La vérité sur l’abrogation du décret 31/CP du 14 avril 1997

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Actuellement, le milieu juridique vietnamien et les personnes qui s’intéressent à la démocratie pour le Viêt Nam, et même certains dissidents, se félicitent de l’annonce de l’abrogation du décret 31/CP, annoncée par Vo Van Kiet le 14 avril 1997.

Le libellé complet du décret est « décret gouvernemental n° 31/CP du 14 avril 1997 sur la détention administrative ». Il a été appliqué à des personnes qui ont porté atteinte à la sécurité nationale, comme c’est spécifié dans le chapitre 1er du Code Pénal, mais « ne relevant pas du cadre des affaires criminelles » (chapitre 2). C’est l’argument législatif le plus efficace auquel recourt le régime vietnamien pour réprimer le mouvement démocratique à l’intérieur du pays. Il semblerait que ce soit l’unique fonction et raison d’être du décret 31/CP : réprimer les militants qui, en leur âme et conscience, luttent pacifiquement pour la démocratie et l’instauration d’un système politique pluraliste et moderne au Viêt Nam. Dans le passé comme aujourd’hui, les autorités vietnamiennes ont toujours accusé les dissidents d’avoir « menacé la sécurité nationale », ou bien de « chefs d’accusation » du genre : rébellion, propagande anti-révolutionnaire, abus de démocratie, atteinte à l’union nationale, atteinte à la dignité des dirigeants, etc. afin de pouvoir les réprimer ouvertement, les arrêter, les interroger, les faire licencier par leurs employeurs, les assigner à résidence, etc. Or nous le savons tous, l’assignation à résidence est le moyen le plus utilisé par le pouvoir, de manière arbitraire, pour réprimer les dissidents.

L’assignation à résidence est considérée par les autorités comme une simple acte administratif. Cela veut dire : même sans instruction ouverte, sans charges valables, le gouvernement peut décider d’assigner à résidence des personnes de 6 mois à 2 ans (article 1er), en leur faisant porter le chapeau de l’ « atteinte à la sécurité nationale ». Le plus terrible et le plus obscur dans le décret 31/CP concerne le passage « ne relevant pas des affaires criminelles ». Le gouvernement n’en précise pas la limite et se laisse volontairement une très large marge de manœuvre pour appliquer le décret à quiconque présentant une menace pour le régime. C’est pour cette raison que ce décret a été souvent utilisé pour réduire au silence certaines personnes sans avoir à se justifier, sans avoir à subir la publicité négative des procès expéditifs et à sens unique !

C’est à cause de ce décret que beaucoup de personnes, militants pacifiques pour la démocratie, se sont retrouvés en prison chez eux durant ces dernières années. Lorsqu’elle se retrouve dans cette situation, la victime, pour quitter son domicile, est obligée de demander une permission, en présentant « des raisons valables », afin que les autorités délivrent ou non une permission écrite (article 17). Ce décret stipule beaucoup d’obligations auxquelles l’assigné à résidence doit se plier. Mais il n’y a rien concernant les devoirs et obligations des autorités. Celles-ci sont libres d’accorder ou non la permission de sortie, de manière totalement arbitraire. L’esprit de ce décret est donc de servir à discrétion les intérêts du régime en place et non pas de protéger les citoyens contre une quelconque menace.

Les lecteurs peuvent s’étonner du titre de l’article et de son contenu car, jusqu’à présent, nous n’avons fait qu’analyser le décret 31/CP.

Alors venons-en au décret 22/NQ-CP, promulgué le 5 septembre dernier, qui a fait beaucoup couler d’encre, à l’intérieur du Viêt Nam comme à l’étranger, à cause de son article 5 :

« 5. Le gouvernement a lu le rapport du ministre de la justice proposant l’abrogation du décret 31/CP du 14 avril 1997 sur la détention administrative.

Le gouvernement à l’unanimité, dans le but de construire un état de droit pour la République Socialiste du Viêt Nam, d’intégrer la communauté internationale et de réformer la législation, juge cette abrogation nécessaire. Le gouvernement délègue au ministre de la justice qui, au nom du premier ministre, mènera cette opération dans les règles et en rendra compte au bureau exécutif du gouvernement. Le Parlement ratifiera l’abrogation, en totalité ou partiellement, des mesures relatives à la détention administrative présentes dans le décret 31/CP. »

A l’évidence, le régime communiste vietnamien a fait un pas pour éviter que ne se renouvellent les erreurs commises par lui-même dans le passé. Ainsi l’article 5 exprime la volonté de « construire un état de droit pour la République Socialiste du Viêt Nam, d’intégrer la communauté internationale, et de réformer la législation » et le gouvernement juge nécessaire l’abrogation du décret 31/CP. »

Mais est-ce vraiment son souhait ?


La réponse est négative parce que l’abrogation du décret 31/CP ne revêt pas l’importance dont le gouvernement vietnamien prétend le parer pour tromper l’opinion publique, parce que depuis longtemps ce décret n’est plus appliqué, depuis le 1er octobre 2002 exactement, date de mise en application de l’ordonnance sur le règlement de la violation administrative 2002.

Nous savons tous la force d’une ordonnance, qui vient juste après celle de la constitution et de la loi. Si plusieurs textes juridiques traitent la même question, le plus récent prime sur les autres. Par conséquent, l’ordonnance sur le règlement de la violation administrative prime sur le décret 31. L’ennui c’est que toutes les stipulations sur la détention administrative du décret 31 ont été reprises habilement et plus vicieusement dans l’ordonnance 2002 où elles conservent l’esprit du décret 31 avec ces articles :

- Article 6, clause 2 : La « cible pour l’application de l’autre règlement administratif est énoncée dans les articles 23, 24, 25, 26 et 27 de cette ordonnance. »

- L’article 22 stipulait que le règlement administratif consistait entre autres à : remettre à l’éducation locale, au service correctionnel obligatoire, à l’établissement éducatif obligatoire et transférer au service médical et à la détention administrative.

- L’article 27 attribuait au Comité du Peuple, au niveau provincial, « la responsabilité de juger un individu qui avait attenté à la sécurité nationale sans toutefois être passible de poursuites criminelles. La durée de détention prévue va de 6 mois à de 2 ans. »

L’intégration astucieuse du décret 31 dans l’ordonnance en accroît la force. Les méthodes de remise au service éducatif (article 25) et de remise au service médical (article 26) ont été également incorporées à cette ordonnance avec un large éventail de modalités d’exécution. Ces deux méthodes d’oppression sont employées couramment par le régime à l’encontre des militants pour la démocratie parce que, sous couvert d’éducation, en vérité on emprisonne. La rééducation pourrait servir dans le cas d’un criminel mais, sous le prétexte grotesque de rééduquer, le gouvernement opprime le dissident. La remise au service médical, telle que stipulée par l’ordonnance, vise les toxicomanes et les prostituées (article 25, clause 2) ; en fait, le gouvernement vietnamien s’attaque aux dissidents, leur attribuant de prétendus troubles mentaux et les enfermant en hôpital psychiatrique.

Par conséquent, si le pouvoir vietnamien déclare qu’il « estimait nécessaire d’abroger le décret 31/CP de détention administrative » alors ils doit enlever toutes les stipulations sur la détention administrative, et non pas se limiter à un décret qui était déjà tombé en désuétude. Le régime communiste vietnamien s’est donc contenté de supprimer le décret 31 une seconde fois et sa véritable intention est manifeste. Actuellement, l’ordonnance sur le règlement de la violation administrative, le décret 38/CP publié le 18 mars 2005 sur la réunion de citoyens et le décret 56/CP sur la culture et la communication publié le 6 juin 2006, sont bien plus habiles et bien plus redoutables pour opprimer les militants pro-démocratie qui contestent courageusement le régime, responsable notamment de la mauvaise situation sociale. La méthode de détention, sous l’euphémisme de « résidence surveillée », reste en vigueur d’après l’ordonnance sur le règlement de la violation administrative 2002.

En 1991 le congrès communiste vietnamien avait enlevé le « décret de la Rééducation Concentrée », un décret qui avait duré 3 ans (jusqu’en 1991, ceux qui avaient été condamnés 5 fois consécutives avaient subi 15 ans de prison sans interruption). Mais avec l’ordonnance 2002, le régime a reconstitué ce décret en « remettant au service d’éducation de 6 mois à 2 ans, avec possibilité arbitraire de prolongation. »

Par conséquent, tous les combattants pour la démocratie et l’opinion publique doivent être entièrement et correctement informés sur la tactique du régime communiste vietnamien.

Hà Nôi, 11-11-2006
Lê Thị Công Nhân, Avocate

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