Comme un air de déjà vu

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Le défunt dictateur Saparmurat Niyazov

Le 21 décembre 2006, Saparmurat Niyazov, président de la république du Turkménistan décède à l’âge de 66 ans. Avouons-le, peu d’entre nous connaissons ce pays d’Asie Centrale, tout comme son président. Mais lorsque j’ai découvert la biographie de Niyazov, j’ai eu une impression de « déjà vu ».

Quelques clics sur Internet avec le mot Niyazov ; Google renvoie 1 430 000 réponses, davantage que pour le premier ministre japonais Koizumi (1 360 000). Ce Niyazov serait donc universellement connu !

En relisant plus attentivement la biographie de celui qui était réputé le plus grand dictateur dans le monde et le plus mégalomane – il s’était autoproclamé président à vie du Turkménistan -, je m’aperçois que cette impression de « déjà vu » vient de la ressemblance troublante entre la vie de Niyazov et l’histoire du Parti Communiste Vietnamien (PCV), ce parti qui détient le droit de vie et de mort depuis 60 ans sur le 13ème pays le plus peuplé dans le monde.

Alors, quelles ressemblances ?

1- Commençons par la dictature de Niyazov. Il concentre en ses mains tous les pouvoirs : président de l’État, premier ministre, chef d’état major des armées. Le PCV en fait bien davantage. Il suffit de se demander : dans la société vietnamienne, qu’est ce qui est important et qui n’appartiendrait pas au PCV ? Le Parti ne se contente pas de s’approprier tous les pouvoirs au niveau central, il se « faufile » à tous les niveaux de la société. Certains prétendent que le peuple aurait confié le « droit de gouverner à vie » au PCV à travers sa Constitution. Mais il était aisé de détourner les élections alors que le pays était encore embrumé dans l’ignorance [référence aux premières et uniques élections libres du Viêt Nam en 1946 – NDT], pour ensuite prendre le pouvoir « à vie ». De son côté, Niyazov détourna le Parlement pour se faire proclamer président à vie.

Bien entendu, le PCV affirmerait que le Parlement vietnamien n’est pas aussi moutonnier que le Majlis, le parlement turkmène. Pourtant, à y regarder de près, on constate peu de différences. Vietnamiens et Turkmènes élisent leurs parlementaires respectifs. Mais aujourd’hui encore, les élections au Viêt Nam se déroulent de la façon suivante : « le Parti décide, le peuple subit ». Est-ce vraiment différent des élections turkmènes, lorsque Nizavov recueillait 99,9% des voix. Bien que le Parlement vietnamien ne soit pas bête au point d’élire un président à vie, aucun parlementaire n’oserait remettre en question le « pouvoir à vie » du PCV. Alors, quelle différence avec le Majlis ? Tous les vietnamiens sont au courant de la cession des terres – l’une d’entre elles portant le monument Ai Nam Quan –, d’une partie de chutes Ban Gioc, et d’environ 10 000 km² de zones maritimes vietnamiennes à la Chine, mais aucun parlementaire n’y a émis d’objection. Ainsi, comment pourrait-on prétendre que le parlement vietnamien serait moins moutonnier que le Majlis ?

2- La « mégalomanie » de Niyazov n’est quasiment pas évoquée par les médias vietnamiens, même par ceux qui reprennent les informations données par les journaux étrangers. Étudiant, Niyazov adhère au Parti (Communiste Soviétique, évidemment) en 1962 à l’âge de 22 ans. En sortant de l’école polytechnique de Leningrad en 1967, Niyazov est affecté dans une centrale électrique de la banlieue de Ashkhabat. Dès lors, sa progression professionnelle et au sein du Parti est fulgurante. Si les journaux vietnamiens n’en parlent pas, serait-ce de crainte de mettre en évidence quelque similitude avec le régime vietnamien ? Pourquoi le PCV craint-il une chose aussi visible que le jour et que tout le monde sait dans le pays ? Bien entendu, dans la société vietnamienne, certaines personnes ont réussi sans avoir pris la carte du Parti Communiste. Mais je suis certain qu’elles constituent l’exception qui confirme la règle. Face aux méfaits du PCV, elles doivent se soumettre à la règle des 3 négations : « ne rien entendre, ne rien dire, ne rien voir ».

Le chemin choisit par Niyazov ne diffère pas de celui choisi par de nombreux étudiants vietnamiens qui, par obligation, adhèrent au Parti pour tenter de se « construire » un avenir. D’autres étudiants, probablement, adhèrent par conviction. C’est leur droit, mais je leur demande de respecter la diversité des convictions.

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Niyazov : « toute personne qui lit le Ruhnama trois fois par jour est assuré de monter au … paradis »

3- Niyazov a écrit un livre intitulé Ruhnama, rassemblant ses pensées, réflexions et recommandations moralisatrices. Tous les établissements scolaires du Turkménistan ont l’obligation d’intégrer dans leur programme l’étude quotidienne de ce livre. Niyazov avait déclaré « toute personne qui lit le Ruhnama trois fois par jour est assuré de monter au … paradis ». Il comparait son livre au Coran et à la Bible. Trop modeste Monsieur Niyazov !

Si le Turkménistan hérite du Ruhnama, le Viêt Nam hérite des Pensées de Ho Chi Minh. Néanmoins, le PCV est bien plus rusé. Au Viêt Nam, aucune loi n’oblige quiconque à lire Les Pensées de Ho Chi Minh. Mais journaux et télévisions en font régulièrement des citations, désignant implicitement ces Pensées comme le cadre spirituel et moral de référence. Par ailleurs, dans tous les établissements supérieurs vietnamiens, universités et écoles d’ingénieur, l’étude des Pensées est obligatoire. Les « enseignements » de Ho sont affichés partout : dans les commissariats, les écoles, les hôpitaux, les rues, … Alors ces « pensées » sont-elles très différentes du Ruhnama ? Oui, sans doute, car la lecture du Ruhnama conduit au paradis ! alors qu’avec Les Pensées de Ho Chi Minh, ceux qui vivent déjà au paradis (du communisme…) doivent continuer de les lire ! Faut-il préciser que l’humanité, de nos jours, redoute ces deux paradis !

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Comble de sa mégalomanie, sa statue en or massif trône dans la capitale Ashkhabat, montée sur un mécanisme permettant de l’orienter toujours en direction du soleil.

4- On blâme Niyazov pour avoir imposé le culte de sa personnalité et de sa famille. On lui reproche particulièrement son auto-proclamation de « turkmenbasy », autrement dit de « père du peuple Turkménistan ». Il a même rebaptisé le mois de janvier par son nom et le mois d’avril par celui de sa mère. Niyazov a fait ériger de multiples statues de différentes tailles à son effigie, en de nombreux endroits, certaines plaquées en or, d’autres en bronze massif. Comble de sa mégalomanie, sa statue en or massif trône dans la capitale Ashkhabat, montée sur un mécanisme permettant de l’orienter toujours en direction du soleil. Le visage de Niyazov se retrouve également sur les pièces et les billets du pays, sur les étiquettes des bouteilles de vodka, des boîtes de chocolat, de thé et sur d’innombrables affiches. Il a même rebaptisé la ville de Krasnovodov, sur les bords de la mer Caspienne, en Turkmenbasy.

N’y allons pas par quatre chemins, le PCV a fait la même chose, ou pire. En effet, qui est « le père du peuple » ? Qui a rayé le nom de Sài Gòn ? Qui est le plus souvent représenté sur les statues et les autels au Viêt Nam ? On blâme Niyazov pour avoir fait ériger une statue en or à Ashkhabat. Mais, au Viêt Nam, des dizaines d’enfants se sont noyés en mai 2003 à Nong Son, faute de pont pour aller à l’école. Le PCV avait préféré construire une statue en marbre de 150 tonnes au milieu de la plus grande place de la ville de Vinh. À titre de justification, le PCV a expliqué que « le peuple de Nghe An [la région natale de Ho – NDT] attendait cette statue depuis de longues années ». Niyazov disait lui aussi, lorsqu’on le questionnait à propos des statues le représentant : « Je ne le voulais pas mais c’était la volonté de mon peuple ».

* * *

Aucun vietnamien, sans doute, ne se réjouit de toutes ces misérables similitudes, mais la plupart des vietnamiens souhaitent au régime un sort comparable à celui de « turkmenbasy », mort subitement, à 66 ans. Puisse le régime vietnamien s’en inspirer, à l’approche de ses 66 ans !

Écrit depuis le Krasnovodov vietnamien
Phan Kien Quoc
28/12/2006

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