Des journalistes vietnamiens de premier plan arrêtés

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Vendredi, 16 Mai 2008

Par MARTHA ANN OVERLAND / Hanoi

C’est un cas classique où on tire sur le messager. Le 12 mai, les agents de sécurité du gouvernement se sont présentés aux locaux de deux des plus populaires journaux du Vietnam. Ils ont perquisitionné les bureaux et lorsqu’ils ont terminé, ils ont emmené deux journalistes vietnamiens de premier plan. Les deux étaient bien connus pour leur couverture sur un scandale de corruption et de détournement des fonds qui a fait chuter un secrétaire d’état du gouvernement et envoyé plusieurs personnes derrière les barreaux. Maintenant, Nguyen Van Hai et Nguyen Viet Chien sont eux-mêmes en prison, ironiquement sur les accusations semblables à celles déposées contre les fonctionnaires sur lesquels ils ont enquêté : « l’abus de pouvoir pour un enrichissement personnel. »

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Leurs confrères de ces journaux ont rapidement dénoncé ces arrestations. Dans un éditorial, le quotidien Thanh Nien (Jeunes) déclare que leur reporter, Chiên, est victime d’une chasse aux sorcières – un ton particulièrement combatif dans un pays communiste où la presse est contrôlée par l’État. Au cours d’année dernière, Chiên a été interrogé à plusieurs reprises par la police sur ses sources « qui ont déformé ses rapports », affirme le journal. « (Chien) n’était pas motivé par un motif ou un intérêt personnel », écrit l’éditorial. « Sa motivation était totalement pure ». Le journal Tuoi Tre (Jeunesse) dit qu’après l’arrestation de son journaliste, il a été assiégé par un nombre record d’appels téléphoniques et e-mails de lecteurs indignés.

Les allégations déposées contre les journalistes sont vagues. Mais le véritable crime qu’ils ont commis est d’avoir franchi la limite de ce que les médias du pays peuvent et ne peuvent pas rapporter, déclare Shawn Mc Hale, professeur d’Histoire et des Relations Internationales à l’Université George Washington, qui est actuellement au Vietnam pour la formation Fulbright-Hays. L’économie du Vietnam a connu une croissance rapide au cours des dernières années, au fur et à mesure que le gouvernement autoritaire adopte des réformes pour l’économie de marché. Des institutions comme la presse voudraient voir la même levée des contrôles et cherche à repousser de plus en plus les limites de la tolérance du gouvernement.

L’une des principales sources de friction entre la presse et la nomenklatura concerne les efforts de Hanoi pour déraciner la corruption parmi les fonctionnaires de tous niveaux du gouvernement. Le scandale a éclaté début 2006 avec l’arrestation de Bui Tien Dung, alors directeur de la PMU18, une division de l’état en charge de la construction des routes et des ponts, dont le budget annuel de 2 milliards de dollars est en grande partie financé par la Banque mondiale et le Japon. Dung et autres, ont été accusés d’avoir détourné des millions de dollars, dont la plupart a servi à parier sur des matches de football européen. Selon les enquêteurs du gouvernement, ils ont également dépensé l’argent pour se payer des prostituées et des voitures de luxe.

L’arrestation de Dung et les détails sensationnels de l’affaire – même le cabinet du Premier ministre a fait l’objet d’une enquête – ont fourni du pain quotidien à des journaux désireux de donner à leurs lecteurs quelque chose de plus croustillant que la fade propagande. Tout à coup, les journalistes ont campé devant la maison des personnes mises en examen, posant des questions non autorisées et écrivant des articles dont ils savaient qu’ils allaient embarrasser la bureaucratie.

Mais alors que la presse vietnamienne a bénéficié à la fin d’une plus grande liberté, « la question était de savoir jusqu’à quel niveau pouvait-elle aller ? » dit Mc Hale. Apparemment, pas très loin. Mécontent de la couverture médiatique du scandale, le Premier ministre Phan Van Khai a alors demandé en 2006 des poursuites contre les journaux qui sont « allés trop loin. » Et aujourd’hui, dans le récent acquittement du secrétaire d’état aux Transports, le plus haut fonctionnaire impliqué dans l’enquête sur la PMU18, beaucoup voient la main du pouvoir, ainsi que dans l’arrestation des deux journalistes qui ont écrit à son sujet.

Cela ne veut pas dire la presse est irréprochable. Plusieurs journalistes renommés ont soulevé des questions sur l’éthique et les standards des médias au Vietnam. Le journaliste Duc Huy, un vétéran du métier, a condamné l’arrestation de ses collègues, mais écrit aussi dans son blog, populaire, que la carrière d’au moins deux membres du Parti communiste a été cassée en raison des allégations non fondées soulevées par la presse dans leur couverture de la PMU18. « A l’époque, beaucoup d’informations imprimées dans les journaux ont été inventées, » affirme Duc, ajoutant que des journalistes ont déjà été utilisés par des sources du parti pour détruire leurs concurrents politiques. Duc accuse les journalistes de ne pas vérifier l’exactitude de leurs informations. Nguyen Van Phu, directeur de la rédaction du Saigon Times, de langue anglaise, indique : « Beaucoup de soi-disante histoires ont été écrites en se basant sur des informations divulgées aux journalistes à des buts précis. »

Les journaux des journalistes arrêtés exhortent les enquêteurs du gouvernement à chercher auprès de la police et des fonctionnaires qui ont fourni les fausses informations. Il est peu probable que cela se produise. Au mieux, ces arrestations encourageront les journalistes à « être plus prudents et de vérifier leurs sources avant d’en faire une exploitation adéquate », explique Phu du Saigon Times. Au pire, l’incident découragera la couverture médiatique des scandales de corruption dans l’avenir, ce qui n’aidera pas les dirigeants du Vietnam dans leur lutte contre ce fléau. Mc Hale appelle la corruption un « cancer » qui menace de ronger les gains économiques du pays. « Des milliards de dollars d’IDE (investissements directs étrangers) vont s’en aller » si le problème n’est pas attaqué et les fonctionnaires corrompus restent non inquiétés, dit Mc Hale. « Il y a un intérêt à ce que la presse puisse traiter ces questions. »

http://www.time.com/time/world/article/0,8599,1807113,00.html

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