La revanche des médias non officiels au Vietnam

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Les manifestations des étudiants pour protester contre la décision chinoise de créer une nouvelle entité administrative sur les archipels Paracel et Spratly, entérinant de fait leurs annexions par la force en 1974 (Paracel) et 1988 (Spratly), ainsi que les veillées des catholiques pour réclamer la restitution de l’ancienne ambassade du Vatican sont marquées par un développement sans précédent des médias non officiels au Vietnam.

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Depuis deux mois, les médias officiels ont totalement ignoré les manifestations des catholiques et les protestations des étudiants. Mais les informations sur ces deux événements circulent massivement sur Internet.

Les 600 journaux et magazines officiels (appartenant à l’état) ont tous gardé un silence assourdissant devant ces deux événements qui a pourtant mobilisé des milliers de vietnamiens. Malgré ce black-out des médias officiels, les informations sur les manifestations des étudiants vietnamiens pour défendre l’intégrité territoriale et celles sur les catholiques de Hanoi pour la restitution des biens de l’Eglise sont actualisées plusieurs fois par jour sur Internet, captivant l’attention du public vietnamien.

De nombreux observateurs s’accordent à dire que les manifestations estudiantines n’auraient pas eu lieu s’il n’y avait pas Yahoo 360 et Gmail au Viet Nam. Cela montre le rôle important des bloggers dans la diffusion de l’information, mais aussi dans « l’influence de l’opinion » autour de ces manifestations.

De même, les veillées de prière n’auraient sans doute pas duré aussi longtemps et avec une telle ampleur si VietCatholic (une agence d’information catholique basée en Californie, non autorisée par le gouvernement vietnamien à exercer au Vietnam) ne relayait pas les informations en continu sur son site.

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Les médias non officiels ont donc joué un rôle déterminant pour les organisateurs des manifestations en leur permettant de communiquer sur les lieux de rassemblements, les préparatifs à apporter, etc. Il y a quelques années, ces informations ô combien sensibles dans un état communiste n’auraient certainement pas pu être diffusées largement. Pourquoi ?

Un espace de communication public est un lieu d’échanges où s’expriment différents points de vues. Cela comprend des moyens de communication publics ou privés comme les journaux, radios, télévisions, mais aussi les forums, les colloques, les rencontres publiques, etc. Sous une dictature, ces espaces de communication sont fermement verrouillés par l’état pour étouffer toutes les voix dissidentes.

Et pourtant, depuis une décennie, une révolution technologique a permis la restauration de cet espace de communication : Internet. Lorsque tous les moyens de communication de masse sont strictement contrôlés par l’état, il ne reste plus que les médias non officiels pour diffuser les informations « sensibles » aux yeux du régime. Les blogs, les sites internet, les forums de discussions en ligne sont en train de surclasser les journaux, radios et télévisions publiques.

Le fort développement de ces outils modernes de communications a contribué favorablement à la croissance des discussions politiques, économiques et sociales. Tous ces sujets qui étaient tabous au Viet Nam et dont seuls les médias officiels étaient autorisés à les traiter.

« Officieux » plus fort qu’ « officiel »

Les médias officieux ont remporté une victoire remarquable face aux médias officiels durant les deux événements cités plus hauts.

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En effet, alors que les médias officiels ne faisaient aucun écho des manifestations des jeunes et des étudiants vietnamiens, les gens pouvaient suivre ces protestations jour après jour sur les blogs, avec des images, des photos, des commentaires des bloggers. De même, les vietnamiens de tous horizons ont pu suivre quotidiennement les veillées de prières devant l’ancienne Nonciature Apostolique de Hanoi. Les courriers échangés entre les autorités et les manifestants sont mis en ligne quelques heures après leur envoi ou réception.

Une personne qui ne suit que les informations diffusées sur les médias officiels n’a aucune chance de savoir que depuis plus d’un mois, tous les jours, des centaines, voire des milliers de personnes manifestent par la prière en plein centre de Hanoi pour demander la restitution d’un bâtiment de l’Eglise.

Les médias sont censés informer le public. Mais ils peuvent aussi influencer les opinions s’ils parlent d’une même voix. Si le Parti Communiste Vietnamien n’autorise pas l’existence de médias privés, c’est bien parce qu’il veut contrôler l’opinion publique.

Auparavant, lorsque les sources d’informations étaient rares, les gens ne pouvaient accéder qu’aux informations diffusées par les autorités vietnamiennes, sans concurrence, sans voix discordante. A cette époque, la propagande communiste fonctionne à merveille, comme les informations publiées autour des plaintes des victimes de l’agent orange, du journal intime de Dang Thuy Tram, etc.

Aujourd’hui, le vent a tourné. Les événements qui captent le plus l’attention de l’opinion sont fournis par des « reporters citoyens. » En effet, lassés de ne pas voir les informations relatives aux événements rassemblant des milliers de personnes dans la rue dans un pays où le mot manifestation reste encore un mot sensible, des bloggers indépendants ont pris l’initiative de raconter au public ce qu’ils ont vu et entendu.

Si les journalistes officiels ne prennent pas leur plume pour raconter ces événements, c’est bien parce qu’ils ont peur d’être suspendus par le gouvernement. Le cas de ce journaliste de VietNamNet (une agence d’information officielle vietnamienne) suspendu pour avoir publié un article sur les manifestations des étudiants. En fait, la rédaction de VietNamNet est également menacée dans cette affaire.

La plupart des journalistes ne veulent pas non plus écrire des articles allant dans le sens du gouvernement, mais totalement contraire à la vérité et s’alliant les foudres de l’opinion. Il reste cependant des journaux totalement affiliés au pouvoir comme Công An (Police), An Ninh The Gioi (Sécurité Internationale)… qui publient périodiquement des articles « conformes » au Parti (communiste) et totalement « contraire » aux aspirations du peuple.

Les médias de l’état subissent de plein fouet la concurrence des medias non officiels. C’est un signe encourageant pour que l’information au Vietnam soit plus diversifiée de jour en jour, avec des opinions variées et contradictoires.

Les atomes qui étaient isolés dans un espace de communication fermé sont en train de se rapprocher et de s’unir pour construire ensemble un réseau d’information présent dans tout le pays. L’image d’une communication libre, indépendante, plus rayonnante au Vietnam est en train de se dessiner.

Hoàng Xuân Ba
Sai Gon, le 27.01.2008


Traduction par le Viet Tan d’une tribune publiée sur le site internet de la BBC :

– Le blog “Club des Reporters Indépendants”

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