Au Vietnam, les craintes d’un effondrement de l’économie se font de plus en plus sentir

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22 août 2012

SAIGON – Les équipes de construction ne sont pas allées plus loin que le rez-de-chaussée de la Résidence Saigon, un immeuble d’appartements haut de gamme du centre de Saigon. Tout ce qui reste aujourd’hui du projet abandonné n’est que piles de briques moisies, tiges d’acier rouillées et une petite équipe d’agents de sécurité qui a transformé la fondation de ciment en un parking à motos.

Dans les principales villes du Vietnam, le marché immobilier autrefois prospère s’effondre. Les centaines de chantiers abandonnés témoignent d’une économie malade.

Un haut responsable du Parti communiste vietnamien, dans le beau salon d’un bâtiment colonial français, comparait les problèmes économiques du pays à la crise du marché d’il y a 15 ans qui avait ruiné l’économie de plusieurs pays d’Asie.

« Je peux dire que cela se passe comme pour la crise de 1997 en Thaïlande » dit Hua Ngoc Thuan, le Vice-Président du Comité du Peuple de Saigon, le responsable du comité exécutif de la ville. « Les investisseurs immobiliers ont tellement fait monter les prix. Ils achètent les terrains pour spéculer et non pour y construire quelque chose. » Les problèmes économiques au Vietnam peuvent paraitre moins graves que ceux de la crise financière de 1997 — l’économie continue de croître, bien qu’elle soit relativement affaiblie, à un taux d’environ 4 pour cent — mais la liste des problèmes du pays ne fait que s’allonger. L’arrestation cette semaine de Nguyen Duc Kien, l’un des plus riches hommes d’affaires du Vietnam, a provoqué mardi une chute de 4,8 pour cent sur le marché boursier du pays, soit la plus forte baisse depuis quatre ans. Les accusations portées contre M. Kien sont floues. Les médias d’Etat disent qu’il est accusé d’activité économique illégale.

Son affaire traitée de manière obscure pointe un facteur aggravant aux malheurs du pays : le mariage maladroit entre une direction du Parti Communiste enclin au secret et une économie capitaliste assombrit les perspectives de reprise économique pour ce pays de 91 millions d’habitants.

Les investisseurs sont sceptiques quant à la gestion économique du gouvernement et s’interrogent sur la fiabilité des statistiques. La banque centrale du pays indique qu’un prêt sur dix est en cessation de paiement, mais Fitch Ratings pense que le pourcentage de prêts à risque pourrait être beaucoup plus élevé.

Si la crise de 1997 avait souvent été imputée au « capitalisme de connivence », les problèmes du Vietnam pourraient être décrits comme un capitalisme de connivence à la mode communiste. Les entreprises d’Etat regorgent d’amis et d’alliés de la hiérarchie du Parti Communiste. Selon Jonathan Pincus, Président du Programme Fulbright pour l’Enseignement de l’Economie (Fulbright Economics Teaching Program) au Vietnam, « Le pays est manipulé par des personnes au sein même de l’Etat pour faire de l’argent ».

« Il faut que le Parti Communiste quitte la gestion de ces sociétés » dit-il. « Ce n’est pas le cas. »

Comme les bulles spéculatives du marché immobilier dans le monde, les investisseurs au Vietnam ont profité de fluidité de crédit pour construire des bâtiments avec l’espoir d’en tirer des bénéfices. La différence importante est que certains des plus grands spéculateurs immobiliers au Vietnam sont des sociétés d’Etat ayant des relations haut-placées au Parti Communiste et ont l’argent facile. Ces sociétés ont maintenant un fort haut taux d’endettement ou, dans le cas de Vinashin et Vinalines, deux très grandes sociétés d’Etat, flirtent avec le surendettement.

Saigon est toujours aussi bourdonnante d’énergie, est envahie par les touristes et est en proie aux embouteillages – elle a tous les signes de la vitalité économique d’une ville. Mais cela masque les symptômes des malheurs économiques nationaux : les Jeunes trouvent qu’il est de plus en plus difficile de trouver un emploi ; près de 20 pour cent des petites et moyennes sociétés ont fait faillite l’année dernière ; et les projets d’infrastructure municipaux sont retardés ou annulés.

Lê Dang Doanh, économiste réputé et ancien haut fonctionnaire auprès d’une organisation de recherche gouvernementale, a déclaré être inquiet du calendrier concernant les problèmes du pays, ceux-ci arrivant juste alors que l’économie mondiale est embourbée par la dette et que l’Europe est aux prises avec le dilemme existentiel de l’euro.

« Le problème du Vietnam est un cocktail hautement toxique qui englobe la crise de la dette européenne, la stagnation de l’économie américaine ainsi que des conditions très critiques de son économie nationale » a déclaré M. Doanh. « C’est un très dangereux mélange. » Le secteur privé contribue à maintenir l’économie sur les rails – le Vietnam est grand exportateur de vêtements et de chaussures aux États-Unis – mais les flux d’argent étrangers ont ralenti. Les engagements des investisseurs étrangers étaient de 8 milliards de $ pour la première moitié de cette année, soit un quart des investissements pour la même période il y a trois ans.

Les conséquences des problèmes économiques au Vietnam sont d’une grande portée. Les revenus des autorités municipales se réduisent à travers le pays car les frais de transfert de propriété forment la majeure partie de leurs revenus. La première ligne de métro de Saigon est maintenant prévue pour fin 2016, soit un an plus tard que prévu, selon M. Thuan, haut fonctionnaire de Saigon.

Dans le centre-ville de Da Nang, qui a prospéré au cours de la dernière décennie, les fonctionnaires ont été forcés d’annuler des projets de développement prévus en périphérie de la ville. Tran Van Son, le vice-directeur du Service de Planification et d’Investissement de Da Nang, a déclaré « craindre » que la ville ne soit amenée à revoir ses projets à la baisse parce que les recettes fiscales tardaient à parvenir. Les jeunes trouvent qu’il est de plus en plus difficile de trouver un bon boulot. En banlieue de Hanoï, la capitale, Nguyen Duy Huong, 21 ans et fils de planteurs de riz, a passé les six premiers mois de l’année à chercher en vain du travail dans des ateliers de réparation d’ordinateurs.

« Partout où j’allais, on me disait qu’ils recherchaient de très bons techniciens », dit M. Huong. « Ils ne prenaient pas d’apprentis. » Comme beaucoup d’autres jeunes au Vietnam, M. Huong est à la frontière entre la technologie de l’information et l’économie paysanne. Il a travaillé à temps partiel dans un magasin d’impression de photos, utilisant un logiciel d’utilisation pour blanchir les visages et supprimer les imperfections, mais le revenu principal de sa famille provient du plantage et de la récolte du riz à la main. Dans sa recherche d’un travail à plein temps, il a récemment commencé à prendre des cours de programmation de logiciel dirigés par Sun, une organisation à but non lucratif créée par Plan International, une société britannique de bienfaisance.

Les problèmes que rencontrent les jeunes ne sont rien comparés à l’ampleur des crises de l’emploi en Grèce ou en Espagne, mais trouver un emploi n’est plus aussi automatique qu’il y a quelques années. « Les Sociétés ont plus de choix maintenant », dit Nguyen Thi Van Trang, qui aide à diriger le programme de formation. « Ils n’ont plus besoin d’aller chercher les enfants dans la rue. »

Le gouvernement a fait face aux problèmes du pays en utilisant les outils classiques de macro-économie : en bloquant les entrées d’argent pour étouffer l’inflation à deux chiffres, puis en réduisant cette année les taux d’intérêt pour stimuler l’économie.

Les banques demeurent cependant très prudentes, en partie en raison du nombre croissant de clients incapables de rembourser leurs prêts. L’offre de crédit dans l’économie se réduit et la consommation est stagnante ; les supermarchés, par exemple, ont signalé des réductions de leurs ventes de l’ordre de 20 à 30 pour cent.

M. Doanh, l’économiste, a déclaré que le Vietnam avait besoin de bien plus qu’une injection de fonds à taux bas.

Les entreprises publiques inopérantes telles que Vinashin, qui se sont développées de manière sauvage et ne sont pas qualifiées pour fonctionner, doivent être démantelées, privatisées ou réduites, dit M. Doanh.

« C’est le bon moment pour appliquer le concept de destruction créatrice » dit-il, se référant au concept de destruction des entreprises établies et remplacées par des concurrents plus novateurs.

Comme pour les États-Unis, la santé économique du Vietnam tient en partie à la relance de son marché immobilier.

Il y a tellement trop d’espaces de bureau à Saigon. Par rapport à il y a trois ans, seulement la moitié du parc immobilier des bureaux situés dans les quartiers les plus prisés de Saigon est louée, dit Nguyen Duy Lam, Directeur à Pacific Real, une société spécialisée dans la construction et l’immobilier.

Dans l’espoir d’attirer plus d’acheteurs étrangers, les autorités d’Saigon ont proposé au gouvernement central d’ouvrir le marché immobilier au Vietnamiens d’outre-mer, dit M. Thuan, le fonctionnaire du Parti Communiste.

Pour le moment cependant, les agents immobiliers comme M. Lam disent que l’activité est gelée.

« Tout le monde veut vendre, mais ils ne peuvent pas, même s’ils baissaient les prix » dit M. Lam lors d’un entretien sur le toit d’un hôtel deSaigon. « Il n’y a pas de client. »

M. Lam compte sur les projets à long terme de la ville. Alors qu’il parlait, une image contrastée du Vietnam s’est présentée. La sombre silhouette d’un gratte-ciel inachevé se dessinait nettement au-dessus de nous mais un chantier voisin défiait la tendance : un dimanche soir, éclairé par des projecteurs, une grue se balançant d’avant en arrière tandis que les ouvriers élevaient un autre bâtiment destiné à remplir le ciel de Saigon.

Thomas Fuller

Source : The New York Times

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