Encore des arguments puérils

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Le vénérable Thich Quang Do s’adressant aux paysans plaignants le 17 juillet 2007.

Durant ces derniers jours, les médias (journaux, télévisions, sites Internet,…) officiels du Viêt Nam (sous la « direction » du Parti Communiste Vietnamien – PCV) ont publié de concert un ensemble d’articles critiquant et diffamant des personnes qui, par compassion, ont aidé les paysans dépossédés de leurs terres et qui manifestent actuellement à Sài Gòn et à Hà Nôi. Les médias s’en sont pris essentiellement à trois personnes : le vénérable Thich Quand Do – Recteur de l’Institut de Propagation du Bouddhisme de l’Église Bouddique Unifiée du Viêt Nam (EBUV, interdite par les autorités vietnamiennes), le vénérable Thich Khong Tanh – responsable des programmes humanitaires de l’EBUV et monsieur Nguyen Khac Toan. Le 1er a reçu le prix Rafto, du nom d’une organisation norvégienne pour la défense des droits de l’homme. Le 3ème a reçu le prix Hellman/Hammett de l’organisation américaine de défense des droits de l’homme Human Rights Watch.

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Les médias officiels comme Nhan Dan (Le Peuple), Quan Doi Nhan Dan (l’Armée du Peuple), An Ninh The Gioi (Sécurité Internationale), Lao Dong (le Travail), Tien Phong (l’Avant-gardiste), Le Courrier du Vietnam, l’Agence Vietnamienne d’Informations, ou encore la chaîne nationale VTV1 ont voulu faire passer les messages suivants :

1. Les paysans qui se plaignent ont été manipulés et incités à le faire par des personnes malveillantes.
2. Si les membres de l’EBUV aident les paysans plaignants, c’est pour servir des motifs « politiques. »
3. Monsieur Nguyen Khac Toan a un passé douteux et il agit par « opportunisme politique. »
4. Toutes les personnes qui aident les paysans plaignants cherchent à semer l’instabilité, le désordre, et sont « à la solde des forces ennemies à l’étranger », pour « nuire à la nation. »

Sur le 1er point, voici quelques citations :

« Le problème des prix fonciers, mesdames et messieurs les députés, est un des problèmes que l’État et le gouvernement considèrent comme difficile, complexe, et le gouvernement consacre énormément de temps à cette question. » (Discours du Premier ministre Nguyen Tan Dung le 31 mars 2007 devant le Parlement, source : Vietnamnet)

« J’insiste fortement sur les responsabilités des autorités locales et des organismes dépendant du gouvernement. Il faut une implication à tous les niveaux de l’État si on veut résoudre le problème des nombreux plaignants. » (Déclaration de l’Inspecteur en Chef du gouvernement Tran Van Truyen le 31 juillet 2007, source : Vietnamnet)

« Les gens déposent plainte mois après mois. Il y a les gens que j’ai reçu ce mois-ci, et que je reverrai le mois prochain ; je connais maintenant leurs visages. Beaucoup de paysans qui se plaignent me disent qu’en dépit des décisions du ministère de l’Environnement, les autorités locales ne bougent pas. Ils me remontent aussi les cas de compensations insatisfaisantes, voire parfois des situations où les autorités locales se montrent hautaines et arrogantes à l’égard des paysans. » […] « On a beaucoup dit que si une administration locale reçoit des plaintes et qu’elle se montre incapable de les résoudre, alors le président de cette administration doit en porter la responsabilité et en subir les éventuelles conséquences. Mais avons-nous déjà puni qui que ce soit dans ce genre d’affaires ? Personne n’a été inquiété alors que le nombre de plaignants ne cesse d’augmenter et leurs plaintes se font plus incisives. Cela veut dire que nous ne sommes pas encore assez rigoureux dans nos procédures. » […] « L’année dernière, nous avons effectué un petit bilan de notre gestion des plaintes ; il s’est avéré que 80% de ces plaintes étaient fondées. » (Déclaration du ministre de l’Environnement Mai Ai Truc le 26 juillet 2007, source : Vietnamnet)

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Ainsi, en se basant sur les déclarations de ceux qui sont actuellement au pouvoir, on peut aisément constater que l’affirmation selon laquelle les paysans plaignants sont manipulés par de « mauvais éléments » est totalement mensongère et qu’elle sert d’abord à masquer le problème bien réel de ces nombreux paysans. Si les plaignants sont de plus en plus nombreux, c’est la conséquence d’une mauvaise gouvernance, irresponsable et sans lendemain, de ceux qui détiennent actuellement le pouvoir.

Sur le 2nd point :

Le fait que les religieux aident les paysans plaignants et miséreux ne fait que démontrer leur sens civique, leur esprit de miséricorde et de générosité, conforme aux enseignements du Bouddhisme. Il n’est toutefois pas nécessaire d’appartenir à un ordre religieux pour s’émouvoir du sort de ces pauvres paysans, pour comprendre leur sentiment d’injustice. Aider ces pauvres gens est un devoir pour ceux qui veulent construire « une société pluraliste, multipartiste, vraiment représentative des 80 millions de Vietnamiens » (paroles du vénérable Thich Quang Do), pour ceux qui chérissent la liberté, qui recherchent le bien être général. C’est la vraie voie du bouddhisme. Pendant ce temps, les bouddhistes qui sont affiliés à l’Église de l’État passent leur temps à chanter les slogans du régime « Religion d’État, Peuple et Socialisme. » Au nom du respect de la liberté, on doit respecter ce choix. Mais il est évident qu’en choisissant de soutenir un idéal qui a été rejeté dans le reste du monde, alors ils tarderont à trouver la vraie voie de la sagesse du bouddhisme.

A propos du 3ème point :

Ces journaux ont fait preuve de partialité en mentionnant le passé judiciaire de Nguyen Khac Toan. Les journalistes ont omis de signaler qu’en 2003 devant la cour, Nguyen Khac Toan avait dû assurer seul sa défense et il avait réfuté toutes les accusations « d’espionnage. » Son procès n’était pas ouvert au public et de nombreuses ambassades occidentales avaient protesté contre le verdict de « la cour ». Il semble bien que les journalistes du régime aient cherché à « noyer le poisson » en présentant une seule facette de l’histoire.

En qualifiant Nguyen Khac Toan « d’opportuniste politique, » je ne sais pas si les journalistes voulaient dire que celui-ci sait saisir l’opportunité présente pour faire de la politique et aider véritablement le pays ? Si c’est bien de cela qu’il s’agit, alors ne devrions-nous pas tous soutenir Nguyen Khac Toan ? Mais si les journalistes croient que Nguyen Khac Toan profite de la politique pour servir ses intérêts personnels alors je pense que Nguyen Khac Toan se serait déjà rangé du côté de ceux qui sont actuellement au pouvoir car c’est exactement ce que font tous nos dirigeants.

Concernant le 4ème point :

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Accuser ceux qui aident les paysans plaignants de vouloir créer le désordre revient à diffamer, menacer, isoler ces personnes charitables et pousser un peu plus les paysans dans une voie sans issue. Il suffit d’écouter le vénérable Thich Quand Do lorsqu’il s’adresse aux paysans plaignants à Sài Gòn le 17 juillet dernier : « Je demande au gouvernement de résoudre équitablement les différends fonciers, qu’il ne laisse pas les gens continuer à vivre dans la difficulté. Et je vous demande [aux paysans plaignants] de ne pas laisser libre cours à votre colère et de risquer ainsi de commettre l’irréparable. »

N’importe quel état civilisé doit permettre à ses citoyens d’exprimer pacifiquement mais ouvertement leur mécontentement. Cela permet de révéler au grand jour d’éventuels dysfonctionnements de la société. Ceux qui aident pour que les manifestations de mécontentements se déroulent dans de bonnes conditions doivent être aidés et protégés. Les moyens matériels comme les téléphones portables, caméras ou banderoles sont les outils des manifestants, pourquoi devraient-ils être interdits ?

On peut se demander si les associations reconnues et autorisées par l’État fonctionnent véritablement car aucun membre de l’Association des Femmes, l’Association des Paysans, l’Association des Personnes Âgées, le Front Patriotique, … n’a daigné se montrer aux côtés des paysans plaignants durant les 27 jours où ceux-ci ont manifesté devant la représentation de l’Assemblée nationale. Ceux qui ont aidé des manifestants n’appartiennent à aucune des associations précitées. Ce sont eux qui oeuvrent bénévolement pour la naissance d’une société juste, équitable, ordonnée et pour le bien être général, pas une société avec des associations servant uniquement les intérêts du régime.

Actuellement, la politique extérieure du Viêt Nam cherche à établir « de bonnes relations avec tous les autres pays. » Depuis l’effondrement des pays communistes en Europe de l’Est, je n’ai pas vu une seule fois un journal officiel reprocher au Viêt Nam de se rapprocher des pays abritant des « éléments hostiles ». Mais lorsque les Vietnamiens du pays nouent des contacts avec ceux de l’étranger comme c’est le cas entre les paysans plaignants et certaines organisations d’outre-mer, les journaux crient à « la trahison, la collusion avec l’ennemi, etc. » Les médias officiels ne chercheraient-ils pas à instaurer une tradition qui consisterait à qualifier « d’ennemis » tous ceux qui pointent du doigt les travers de la société et « de trahison » ceux qui mettent en cause la responsabilité des dirigeants actuels ? Les actuels dirigeants communistes et ceux qui « croient » encore au socialisme auraient-ils oublié qu’il faut se tenir aux côtés des pauvres paysans car la majorité d’entre eux appartiennent réellement à la classe prolétarienne : sans biens ni argent. Ceux qui remplissent les pages des journaux officiels auraient-ils oublié que les Vietnamiens de l’étranger qui ont aidé les paysans plaignants sont des « compatriotes lointains » ? Qu’ils acceptent ou non le système politique actuel du Viêt Nam, ce qu’ils ont fait contribue au bien être de la population car ils sont venus en aide aux personnes les plus démunies, injustement écartées par la gestion de la société d’aujourd’hui.

Que l’Institut de Propagation du Bouddhisme de l’EBUV possède un budget pour « secourir les paysans plaignants » montre que lorsqu’une association ou un individu ne reçoit aucune aide de l’État, on peut parfois compter sur la bienveillance d’autres Vietnamiens. Les 300 millions de dongs (15 000 euros) que l’EBUV avait prévu de débloquer le 23 août pour aider les paysans plaignants est une somme conséquente pour un ménage. Mais cela reste une très petite somme au regard des immenses besoins des paysans. Et c’est bien peu comparé aux « pots de vins » reçus par de nombreux membres du parti communiste et utilisés comme « dépenses de loisirs ». Et pourtant les autorités ont empêché la distribution de ce don. Ainsi, les paysans plaignants savent bien qui sont ceux qui « trahissent » le pays.

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Dr Pham Hong Son

Quelques mots en conclusion :

Un régime peut recourir à la manière forte pour masquer une partie des mécontentements, pour masquer temporairement des injustices sociales, mais ce n’est pas une bonne solution pour pacifier la société. Un système médiatique contrôlé par le régime peut déformer la vérité, mais cela ne fait que discréditer ce régime aux yeux de la population. Les citoyens honnêtes qui se tiennent du côté des victimes d’une politique injuste doivent souvent faire face à de nombreuses difficultés, à des dangers. Mais derrière eux se trouvent la masse populaire et tous ceux qui chérissent la liberté et la justice.

Phạm Hồng Sơn
Hà Nôi – 30/08/2007

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