Les Spratleys provoquent une escalade entre Pékin et Hanoï

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10 juin 2011

RFI – Par Stéphane Lagarde

Suite à des accrochages en mer de Chine entre des navires de pêche, militaires, ou de prospection pétrolière, les déclarations sont toujours plus vives entre Pékin et Hanoï. Elles s’accompagnent de piratage informatique entre sites internet chinois et vietnamiens. Le conflit pourrait prendre une tournure encore plus dramatique lundi prochain avec des exercices militaires vietnamiens en mer de Chine.

La tension est encore montée d’un cran ce vendredi 10 juin 2011 entre la Chine et le Vietnam. Pékin, par la voix du porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, somme Hanoï de mettre un terme à toute activité de nature à violer sa souveraineté territoriale en mer de Chine méridionale. En cause, le conflit territorial autour des îles Paracels et Spratleys revendiquées par les deux pays. Il y a quelques jours, un incident impliquant un bateau de pêche chinois et un navire d’exploration vietnamien a été considéré comme une « attaque préméditée » par Hanoï. Déclenchant à la fois une guerre des mots, mais aussi une cyber-guerre entre les deux pays.

Après les actes de « pirateries maritimes », c’est sur internet que la guerre se poursuit entre Vietnamiens et Chinois. Pirates contre pirates : des informations ainsi que des drapeaux chinois ont été laissés sur des sites vietnamiens dont celui du ministère des Affaires étrangères, affirme Hanoï. Les mêmes invectives, les mêmes drapeaux mais vietnamiens cette fois auraient été retrouvés sur des portails gouvernementaux de la Chine populaire, a rétorqué Pékin. Preuve que la cyber-guerre est devenue une arme de dissuasion comme une autre, preuve surtout que les deux rivaux communistes ne semblent pas disposés à baisser les bras.

Nœud dans les filets

Ce n’est pas la première fois que les « pêcheurs » chinois viennent malencontreusement heurter des navires étrangers. En septembre 2010, c’était avec un vaisseau des garde-côtes japonais, près de l’archipel Senkaku (pour les Japonais) Diaoyu (pour les Chinois). Jeudi matin 9 juin, l’incident s’est déroulé près des îles Spratleys / Nansha (pour les Chinois) où selon l’Agence Vietnamienne d’Information, un bateau de pêche chinois aurait « intentionnellement percuté » les câbles d’exploration d’un navire de PétroVietnam, à l’intérieur de la zone économique exclusive du Vietnam. L’incident était « prémédité et calculé avec soin », a dénoncé la porte-parole des Affaires étrangères Nguyen Phuong Nga.

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Selon Hanoï, le bateau d’exploration pétrolière Binh Minh 02 a été harcelé par 3 bâtiments chinois.
Reuters

Une version contestée par les autorités chinoises. Selon l’un des porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, la marine vietnamienne a chassé les pêcheurs chinois. Un filet de pêche s’est pris dans les câbles du navire d’exploration pétrolière qui croisait « illégalement » dans la zone et violait ainsi la souveraineté chinoise, indique Hong Lei cité par l’agence Chine Nouvelle. L’un des chalutiers chinois aurait été tiré pendant plus d’une heure, contraint pour se dégager de sectionner les filets.

Quelles que soient les versions avancées, quelles que soient les provocations de part et d’autre, comme pour Senkaku/Diaoyu en mer de Chine orientale, les intérêts stratégiques en mer de Chine méridionale recoupent des enjeux énergétiques. Le chapelet d’îlots des Spratleys est riche en hydrocarbures, comme le sont les îles Parcels revendiquées, elles aussi, par plusieurs pays outre la Chine et le Vietnam et notamment le Brunei, la Malaisie, Taiwan et les Philippines.

Guerre des mots

Les mers de Chine font-elles partie des « core interest (intérêts vitaux) » de Pékin, au même titre que le Tibet et Taiwan ? La nouvelle puissance économique chinoise va de paire avec une montée des ambitions sur les zones contestées, suscitant de l’inquiétude chez les pays voisins. Les escarmouches récentes entre marine des différents pays ont ainsi largement pimenté le sommet sur la Sécurité en Asie -aussi appelé Dialogue Shangri-la-, au début du mois à Singapour, sans parvenir à apaiser la guerre des mots déclenchée par un premier incident le 26 mai 2011. Selon Hanoï, trois bâtiments chinois appartenant à l’administration océanographique d’Etat ont harcelé le Binh Minh 02, un navire vietnamien d’exploration pétrolière appartenant à PetroVietnam. L’un des bâtiments chinois a coupé le câble de recherche du navire à 120 kilomètres des côtes du Vietnam.

Ces rivalités entre Chinois et Vietnamiens ne sont pas nouvelles. Dans les années 70, la Chine prend possession de l’archipel des Parcels contrôlé jusqu’alors par le Sud-Vietnam. Le ton monte encore d’un cran en 1988 quand la marine chinoise coule deux navires de transport vietnamien venus en soutien d’une opération vietnamienne sur les récifs Johnson, entraînant la suspension des relations entre les deux pays jusqu’en 1991. Une bataille qui ne concerne pas que le Vietnam. Selon le Daily Inquirer, Manille a recensé six incursions des navires chinois dans les eaux territoriales philippines ces quatre derniers mois.

Colère de l’opinion au Vietnam

Dans un pays où, comme en Chine, les manifestations sont rarement spontanées, près de 300 manifestants se sont rassemblés devant l’ambassade de Chine à Hanoï. Pékin ne surveille pas ses navires de pêches, Hanoï relâche la bride de la censure. Dans un pays ou comme en Chine, les réseaux sociaux étrangers sont interdits, les internautes vietnamiens se défoulent depuis quelques jours sur Facebook, parlant de l’afflux des produits chinois comme d’un « cancer », ou d’une « invasion » de « pirates » chinois dans les eaux disputées.

Un coup de semonce suivi par des tirs réels

Le Vietnam va mener lundi prochain 13 juin des exercices militaires en mer de Chine méridionale, a indiqué à l’AFP un responsable de la marine vietnamienne. Des tirs réels auront lieu ce jour-là pendant six heures, à 40 kilomètres des côtes de la province de Quang Nam (centre), soit à un peu plus de 200 kilomètres des Paracels et à environ 1 000 kilomètres des Spratleys.

Selon le PhilStar à Manille, les Vietnamiens comme les Chinois, ont d’ailleurs renforcé leurs dispositifs militaires sur leurs postes avancés dans la région. Le ministre vietnamien de la Défense, le général Phung Quang Thanh, a profité du sommet de Singapour pour annoncer que la marine vietnamienne allait acheter prochainement six sous-marins russes de type Kilo « pour défendre » le pays. Mercredi, un général chinois a, lui, confirmé à un journal de Hong-Kong la construction par la Chine d’un premier porte-avions qui aurait une mission essentiellement défensive, « contrairement à d’autres pays ».

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