l’équipe sortante : si les règlements de comptes au sein du Parti sont féroces, ils n’en restent pas moins feutrés – et c’est un euphémisme.

Manoeuvre politique ou non, “ce débat encourage l’émergence de la société civile, retient Chu Hao. Dorénavant, sur tous les grands projets, le gouvernement ne pourra plus cacher la vérité au peuple”. Devant l’Assemblée nationale, le Premier ministre a néanmoins exclu il y a peu de renoncer à la bauxite. Son exploitation – déclarée priorité “politique majeure de l’Etat et du Parti” – devrait permettre au Vietnam d’alléger son déficit commercial. La première mine doit entrer en activité au début de 2011.

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