Les militants pour la démocratie au Viêt Nam entrevoient une ouverture

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Alors que la visite de Bush approche, le camp démocratique gagne du terrain, signe que la poigne de fer du régime se desserre.

Par John M. Glionna
Correspondant de Times

12 novembre 2006

SÀI GÒN, VIÊT NAM – Tran Ngoc Ha est assis sur un petit tabouret en plastique bleu dans un bois à une quinzaine de kilomètres en dehors de la ville bruyante. Dans son combat pour amener le changement politique dans sa patrie communiste fermement contrôlée, il sait que c’est le seul endroit assez sûr pour parler librement.

Pour semer les agents du gouvernement omniprésents, l’éditeur d’un journal clandestin avait insisté pour qu’un journaliste occidental voyage quatre heures sur un itinéraire détourné – commençant à 4 heures du matin, allant de taxi en moto, échangeant des paroles codées le long du chemin (« voulez-vous du café ? » « Non, je préfèrerais aller pécher »).

Parlant doucement et gardant un oeil vigilant, il dit que les résistants clandestins voient finalement l’espoir parmi les ténèbres : Plusieurs partis politiques se sont récemment formés au Viêt Nam sans chercher l’approbation du gouvernement – un signe sûr, dit-il, que les communistes perdent lentement leur contrôle de fer sur la pensée et la culture vietnamiennes.

« C’est une percée » dit Ha, qui ne tient pas à être découvert par le gouvernement et insiste pour employer un pseudonyme. « Une déclaration groupée a rassemblé 118 signatures de l’intérieur du Viet Nam, de braves personnes ont donné leurs noms et adresses. Jusqu’à l’année dernière, elles auraient été emprisonnées ou assassinées. »

Pendant des années, Ha et d’autres agitateurs ont poussé pour faire respecter les droits de l’homme et pour l’instauration d’un système multipartiste dans l’un des derniers états communistes restants au monde. Travaillant au sein de petites cellules comme leurs ancêtres l’ont fait dans le passé pour vaincre Français et Américains, ils font la chronique des injustices du parti communiste – telle que la corruption, le détournement des fonds et les expropriations de terres – et recrutent de nouveaux membres.

Maintenant, les militants vietnamiens pour la démocratie aperçoivent des opportunités sans précédents pour faire la lumière sur leur situation difficile – et pour porter leur combat clandestin dans les rues. Cette semaine, le Président Bush et d’autres chefs d’états se rendront au Viêt Nam pour participer au sommet annuel de la Coopération Économique en Asie-Pacifique (APEC), à Hà Nôi. Ce rassemblement au sommet va avoir lieu pendant que le Congrès des États-Unis examinera la levée des restrictions commerciales contre l’ancien ennemi, dont certaines datent de la guerre du Viêt Nam, et alors que le pays vient d’intégrer l’Organisation Mondiale du Commerce.

« Durant ces 10 derniers mois seulement, la situation au Viêt Nam a changé plus que dans les dix dernières années » a déclaré Diem Do, le Président de Viet Tan – Parti Révolutionnaire pour la Réforme du Viêt Nam. « Sortant de la clandestinité, de nouveaux groupes pro démocratiques sont nés pour défier le pouvoir monopolistique du gouvernement. »

Les dissidents savent que leur fenêtre d’éclaircie peut être courte. Inquiets de cette publicité négative, les agents du gouvernement ont levé le pied sur les harcèlements à l’encontre des militants. Et trois citoyens américains d’origine vietnamienne qui étaient accusés de comploter des actions violentes contre le gouvernement de Hà Nôi ont été condamnés à des peines légères la semaine dernière et expulsés du pays. Mais tout le monde se demande à quelle vitesse la répression reviendra, disent les dissidents.

Tout en sirotant nerveusement un café dans un hall d’hôtel de la ville autrefois connue sous le nom de Sài Gòn, le dissident Do Nam Hai appelle la communauté internationale à agir.

« L’ouverture économique et commerciale doit aller de pair avec les droits de l’homme et la démocratie, » dit-il. « Si le monde acceptait l’une sans demander les autres, ce serait une défaite douloureuse pour le peuple Vietnamien. »

Les organisations de défense des droits de l’homme ont demandé aux États-Unis d’adopter une position plus ferme avec le Viêt Nam concernant son traitement des dissidents, et quelques membres du Congrès ont essayé de bloquer le commerce bilatéral. Ces organisations disent que des centaines de prisonniers politiques sont détenues au Viêt Nam, qui nie que des dissidents soient emprisonnés, prétendant que seuls ceux qui ont enfreint la loi seraient poursuivis.

Cédant à la pression internationale, le Viêt Nam a annoncé le mois dernier qu’il supprimait une loi vieille d’une décennie qui permettait au gouvernement de détenir des personnes pendant deux années sans procès, au nom de la protection de la sécurité nationale.

Beaucoup disent que ce n’est pas suffisant.

Le député démocrate de San José Zoe Lofgren a envoyé à une lettre à Bush le mois dernier lui demandant de promouvoir les efforts des militants des droits de l’homme à l’intérieur du Viêt Nam pendant son prochain voyage pour le sommet de l’APEC. Elle a insisté sur le fait qu’en dépit d’une pression toujours plus forte, Hà Nôi « a obstinément refusé d’améliorer substantiellement la situation des droits de l’homme au Viêt Nam. »

En 2004, le Département d’État a pour la première fois classé le Viêt Nam parmi les « pays préoccupants, » sur la base des violations des libertés religieuses et des droits de l’homme.

« Au Viêt Nam aujourd’hui, il n’est pas permis de parler de choses aussi fondamentales que les droits de l’homme et la démocratie, » dit Sara Colm, un chercheur senior à l’organisation Human Rights Watch. « Ce sont de tels mots qui ont envoyé des personnes en prison. »

La police a fait des descentes dans les cybercafés à partir desquels les opposants publiaient clandestinement des essais. En septembre, le gouvernement a libéré un dissident qui avait passé plus de quatre ans en prison. Son crime : avoir traduit des articles du site web du Département d’État pour un journal en ligne. Les articles s’intitulaient « Qu’est-ce que la démocratie ? »

Mais les dissidents réclament de nouvelles victoires dans leur bataille pour la démocratie.

Chaque jour, de plus en plus de Vietnamiens risquent une arrestation en fréquentant des cybercafés pour exprimer leurs idées, indique Ha durant notre entretien dans les bois. Les « gens ne croient plus en la doctrine marxiste, » ajoute-t-il. « La mainmise du parti communiste décroît. »

Cependant, il sait que le mouvement pro-democratique a encore beaucoup de chemin à parcourir. Le gouvernement contrôle 600 journaux et une centaine de radios et chaînes de télévision sur tout le territoire vietnamien. Les militants n’en possèdent que deux. Mais d’autres sont en cours de lancement. Et leurs collaborateurs tentent de s’unir afin d’empêcher que les fonctionnaires ne les harcelent.

« Il y a 3 millions d’utilisateurs d’Internet au Viêt Nam, » explique Ha. « Mais seulement 10% d’entre eux possèdent un ordinateur à la maison. Le gouvernement a déclaré la guerre aux cybercafés d’Internet, aussi nous devons continuer à travailler pour obtenir notre liberté de parole. »

La bataille est loin d’être gagnée.

En février, Hai et un autre dissident étaient dans un cybercafé à Hà Nôi quand 10 agents ont fait irruption dans la boutique. Ils l’ont interrogé pendant cinq heures, l’accusant d’ « avoir menacé la sécurité de l’état et d’avoir envoyé des documents portant atteinte à la République du Viêt Nam. »

Depuis, sa ligne téléphonique a été coupée trois fois et il a été amené au siège de la police un nombre incalculable de fois pour interrogatoire. A cause de la pression policière, il a été licencié en tant qu’ingénieur d’affaires pour une banque. Après que la police eut découvert qu’il avait retrouvé du travail dans une compagnie d’assurance, il a perdu cette place également. « Quand je vais aux cybercafés, ils sont toujours là, » explique-t-il. « Ils se tiennent exactement derrière moi, regardant par-dessus mon épaule. »

La police a également fait pression sur ses parents, des membres âgés du parti communiste, leur disant que leur fils est un terroriste qui travaille pour faire chuter le gouvernement.

En octobre, après que Hai eut co-rédigé un manifeste pour davantage de démocratie au Viêt Nam, le harcèlement s’est accru, dit-il. Chaque jour durant des semaines, il a été obligé de se présenter au poste de police pour interrogatoire.

« C’était les mêmes questions, encore et encore, » déclare Hai. « Qui sont mes contacts ? Quels sont leurs noms ? Où peuvent-ils se trouver ? »

Récemment, Hai a fixé la limite : Un jour, il a refusé de se présenter. Depuis lors, il esquive les agents : « Rien ne m’est encore arrivé. Mais je sais qu’ils sont là, dehors. »

Le dissident Nguyen Chinh Ket sait lui aussi qu’il est surveillé.

Ket respirait difficilement et il s’est dépêché d’entrer dans le hall de l’hôtel, avant de s’effondrer dans une chaise, essuyant son front et regardant rapidement derrière lui.

« Je sais qu’ils sont derrière moi, » dit-il. « Ils me suivent toujours. »

Après avoir signé une lettre ouverte annonçant la création d’une alliance des mouvements pro-démocratiques et des partis politiques interdits, l’ancien professeur de sociologie et traducteur de livre a été récemment arrêté avec deux autres personnes dans un café. Il a dû supporter des séances quotidiennes d’interrogatoires.

La réponse du gouvernement à ses actions politiques lui avait déjà coûté son travail de professeur et traducteur. Maintenant les fonctionnaires ont assigné à domicile l’homme de 54 ans, confisquant ses deux ordinateurs et recopiant ses fichiers personnels. Depuis lors, ils l’accusent d’avoirs des idées prétendument subversives, du matin au soir.

Ma vie privée est brisée, dit-il, il ne me reste plus que le combat politique.

« Je suis une personne très normale et j’ai peur de la police, » dit Ket. « Mais ce qu’elle ne sait pas, c’est que leur persécution me pousse à continuer. Le but final de ce voyage est la liberté et la démocratie, pas simplement pour moi mais pour 84 millions de personnes au Viêt Nam. Cette pensée me permet de rester serein. »

« Je suis disposé à sacrifier ma vie pour cette fin très belle. »

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