22 octobre 2010
Cet article est tiré de Global Voices Advocacy.
Il y a deux ans et demi, en avril 2008, la police vietnamienne a arrêté Nguyen Van Hai et l’a tenu au secret pendant plusieurs semaines. M. Hai, aujourd’hui 58 ans, écrivait sous le pseudonyme Dieu Cay qui signifie “la pipe à eau du paysan”.
À l’époque les autorités ont nié avoir arrêté Dieu Cay pour ses écrits bien qu’il était alors l’un des blogueurs et l’un des critiques gouvernementaux les plus connus du pays. Sur son blog Yahoo 360, Dieu Cay dénonçait la corruption du gouvernement, appelait à la liberté d’expression et était parmi les premiers Vietnamiens à critiquer la décision gouvernementale chinoise d’intégrer les îles Paracels et Spratly – qui sont revendiquées par le Vietnam et plusieurs autres pays asiatiques – à la province chinoise des îles du Hainan.
Dieu Cay est l’un des pionniers du journalisme citoyen au Vietnam. En 2007, le nombre de blogs a effectivement décollé dans le pays grâce à l’explosion d’internet ; de la popularisation du monde Yahoo due aux comptes de messageries gratuits, à Yahoo Messenger, à l’application blog 360 ; et à une série de développements de réseaux qui a permis l’information indépendante. Dieu Cay et ses amis blogueurs créèrent le Club des Journalistes Libres (Câu Lạc Bộ Nhà Báo Tự Do) ainsi qu’un site web non autorisé.
En décembre 2007, et durant deux dimanche consécutifs, les membres du Club des Journalistes Libres rejoignaient les manifestants à l’extérieur de l’ambassade chinoise à Hanoï et devant le consulat à Saigon. Les protestations, qui ont finalement été interdites par le gouvernement de Hanoï, ont rassemblé des centaines de jeunes et ont été en grande partie organisées via internet. Lors d’un de ces rassemblements à l’extérieur du consulat chinois, un témoin a photographié Dieu Cay en train d’être emmené de force par la police. Cette image emblématique a rapidement été diffusée sur internet.
Malgré les fréquentes intimidations de la police, Dieu Cay a continué à alimenter son blog et le 19 janvier 2008, il est apparu avec d’autres blogueurs sur les marches de l’Opéra situé dans le centre ville de Saigon. Portant tous le même t-shirt de l’emblème des anneaux Olympiques figurant des menottes, les manifestants attiraient l’attention sur l’invasion de la Chine et l’occupation des Îles Paracels, exactement 34 ans avant. En appelant à la résistance passive, Dieu Cay proposait de boycotter le Relais de la Torche de Pékin qui devait passer par le Vietnam le 29 avril 2008.
La police convoqua Dieu Cay pour interrogatoire et menaça même sa sécurité personnelle en lui faisant comprendre qu’ils ne seraient pas responsables si des agents chinois venaient à lui faire du mal. Avant que la Torche de Pékin n’arrive au Vietnam, la police a officiellement arrêté Dieu Cay le 19 avril 2008. Les autorités l’ont accusé de fraude fiscale et l’a condamné à 30 mois de prison. Les principales associations internationales des droits de l’homme ont alors accusé le Vietnam d’avoir inventé de faux prétextes pour le réduire au silence Le gouvernement vietnamien insistait par ailleurs sur le fait que Dieu Cay était un criminel de droit commun et que son arrestation n’avait aucun lien politique avec ses convictions personnelles.
La semaine dernière, les amis de Dieu Cay attendaient avec impatience sa sortie de prison. Ils avaient même commencé une campagne en ligne faisant référence au 19 octobre 2010 (la fin de la peine de prison de 30 mois de Dieu Cay) comme “la Journée des Blogueurs Vietnamiens”. Mais le 19 octobre est passé et Dieu Cay n’a pas été libéré. Selon l’ex-épouse de Dieu Cay, la police aurait récemment perquisitionné son ancienne maison et aurait indiqué qu’ils le gardaient en prison sous la nouvelle charge “de propagande contre l’Etat socialiste”, interdit en vertu de l’Article 88 du Code pénal vietnamien.
Ironie du sort. Car les autorités vietnamiennes avaient initialement insisté sur le fait que le blogueur Dieu Cay n’avait pas été arrêté pour ses activités politiques. Ils sembleraient maintenant confirmer que Dieu Cay a été puni pour ses écrits. De plus, étant donné qu’il a été en prison ces deux dernières années et demie, on peut se demander quel genre de “propagande” il a pu exercer du fond de sa cellule ?
Le cas de Dieu Cay est un exemple inquiétant de “l’état de droit” au Vietnam où les autorités utilisent le système judiciaire pour justifier leur contrôle politique. Nous appelons tous les défenseurs de la liberté d’expression et tous ceux qui souhaitent un système juridique fiable au Vietnam à rejoindre le mouvement LIBEREZ DIEU CAY.
http://advocacy.globalvoicesonline.org/2010/10/22/free-blogger-dieu-cay/
