Par Roger Mitton – Straits Times – 8 mars 2008
La tourmente économique fait trembler le gouvernement vietnamien qui, au milieu des problèmes d’inflation, de stock et de déséquilibre commercial, a annulé une conférence sur l’investissement.
Hanoi : dans une décision inattendue, le régime communiste au pouvoir au Viet Nam a forcé l’annulation d’une grande conférence sur l’investissement qui devait se tenir dans le pays la semaine prochaine.
Les organisateurs de la 3ème Conférence annuelle de l’EUROMONEY VIETNAM INVESTMENT FORUM, qui devait débuter jeudi, ont fait savoir qu’ils n’avaient pas d’autre choix que de se conformer à la requête du gouvernement de ne pas maintenir cette conférence.
« En raison d’une combinaison de pressions macro et micro économiques, le gouvernement vietnamien a demandé que EUROMONEY reporte cette année le forum sur l’investissement au Viet Nam. » explique M. Paris Shepherd, directeur associé de l’organisation pour la région ASIE-PACIFIQUE.
Les organisateurs disent que la conférence sera reprogrammée pour Septembre. Mais cette annulation est le dernier signe que le gouvernement est secoué par la turbulence économique qui perdure, il est apparu indécis et incohérent face à la série d’événements négatifs.
Depuis le début de l’année, Hanoi a été frappé par une dure inflation, une envolée catastrophique du déséquilibre commercial et un effondrement du marché boursier. Le taux d’inflation du Viet Nam de 15,67% est de loin le plus fort en Asie de l’Est, même des responsables du gouvernement admettent aujourd’hui que l’inflation va empirer avant que la situation ne s’améliore.
Comme si cela ne suffisait pas, le gouvernement a révélé que le déficit commercial du Viet Nam a atteint 4,2 milliards de dollars durant les deux premiers mois de l’année. Le déficit de l’ensemble de l’année 2006 n’était que de 4,8 milliards de dollars, et l’année dernière il avait atteint 12,4 milliards de dollars. Les fonctionnaires du ministère s’attendent à ce qu’il atteigne 17 milliards cette année.
« Le déficit commercial a atteint un niveau alarmant », affirme le vice-ministre de l’industrie et du commerce, M. Nguyen Thanh Bien.
La plus grande de ces inquiétudes est que le gouvernement a été touché par un effondrement du marché boursier. Le Viet Nam a maintenant la plus mauvaise performance des marchés boursiers en Asie. Son principal indice d’action est tombé à 583 points mercredi, soit près de la moitié du niveau atteint en mars dernier soit 1 173.
Il y avait des scènes déchirantes à la bourse où des parieurs locaux, avaient emprunté pour acheter des actions, et ne pouvaient désormais plus rembourser les prêts, ni trouver des acheteurs. Ces derniers ont dû remettre tous leurs fonds dans les banques et ont été laissés sans ressources.
L’effondrement du marché s’est arrêté tout net tardivement jeudi quand le corps d’investissement du gouvernement a lancé une initiative inédite afin de racheter lui-même des parts locales.
Les citoyens blâment le gouvernement et affirment que dans sa poursuite désordonnée vers une plus grande croissance, ce dernier n’a pas anticipé correctement l’impact de l’entrée du Viet Nam dans l’OMC, ni la hausse des prix du pétrole, ni l’explosion des importations.
Plus tôt cette année, le gouvernement a dû augmenter le salaire minimum pour apaiser les travailleurs à faibles revenus, dévastés par la hausse des prix.
Mais l’augmentation a été beaucoup bien moindre que le taux d’inflation, ce qui implique que les travailleurs finissent encore plus désavantagés.
En conséquence des situations de plus en plus instables se propagent dans tout le pays. Mercredi dernier, 10 000 travailleurs se sont mis en grève dans l’usine sud-coréenne, NIKE, près de Saigon, pour demander des augmentations de salaire afin de suivre le rythme de la hausse des prix. Dans la ville portuaire de Haiphong, ce sont 5000 travailleurs, qui étaient en grève dans une entreprise japonaise.
M. Nguyen Thu Phuong, un maître d’école durement touché par la hausse des prix dit : « Tout le monde sait que le gouvernement est à blâmer. Il a augmenté le salaire minimum mais a négligé de prendre des mesures dynamiques pour contenir la hausse des prix ».
L’augmentation du prix de l’immobilier au Viet Nam fait que ce dernier se place aujourd’hui au 5ème rang des pays d’Asie où les bureaux sont les plus chers.
Dans une tentative drastique pour endiguer l’inflation, le gouvernement a ordonné aux banques locales d’augmenter les taux d’intérêts et de restreindre l’offre de monnaie.
Mais la soudaine pénurie du dong, monnaie locale, a lassé les hommes d’affaires et les résidents étrangers, ainsi que les touristes qui ont désormais du mal à changer leurs dollars.
Le résultat est un sentiment croissant que l’équipe économique du régime et la Banque Centrale n’ont pas la capacité de prévoir les tendances économiques et de prendre les mesures décisives pour prévenir les problèmes qui surgissent dans une nation qui tend vers une économie de marché.
Même les organes étatiques d’information ont fait état du manque apparent de coordination. Des critiques sur le fait que la diminution de la masse monétaire par la Banque Centrale ne s’accompagne pas de coupes dans les dépenses du gouvernement, ont été émises.
En effet, beaucoup disent qu’il y a des différends au sommet entre les ministres qui préconisent la poursuite de la croissance et ceux qui exhortent à la lutte contre l’inflation en priorité.
