Déclaration d’Effy Nguyen Trung Trong Nghia Au 10ème Sommet de Genève pour les droits de l’homme et la démocratie

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20 février 2018

Mesdames et Messieurs,

Merci de m’avoir donné l’opportunité de partager mon histoire. Mon nom est Nguyen Trung Trong Nghia, un ressortissant vietnamien. Et je suis ici aujourd’hui pour vous parler d’une histoire sur les persécutions que subissent les chefs religieux, les défenseurs des droits de l’homme et, en général, toute la société civile indépendante au Vietnam. C’est l’histoire de l’homme le plus courageux que j’ai jamais connu.

C’est un membre important de la communauté chrétienne, militant des droits de l’homme et c’est surtout mon père. Eh bien, vous pouvez dire que je suis quelque peu partial à ce sujet, et vous aurez raison. Cependant, peut-être par ce que j’étais présent ce jour là où des centaines de personnes ont pris d’assaut notre maison durant la nuit et obligé mon père à se prosterner devant eux, puis de choisir entre renier sa foi ou faire face à une mort imminente ; il a alors répondu : « Je ne m’agenouillerai devant aucun homme, et je n’abandonnerai jamais ma foi en Dieu. » En 2006, quand son église était sous d’innombrables persécutions, faisant face à beaucoup de pressions et de menaces de mort, alors qu’il avait l’opportunité de s’exiler aux Etats-Unis, il y réfléchit un moment puis répondit : « Je ne peux pas abandonner ma foi et mes paroissiens en ce moment, si je pars qui le guiderait et le défendrait. »

En janvier 2011, mon père, le pasteur Nguyen Trung Ton, a été enlevé et emprisonné pendant deux ans. Les autorités vietnamiennes l’accusent de “propagande contre l’Etat” alors que tout ce qu’il fait c’est d’écrire des articles sur l’histoire nationale de la guerre du Vietnam et de faire entendre sa voix sur les violations des droits de l’homme commises par notre gouvernement. Pendant cette période sombre en prison, il était encore capable de nous donner de l’espoir à travers ces poèmes adressés à ma mère et qui disaient : « la lettre d’un homme dans une prison dictatoriale communiste, qui a envie de te voir à la lumière de la démocratie ».

À sa libération en 2013, mon père est rentré chez lui, a continué son travail sur les droits de l’homme et a bien sûr été persécuté à plusieurs reprises. La même année, il s’est associé à d’autres anciens prisonniers d’opinion tels que Nguyen Van Dai et Pham Van Troi pour former une organisation appelée « la Fraternité pour la démocratie ». Le but de l’organisation est de défendre la démocratie et les droits de l’homme au Vietnam au travers de l’éducation et d’actions pour renforcer la société civile.

Dans la soirée du 27 février 2017, mon père a été enlevé par un groupe de huit hommes alors qu’il se rendait à la paroisse de Con Se où de nombreuses victimes d’accaparement de terres appelaient son organisation à l’aide. Ce groupe d’hommes l’a jeté dans une fourgonnette, oté ses vêtements, recouvert sa tête et ils l’ont battu pendant plusieurs heures avec des barres de fer pendant qu’il était attaché. Finalement, après trois heures passées à battre mon père, ils l’ont jeté dans une jungle froide et reculée pour y mourir, nu, ligoté et brisé. Heureusement, avec l’aide d’une personne locale, mon père a pu s’échapper.

Il a survécu mais les dégâts étaient internes et sévères. Cinq mois après l’enlèvement, avec ses ligaments croisés sectionnés au niveau des deux genoux et sa lourde respiration troublée, mon père a éclaté en sanglot et m’a dit : « Ça fait mal, ça fait tellement mal, mon fils. » En fait, sa santé était dans un si mauvais état qu’il avait l’impression de mourir bientôt. Il m’a dit : « Fils, ne sois pas troublé si tu reviens et que tu ne me vois pas, continue notre combat pour la liberté du Vietnam. » Ce sont les derniers mots que mon père a prononcés avant son arrestation le 30 juillet 2017 sur des accusations de « tentative de renverser l’état. » Et c’était juste 5 mois après son enlèvement.

Alors que mon père est en prison sans aucun moyen de communiquer avec notre famille, la police a continué à harceler ma mère. Ignorant le fait que ma mère doive s’occuper d’une famille brisée avec ma grand-mère aveugle et deux de mes frères et soeurs mineurs, la police continue à la convoquer pour l’interroger. L’année dernière, ma soeur a été transportée à l’hôpital pour une transfusion sanguine urgente à cause d’une dépression psychologique causée par la pression sociale sur ma famille et la situation désastreuse de mon père. Heureusement, de bonnes personnes à travers le pays ont donné de l’argent pour aider ma mère à payer les frais d’hospitalisation. Cependant, la police l’a interrogée et menacée en disant qu’elle avait reçu de l’argent de terroristes. Ma mère a nié l’accusation scandaleuse qui a conduit les autorités à fermer son compte bancaire. Mais heureusement, grâce à beaucoup de pression sociale et internationale, ma mère a pu récupérer son compte en banque.

En prison, mon père n’a pas pu voir son avocat. Après 6 mois de détention, ma mère a enfin pu voir mon père. Tout le monde a éclaté en sanglots quand mon frère de 10 ans a commencé à pleurer parce qu’il revoyait son papa. Ma mère ne pouvait pas retenir ses larmes, pensant à tout ce que notre famille a traversé depuis 16 ans. Depuis, nous avons commencé à changer, depuis que nous avons commencé à défendre ce qui est juste, depuis que nous avons commencé à dire « ça suffit ». Notre pays doit être régi par la primauté du droit et non par la police, et les droits de l’homme doivent être la base d’une société humaine.

Chers collègues participants au Sommet de Genève,

Je vous exhorte à faire entendre votre voix en tant que défenseur des droits de l’homme. Veuillez exercer une pression sur les autorités vietnamiennes à travers chaque mécanisme international. L’Examen Périodique Universel des Nations Unies devrait soulever des cas comme celui-ci afin que le gouvernement vietnamien ne puisse plus mentir. Ils ne peuvent pas persécuter les patriotes et les défenseurs des droits de l’homme et espérés toujours être accueillis par la communauté internationale.

S’il vous plaît, sauvez mon père qui a épuisé son esprit et son corps pour la cause de la liberté et de la démocratie. S’il vous plaît, sauvez ma mère, la femme d’un prisonnier politique qui lutte pour subvenir aux besoins de sa famille. Ma famille n’est pas la seule à souffrir de cette situation. Il y a des centaines d’autres familles comme nous au Vietnam qui ont besoin de votre aide. Au sein de la Fraternité pour la démocratie seulement, au moins 13 personnes sont arbitrairement détenues, y compris Nguyen Van Dai, Pham Van Troi et Truong Minh Duc. D’autres activistes pacifiques, tels que Nguyen Van Oai, Hoang Duc Binh et Nguyen Van Hoa ont été injustement condamnés à la prison par des tribunaux fantoches au Vietnam.

Les enfants innocents sont privés de leurs parents, les parents âgés sont privés de leurs enfants, les maris et les femmes sont séparés pendant des années ; la rupture des familles et de la communauté a causé une d’innombrables injustices accompagnées d’énormes conséquences pour la société.

À ce sommet, je vois des hommes et des femmes avec beaucoup de courage et faisant preuve d’une compassion inébranlable. Et je prie pour que vous ne soyez jamais fatigués de vous battre. Parce que la lutte pour les droits de l’homme est un bon combat. Puissent les valeurs de la liberté illuminer le monde dans ce moment troublant ! C’est en ce moment même que nous qui sommes des êtres humains se doivent d’intervenir et de dire « le temps est écoulé ! » Les mensonges et les abus de l’autorité doivent cesser. Les droits de l’homme universels doivent être respectés, des hommes et des femmes dévoués qui défendent ces principes méritent d’être protégés.

Merci beaucoup.


#GS18

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