Des écrivains interdits, censurés, harcelés et emprisonnés

(New York, 22 Juillet 2008) – Human Rights Watch a déclaré aujourd’hui que huit écrivains vietnamiens figurent parmi un groupe diversifié de 34 écrivains de 19 pays qui vont recevoir cette année le prix Hellman / Hammett en reconnaissance du courage dont ils ont fait preuve face à la persécution politique.
Le prix Hellman / Hammett, administré par Human Rights Watch, est remis chaque année aux écrivains du monde entier qui ont été la cible de persécutions politiques ou des violations des droits de l’homme. Le programme de subventions a commencé en 1989 lorsque la dramaturge américaine Lillian Hellman a voulu que son héritage soit utilisé pour aider les écrivains dans le besoin pour avoir exprimé leur point de vue.
Cette année, le Père Nguyen Van Ly est l’un des lauréats du Vietnam. Le Père Ly est un des dirigeants du mouvement démocratique au Vietnam. Il a été emprisonné à maintes reprises au cours des 30 dernières années pour ses appels écrits en faveur des droits de l’homme, la liberté religieuse et la liberté d’expression. Lors de son plus récent procès en mars 2007, dans lequel il a été condamné à huit ans de prison, la police a mis les mains sur la bouche du père Ly pour l’empêcher de parler.

« L’expression vietnamienne pour la censure, « bịt miệng », signifie couvrir la bouche », déclare Brad Adams, directeur Asie à Human Rights Watch. « Il n’y a pas de plus forte image de la triste situation de la liberté d’expression au Vietnam aujourd’hui que la photographie de la police muselant physiquement le Père Ly au cours de son procès. »
Les autorités vietnamiennes ont utilisé à la fois des sanctions officielles et officieuses pour réduire au silence les lauréats vietnamiens du prix Hellman / Hammett de cette année. Les écrivains dissidents ont été harcelés, agressés, inculpés, emprisonnés sur des accusations fabriquées de toutes pièces, virés de leurs emplois, isolés socialement, détenus et interrogés par la police, humiliés en public par des « tribunaux du peuple » officiellement orchestrés, et blessés par des véhicules banalisés qui sont ensuite qualifiés d’ « accidents de la circulation ».
« Beaucoup de gens à travers le monde ne savent pas que les écrivains vietnamiens sont enfermés pour avoir simplement exprimé leur point de vue, » déclare Adams. « Cela rend plus important que jamais la reconnaissance de ces courageux écrivains qui ont subi la persécution ou sacrifié leur liberté afin de militer pour une presse libre, des droits de l’homme, et un système multipartite au Vietnam. »
Human Rights Watch administre le prix Hellman / Hammett depuis 1989, l’octroyant à près de 700 écrivains sur les 19 années du programme. Le programme Hellman / Hammett fait également de petites subventions d’urgence à des écrivains qui ont un besoin urgent de quitter leur pays ou qui nécessitent des soins médicaux immédiats après avoir purgé des peines de prison ou subi des tortures.
De courtes biographies de sept des huit écrivains vietnamiens qui peuvent être diffusés en toute sécurité sont publiées ci-dessous :

Le Quoc Quan, 36 ans, est un avocat qui a écrit de nombreux ouvrages sur les droits civiques, le pluralisme politique et la liberté religieuse. Il a été arrêté par la police quatre jours après son retour au pays après une année passée aux États-Unis pour suivre une formation au National Endowment for Democracy. Pendant plusieurs jours après son arrestation, son lieu de détention n’était pas connu et aucune accusation contre lui n’a été rendue publique. Quan a par la suite été inculpé en vertu de l’article 79 du Code pénal pour « activités visant à renverser le gouvernement. » Il a été libéré le 16 juin 2007, mais les accusations portées contre lui sont toujours en cours. Le 27 novembre 2007, tout en essayant d’assister à un procès en appel de deux autres avocats, Quan a été frappé et emmené à un poste de police local pour l’empêcher d’assister à l’audience.

Le Thi Cong Nhan, 29 ans, est une avocate largement reconnue comme leader d’une nouvelle génération de jeunes militants qui construit des organisations au Vietnam et tisse des liens avec les groupes à l’extérieur. Elle est membre fondateur du Comité pour les droits de l’homme au Vietnam et porte-parole du Parti progressiste du Vietnam, un des différents partis d’opposition qui sont apparus au cours d’une brève période en 2006, lorsque le gouvernement vietnamien a temporairement assoupli les restrictions sur la liberté d’expression. En tant que écrivain appelant fréquemment au changement démocratique dans les journaux en ligne et les blogs, elle a été harcelée, intimidée et placé sous résidence surveillée. Elle a été arrêtée en mars 2007, et condamné à quatre ans de prison, peine qui a été ensuite ramenée à trois ans, sous l’inculpation de diffusion de propagande contre le gouvernement en vertu de l’article 88 du code pénal.

Nguyen Phuong Anh, 36 ans, est un des auteurs les plus prolifiques et les plus lu parmi les écrivains dissidents au Vietnam aujourd’hui. Ancien homme d’affaires, il a été propriétaire d’un restaurant de 1000 couverts et d’une société d’import-export en plein essor. Par la suite, il s’est impliqué dans la lutte pour les droits de l’homme et la démocratie en commençant par écrire sur les sites Web des critiques satiriques contre le gouvernement vietnamien. Il est un membre de la rédaction du To Quoc (la patrie), un journal non autorisé et qui est distribué au Vietnam à travers Internet. Dès qu’il est devenu militant, il a été convoqué au poste de police où on lui a dit qu’il ferait mieux de s’occuper de son business. Comme il a ignoré les avertissements, le véritable harcèlement a commencé. La police a débarqué dans son restaurant en uniforme. Les journaux d’état ont écrit des mensonges provoquant la faillite de son restaurant. Les marchandises importées par son entreprise ont été confisquées. Tous les comptables de l’entreprise sont partis du jour au lendemain, et sa société a reçu une amende pour ne pas avoir payé les impôts avant d’être mise en liquidation. En plus de tout cela, il a maintes fois été arrêté et battu par la police.

Père Thadeus Nguyen Van Ly, 60 ans, un des fondateurs de la revue clandestine Tu Do Ngon Luan (la liberté d’expression), reçoit le prix Hellman / Hammett pour la deuxième fois. Depuis plus de 30 ans, le Père Ly a lancé des appels écrits pour la liberté religieuse, la liberté d’expression et le multipartisme au Vietnam, un engagement qui lui a valu 15 ans de prison depuis 1977. Pendant un autre séjour en prison de 2001, on pense qu’il a été drogué et battu avant la visite d’une délégation du Congrès américain afin que son raisonnement soit brouillé et lui faire admettre indirectement avoir commis des actes criminels. Libéré en 2005, il a rapidement recommencé le militantisme et la dissidence écrite. Le Père Ly a été l’un des fondateurs du mouvement démocratique du Vietnam connu sous le nom de Bloc 8406, ainsi nommé d’après la date de sa création, le 8 avril 2006. Sa dernière arrestation en février 2007 l’a conduit à une autre peine de huit ans de prison sur les accusations de diffusion de propagande contre le gouvernement.

Nguyen Xuan Nghia, 58 ans, est à la fois journaliste, romancier, poète et essayiste. Il est issu d’une famille avec un fort passé révolutionnaire. Son père a rejoint le Parti communiste vietnamien (PCV) en 1936 et son frère aîné a été tué dans la première guerre d’Indochine. Nghia continue d’être un membre de l’Association des écrivains vietnamiens, en dépit de sa position ouvertement contre le PCV. Comme journaliste, il a écrit pour tous les principaux journaux d’état jusqu’en 2003, date à laquelle le gouvernement l’a révoqué en raison de ses positions pro-démocratie. Depuis, il a été arrêté, détenu et interrogé à plusieurs reprises. Sa maison a été fouillée par deux fois. Il a été dénoncé lors des réunions publiques et socialement isolé. C’est un membre de la rédaction du To Quoc (la patrie), une publication pro-démocratie non autorisée. Il est également membre du comité de direction du Bloc 8406 et de l’Alliance pour la démocratie et les droits de l’homme. Le 27 novembre 2007, il a été roué de coups par des policiers au tribunal de Hanoi lorsqu’il s’est présenté pour manifester son soutien à deux autres dissidents qui étaient en train d’être jugés.

Nguyen Xuan Tu, alias Ha Sy Phu, 68 ans, est un chercheur en biologie et l’un des plus respectés écrivains dissidents du Vietnam. Écrivant sous son nom de plume Ha Sy Phu, il s’est d’abord fait connaître en 1987 pour son essai « Allons de l’Avant Main dans la Main sous le Guide de la Raison. » Il a continué à écrire des essais philosophiques, des pièces satiriques et de la poésie qui ont été publiés à l’étranger et clandestinement au Vietnam. Au cours des 20 dernières années, il a subi la répression, l’isolement social, les interrogatoires de police, l’emprisonnement et la détention à domicile. Depuis 11 ans, en raison de sa grande influence sur les autres écrivains et dissidents du mouvement démocratique, il n’a pas le droit de posséder un téléphone ni une connexion Internet. Malgré sa mauvaise santé, il continue d’écrire et de participer au débat sur la démocratie.

Pham Hong Son, 40 ans, est un médecin qui écrit des articles et des lettres ouvertes qui sont distribués ensuite de main à main au Vietnam et publié sur les sites Web de la diaspora vietnamienne. Il a été arrêté et emprisonné en mars 2002 sur des accusations d’espionnage en vertu de l’article 80 du code pénal pour l’écriture d’un texte sur les droits de l’homme et la démocratie et de l’avoir diffusé sur Internet. Libéré en août 2006, il a immédiatement repris l’écriture, même s’il est sous le régime de la probation administrative, une forme d’assignation à résidence. Il est l’un des dissidents les plus connus du Vietnam. Il n’a pas été en mesure de retrouver un emploi depuis sa sortie de prison, en dépit de sa formation de médecin et en gestion des affaires.
http://hrw.org/english/docs/2008/07/22/vietna19419_txt.htm
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