Les limites à l’activité politique au Vietnam

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Forbes
13 juillet 2010
Par Bill Hayton

Le bénéficiaire de la bourse Fulbright et célèbre avocat Le Cong Dinh devra rester en prison au Vietnam. Récemment, la Cour d’Appel de Ho Chi Minh-Ville a confirmé sa peine de cinq ans de prison pour « avoir tenté de renverser l’État » et renvoie Dinh et ses deux co-accusés dans leurs cellules. Le sort de cet homme – qui a défendu les intérêts des éleveurs de poisson-chat de son pays contre les restrictions commerciales américaines ; a été le directeur adjoint de l’Association du Barreau de Hô-Chi-Minh-Ville ; a participé aux délégations internationales juridiques, et épousé une ancienne Miss Vietnam – montre clairement les limites de l’activité politique que le Parti communiste Vietnamien (PCV) peut tolérer.

Le PCV était prêt à ignorer Dinh, tant qu’il restait une voix isolée appelant à la réforme judiciaire. Ce qui causé sa mise au ban, c’était son travail avec des groupes anti-communiste basés aux États-Unis et son appartenance à un parti d’opposition. Peu importe que les demandes Dinh n’aient pas changé depuis l’époque où il était un critique loyale – les demandes habituelles de défenseurs de la démocratie : la liberté d’expression et le pluralisme politique – sa collaboration avec ceux que Hanoi considère comme « les forces hostiles » a scellé son sort.

La mésaventure de Dinh et des 15 autres qui ont été emprisonnés ces derniers mois pour des infractions semblables confirment un modèle créé en 2007 lorsque les forces de sécurité du Vietnam ont démantelé un groupe de dissidents connu sous le nom Bloc 8406 (nommé d’après la date au 8 avril 2006-quand le groupe lui-même s’est annoncé). À l’époque, comme aujourd’hui, le ministère de la sécurité publique est précis dans son ciblage. Alors que plusieurs centaines de personnes ont souscrits aux revendications du Bloc 8406, le ministère n’a poursuivi que les dirigeants, ceux qui avaient des liens étroits avec des groupes basés à l’étranger. Il pourrait accepter des parlottes sur la démocratie, mais certainement pas une organisation active contre le règne du régime à parti unique.

C’est le socle inébranlable du système politique du Vietnam, consacré par l’article 4 de la Constitution : « Le Parti communiste du Vietnam, l’avant-garde de la classe ouvrière vietnamienne, représentant fidèle des droits et des intérêts de la classe ouvrière, des personnes laborieuses, et de toute la nation, agissant sur la doctrine marxiste-léniniste et la pensée de Ho Chi Minh, est la force dirigeante de l’État et la société. »

Il est tentant de penser que dans un pays jouissant des avantages des investissements massifs étrangers et de la libéralisation économique, cette formulation soit tout simplement un héritage du passé. Ce n’est pas le cas. À sa base, le système politique du Vietnam reste fermement léniniste. Argumenter au sein du Parti est une chose, argumenter contre le Parti en est une autre.

Chaque mardi, environ une centaines de rédacteurs en chef des journaux du pays assistent à une réunion au Ministère de l’Information et des Communications pour une réunion d’information sur ce qu’ils doivent et ne doivent pas écrire.

Il est vrai que les choses ont changé ces dernières années. L’étendue des voix que le parti est prêt à écouter s’est certainement élargie. L’Assemblée nationale est devenue un lieu de débat, une forme réglementée de la société civile a émergé et l’industrie des médias s’est développée. Des millions de dollars et d’euros ont été dépensés par les donateurs internationaux pour promouvoir les réformes judiciaires, le pluralisme politique et une meilleure qualité du journalisme. Mais tout au long du processus de réforme dans son ensemble, le PCV a gardé plusieurs longueurs d’avance par rapport aux donateurs.

Le Parti a pris les aides financières en disant merci – et semblait se conformer à l’objectif déclaré de « bonne gouvernance » – mais les ont détournées de manière à consolider son règne. Prenez quelques exemples : Alors que « le développement légal » met l’accent sur le changement de la législation pour répondre aux exigences d’une économie mondialement intégrée, « les réformes judiciaires » demeurent sous le contrôle des structures internes du parti, sans influence étrangère significative. Le Parti est très fier des « tribunaux populaires » – lisez « les tribunaux contrôlés par le parti » – et continuera à diriger l’appareil judiciaire. Les juges doivent encore être approuvés par la section locale du PCV et doivent avoir « le cursus de connaissances politiques » – terme désigné pour le certificat délivré par l’école de formation du Parti, l’Académie Nationale de politique Ho Chi Minh.

Depuis plus d’une décennie, les donateurs internationaux ont fait pression pour une nouvelle façon de réglementer les milliers d’organisations qui ont été créées pour fournir des équipements sportifs, du divertissement, des services sociaux et des associations locales et des groupes d’intérêt national. Mais la « loi sur les associations » n’a jamais atteint le stade de la promulgation. Toutes les organisations de la « société civile » doivent encore être enregistrées auprès des organismes contrôlés par le PCV.

Le gouvernement vietnamien a récemment annoncé qu’il renonçait à essayer de réécrire la Loi sur la Presse, en dépit des années d’efforts, des dizaines d’ateliers financés par l’aide internationale et des voyages d’étude à l’étranger. Les médias sont encore gérés selon les principes léninistes. Chaque mardi, environ une centaines de rédacteurs en chef des journaux du pays assistent à une réunion au Ministère de l’Information et des Communications pour une réunion d’information sur ce qu’ils doivent et ne doivent pas écrire. Il n’y a pas de médias indépendants légalement reconnu au Vietnam. Chaque publication appartient à une entité de l’Etat ou du PCV.

Mais ce n’est pas toute l’histoire – si c’était le cas, il y aurait très peu de dynamisme au travail au Vietnam. Or, comme nous le savons, c’est l’une des sociétés les plus dynamiques et ambitieuse de la planète. C’est possible à cause d’un étrange équilibre entre le contrôle du Parti, et le manque de contrôle, qui s’est manifesté à travers la pratique du « passe-muraille » ou « phá rào » en vietnamien. Prenez des exemples dans les domaines que j’ai mentionnés précédemment : Bien que le système judiciaire demeure sous le contrôle du Parti, il y a suffisamment de flexibilité et les lacunes en son sein afin de permettre toutes sortes d’activités. Même lorsque la loi est « difficile », sa mise en œuvre peut être retardée ou ajustée à l’aide des relations et du favoritisme. Le résultat : le dynamisme économique et la corruption systématique.

Le mot anglais « lobby » est désormais entré dans la langue vietnamienne. La clé du « lobbying » est de trouver une composante de l’État qui soutient vos intérêts et de travailler à travers elle. De cette façon, toute activité « politique » paraît tout à fait loyale et non menaçante pour le système. Une multitude de groupes, à la fois formel et informel, pratiquent le lobby aujourd’hui à de nombreux niveaux de l’Etat pour initier le changement.

Beaucoup d’argent se fait dans l’industrie des médias vietnamiens et avec lui, vient l’influence. Il y a toutes sortes d’activités de piratage et semi-légales dans ce secteur – certaines publications sont presque entièrement privées, en dépit des décrets du gouvernement qui disent le contraire, d’autres se comportent simplement comme s’ils l’étaient. Tant qu’ils ne s’opposent pas contre le Parti ou fouillent trop profondément dans la corruption de haut niveau, les éditeurs et les journalistes ne sont pas inquiétés.

Dans tous ces cas, le dynamisme est possible par cette méthode rare vietnamienne de semi-illégalité connue sous le nom de « passe-muraille ». Comme l’économiste britannique Adam Fforde l’a démontré, c’est cette pratique qui a permis au pays d’échapper à l’effondrement économique à la fin des années 1980 et de créer les bases d’une croissance rapide d’aujourd’hui. Le « passe-muraille » est aussi important dans la politique que dans la société.

À la fin des années 1990, le Parti communiste du Vietnam a subi un énorme vote de défiance de la jeunesse du pays : à peine 7 000 étudiants ont choisi d’y adhérer. En réponse, il a redéfini ce qu’il offrait aux jeunes, abandonnant sa revendication de réaliser tous leurs espoirs révolutionnaires, et la place, leur offrant la voie de la promotion personnelle. Les jeunes membres du parti sont souvent recrutés à l’appât, « Si vous voulez réussir votre carrière, vous n’avez qu’à adhérer. » Plutôt que de cacher des motifs égoïstes sous un vernis d’altruisme et de pieux sentiments de vouloir contribuer au développement du pays, il est maintenant tout à fait acceptable pour un nouveau membre du PCV d’informer leurs amis qu’il a adhéré pour son avancement personnel. En effet, il est embarrassant d’admettre de vouloir construire le socialisme ou de défendre la révolution. Et cela semble avoir fonctionné. Le Parti a fait valoir que 60% des 170 000 personnes qui l’ont rejoint en 2005 étaient âgés entre 18 et 30 ans.

Cependant, ce nouvel afflux d’adhésion n’a pas modifié la vision du Parti lui-même. Il est déterminé à maintenir son rôle autoproclamé de « leader » dans la société. Mais le PCV est une organisation intelligente. Il pense à l’avenir et sur la façon de maintenir sa position au sommet de la société alors même que tout en dessous subit des changements. Sa position est assez forte pour tolérer beaucoup de choses – comme l’arrivée le mois dernier d’une édition vietnamienne du Cosmopolitan Magazine – mais pas de contestation de son rôle de leader. Lê Cong Dinh et ses collègues l’ont découvert à leurs dépens. L’aide internationale et l’investissement n’a pas apporté la démocratie multipartite au Vietnam, au lieu de cela, ils renforcent le règne du parti unique. C’est comme cela que le PCV les aime. La vie s’améliore pour la grande majorité de la population du Vietnam, et aussi longtemps que cela continue, c’est de cette façon dont les choses vont rester.

Bill Hayton est l’auteur du Vietnam : Rising Dragon, récemment publié par Yale University Press. Il était le journaliste de la BBC à Hanoi du 2006-07.

http://www.forbes.com/2010/07/13/vietnam-activism-freedom-markets-economy-politics.html

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