La mer de Chine aiguise les appétits

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6 octobre

La tension monte entre Hanoi et Pékin au sujet de l’arrestation et le placement en détention par la Chine de neuf pêcheurs vietnamiens. Ils sont accusés d’avoir pêché à l’explosif, ce que nie fermement le Vietnam. Cette affaire plutôt banale cache en fait un enjeu plus important : la souveraineté sur certaines parties de la mer de Chine méridionale, qui renferment de larges réserves d’hydrocarbures. Par ailleurs, une réunion des ministres de la Défense de l’ASEAN est prévue la semaine prochaine mais l’affaire pourrait envenimer les débats, alors que le Vietnam et la Chine sont loin d’être les seuls à lorgner sur la zone.

Hanoi a décidé de hausser le ton et a appelé à une libération inconditionnelle des neufs marins, appréhendés le 11 septembre dernier. La Chine, de son côté, réclame le paiement d’une amende par le capitaine du bateau, pour avoir pêché à l’aide d’explosifs. Chacune des deux diplomaties reste sur sa position et n’en démord pas. Car le problème est plus profond qu’en apparence et la région est, depuis quarante ans, l’objet d’une lutte entre les différents pays qui la bordent.

La mer de Chine méridionale s’étend sur plus de trois millions de kilomètres carrés et regroupe plus de 200 îlots et récifs. Deux groupes d’îles plus importants sont à noter : les îles Paracel, proches de la Chine, du Vietnam et de Taïwan et les îles Spratly situées plus au Sud vers les Philippines et la Malaisie. La zone est l’un des nœuds du commerce mondial, avec 50.000 bateaux qui s’y croisent chaque année, pour ravitailler entre autres les immenses ports de Singapour et de Hong Kong. En 2007, la Chine, dont 90% du commerce extérieur dépend du transport maritime, a officiellement considéré cette région d’« intérêt vital » pour le pays, au même titre que le Tibet ou Taiwan.

Mais la Mer de Chine n’a pas un avantage purement géographique. Dès 1968, des études démontrent la présence d’hydrocarbures en grande quantité (17 milliards de tonnes, plus que le Koweït), et déclenchent ainsi une rivalité entre toutes les puissances déjà citées, avec en sus Singapour, Bruneï, l’Indonésie. Des épisodes guerriers ont éclaté tout au long des années 70 et 80 entre les différents Etats. La Chine et le Vietnam furent les principaux acteurs de ces conflits, puisqu’à la course au pétrole s’ajoutait la lutte idéologique entre un Vietnam soutenu par l’URSS et la Chine brouillée avec son ancien ami soviétique. Suite à ces opérations militaires, la Chine occupe désormais la quasi-totalité des îles Paracel et le Vietnam une partie des îles Spratly, ainsi que les Philippines, la Malaisie et Taiwan. Seul Brunei n’a pris pied sur aucune île. Plusieurs tentatives d’apaisement (en 1991 et en 2002) à l’initiative de Pékin proposaient une coopération dans l’exploitation des ressources. Mais en réalité, le géant asiatique intègre petit à petit à son territoire les îles qu’il occupe, le plus souvent au dépend du Vietnam.

Il faut en effet noter un changement stratégique important du côté chinois. Alors qu’elle a longtemps délaissé sa marine, la Chine a décidé en 2006 d’en faire une priorité. Un développement quantitatif et qualitatif devrait lui permettre une « défense active » plutôt qu’une « défense côtière ». Les objectifs sont principalement l’isolement de Taiwan, le reflux de l’influence japonaise et la protection des îles Paracel. Certains analystes estiment que la Chine pourrait disposer de la plus puissante marine d’Asie du Sud Est en 2025, si les Américains n’interviennent pas. Car effectivement, les Etats-Unis observent d’un œil inquiet la progressive implication de Pékin en mer de Chine méridionale. Une collaboration est d’ailleurs en train de se mettre en place avec l’ennemi d’hier, le Vietnam. Récemment, une réunion bilatérale a eu lieu à bord de l’USS George Washington, un porte-avion nucléaire, au large des côtes vietnamiennes, ce qui a été perçu comme un signal fort en direction de l’Etat chinois. L’amiral Robert F. Willard, à la tête de la flotte du Pacifique, a également déclaré en août dernier que les Etats-Unis s’opposeraient à l’usage de la force pour le règlement d’un conflit en Mer de Chine.

La brouille sino-vietnamienne est donc loin d’être terminée. Mais l’affaire des neuf pêcheurs arrive au mauvais moment : les ministres de la Défense des pays de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN) doivent se réunir à Hanoi dans quelques jours, avec ceux de la Chine, du Japon et des Etats-Unis également. Malgré une perspective de rapprochement entre Pékin et Washington, après le gel de la coopération militaire en janvier suite à des ventes d’armes à Taiwan, les débats seront probablement empoisonnés par cette histoire et les avancées diplomatiques pourraient en être amoindries.

Source : Affaires Stratégiques

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