Le Vietnam reste un ennemi d’internet

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12 mars 2012

Avec à l’esprit les révoltes arabes, les autorités vietnamiennes, paranoïaques, ont accru la répression et le contrôle pour parer à toute déstabilisation du régime. Comme le montrent les protestations anti-chinoises de l’été 2011, d’abord tolérées, puis rapidement réprimées par crainte d’un glissement des revendications des manifestants, la surveillance et les arrestations à la chaîne ont été privilégiées au renforcement du filtrage.

Le nombre exponentiel de Vietnamiens qui accèdent à Internet a de quoi inquiéter les autorités, conscientes qu’elles perdent le contrôle du Net. Les cybercafés sont bondés, les smartphones très en vogue. Plus de 111 millions de téléphones portables sont répertoriés dans le pays alors que la population totale s’élève à 86 millions de personnes.

Les net-citoyens brisent le mur de la censure

Les journalistes citoyens ont continué d’occuper la place laissée vacante par les médias officiels, soumis à une lourde censure. Traiter de l’exploitation des mines de bauxite par la Chine et de son impact catastrophique sur l’environnement demeure dangereux. La région des Hauts Plateaux est de fait verrouillée. Les rares visiteurs ne peuvent y entrer avec caméras, smartphones ou appareils photos. Le but est d’empêcher la diffusion d’images embarrassantes. Malgré tout, le site Bauxitevietnam.info parvient à obtenir des informations et tente, tant bien que mal, de couvrir la situation sur place.

Autre sujet de prédilection pour les internautes : les violences policières. Un policier a été suspendu de ses fonctions après la diffusion, sur YouTube, d’une vidéo le montrant en train de malmener un manifestant. Les autorités avaient initialement nié les faits. La preuve concrète fournie par cette vidéo les a contraintes à agir.

Le régime a appris à tolérer, voire à instrumentaliser, les mouvements de mobilisation en ligne tant qu’ils servent ses intérêts. Des appels à manifester contre la présence de la Chine dans le sud du Viêt-nam (territoires contestés des îles Paracels et Spatleys) ont circulé pendant plusieurs semaines, à partir de juin 2011, sur Facebook, et se sont soldés par des rassemblements publics. D’abord tolérés, ces mouvements de protestation contre “la violation de la souveraineté maritime du Viêt-nam par la Chine”, qui ont réuni plusieurs centaines de personnes à Hanoï et plusieurs milliers à Saïgon, ont ensuite été encadrés puis réprimés.

Le filtrage demeure sévère (lire le chapitre Viêt-nam du rapport 2011 sur les Ennemis d’Internet) mais n’a pas été drastiquement renforcé. Le niveau des cyberattaques contre les sites sensibles semble s’être maintenu. Le gouvernement privilégie davantage la surveillance que le blocage. Facebook continue d’être inaccessible par intermittence, mais n’est pas bloqué en permanence pour ses deux millions d’utilisateurs. C’est aussi pour les autorités un moyen de suivre les activités des internautes et de reconstituer leurs réseaux.

Face à la menace que constitue le caractère collaboratif du Web pour les censeurs, le régime avait décidé de reprendre la main sur les réseaux sociaux en lançant son Facebook national, en mai 2010. Il requiert, pour toute ouverture de compte, une identification des utilisateurs par leurs véritables noms, ainsi que le numéro de leur carte d’identité. Le ministre de l’Information et de la Communication, Le Doan Hop, a, selon The Wall Street Journal, exhorté sur son blog les jeunes Vietnamiens à visiter le site à la recherche de “culture” et de “valeurs”. Son objectif ? Plus de 40 millions de membres, soit près de la moitié de la population, d’ici 2015. Pour ce faire, le réseau table notamment sur la mise à disposition en ligne de jeux vidéos populaires auprès des internautes. A la mi 2011, le nombre d’inscrits tournait autour de trois millions.

Les vagues d’arrestations de blogueurs, net-citoyens et journalistes se succèdent depuis quelques années au Viêt-nam, mais en 2011, la répression est encore montée d’un cran. Signe révélateur de l’intransigeance des autorités, sur les quelque 10 000 détenus amnistiés à l’approche du 66ème anniversaire de la proclamation de l’indépendance, le 2 septembre 2011, on compte une poignée de prisonniers politiques seulement. Le blogueurs Nguyen Van Tinh et le poète Tran Duc Thach, condamnés respectivement à trois ans et demi et trois ans de prison en 2009 pour “propagande contre l’Etat”, ont certes été libérés mais ces rares bonnes nouvelles cachent une triste réalité : les arrestations de net-citoyens se sont multipliées ces derniers mois faisant du pays la deuxième prison du monde pour les net-citoyens après la Chine.

Plusieurs blogueurs et militants liés aux réseaux catholiques vietnamiens ont été pris dans un coup de filet des autorités entre fin juillet et mi-août 2011. Le blogueur Paulus Lê Son a été arrêté le 3 août 2011, à Hanoï, dans le cadre d’un véritable “kidnapping policier”. Tout laisse à penser que son arrestation est en lien avec sa tentative de couvrir le procès du célèbre net-citoyen Cu Huy Ha Vu. Le père Nguyen Van Ly a été renvoyé derrière les barreaux malgré son âge et son état de santé inquiétant. Le blogueur Lu Van Bay a été condamné en septembre 2011 à quatre ans de prison. Deux net-citoyens, Ho Thi Bich Khuong et le pasteur Nguyen Trung Ton, ont été condamnés respectivement à trois et deux ans d’assignation à résidence pour avoir dénoncé la corruption au sein du parti. Trois militants du droit à la terre, Nguyen Ngoc Cuong, son fils et sa belle-fille, ont été condamnés à sept ans de prison pour propagande anti-gouvernementale en ligne.

L’annonce de la possible expulsion de l’avocat Le Cong Dinh vers les Etats-Unis n’a pour le moment pas été suivie d’effet. Le blogueur franco-vietnamien Pham Minh Hoang est certes sorti de prison au terme d’une peine de 17 mois, mais il demeure assigné à résidence pour trois ans.

Les proches du blogueur Dieu Cay sont sans nouvelles de lui depuis des mois. Les rumeurs les plus folles ont circulé. Fondées ou non, les inquiétudes sur son sort et sa santé restent légitimes tant que les autorités continuent de refuser à sa famille tout droit de visite.

La priorité du gouvernement est son maintien au pouvoir. Quitte à ternir l’image du pays. Les leviers internationaux s’amenuisent, à l’exception de la Chine qui semble resserrer son étau, mais dont les relations avec le Viêt-nam demeurent ambivalentes. Le Congrès américain pourrait jouer un rôle de premier plan dans la protection des libertés. Les parlementaires examinent, début 2012, une proposition de loi qui conditionnerait une partie de son aide financière, non liée à des projets “humanitaires”, ainsi que la coopération militaire entre les deux pays, à une amélioration de la situation des droits de l’homme, en particulier les libertés d’expression et de religion. L’agence américaine pour le développement (USAID) avait versé 134 millions de dollars au Viêt-nam en 2010.

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