Où va le Vietnam en 2009 ?

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12 janvier 2009
The Nation

Les trois jours des festivités du Têt approchent au Vietnam, le point culminant d’une longue période des fêtes qui a commencé à la mi-décembre avec les préparatifs enthousiasmants de Noël. Dans la ville du Sud que ses habitants appellent encore Saigon, les parcs et les boulevards ont été décorés avec des lumières colorées, des chants de Noël sont diffusés dans les restaurants, les halls d’hôtels et de magasins ont leurs pères Noël.

Ici, en surface, la guerre « américaine » qui a pris fin depuis plus de trois décennies, semble n’avoir laissé aucune trace. Mais dans les cœurs et les esprits de ceux qui ont souffert de la guerre et survécu pour s’en souvenir, la douleur est là. Le Têt est un moment de réflexion, et il y a des conflits sensibles sur la direction que le Vietnam va prendre dans la nouvelle année.

Il ne s’agit pas seulement du spectacle de la richesse et du matérialisme, même en période économique difficile, ou de l’histoire d’amour avec les choses de l’Occident qui choque toute une génération de révolutionnaires qui a tout donné pour une cause, perdu des parents et des amis, souvent dans des champs de bataille sans nom. Il y a aussi, en particulier dans le sud, le malaise et la déception que l’unification du Vietnam n’a pas été à la hauteur de son potentiel considérable. Malgré près de deux décennies de libéralisation économique, les Vietnamiens voient leur pays stagner sous la lourde main de l’excès de la réglementation gouvernementale et de la censure, et regardent le gaspillage des gains économiques du pays par des hommes politiques corrompus.

Le début de cette longue période des fêtes coïncide avec une suspension de l’aide au développement du Japon après la découverte d’un scandale de corruption de plusieurs millions de dollars, détournant les aides du Japon qui est, jusqu’à présent, le plus grand donateur du Vietnam. Un journaliste d’un grand journal dit que les journalistes ont été sommés d’arrêter d’écrire à ce sujet. Deux journalistes ont été arrêtés l’année dernière pour avoir écrit sur le détournement de l’aide, non seulement du Japon mais aussi de la Banque Mondiale. Un journaliste est en prison et l’autre en ré-éducation. Les reporters, Nguyen Van Hai du Tuoi Tre et Nguyen Viet Chien du Thanh Nien, ont été reconnus coupables d’ « abus des libertés démocratiques ». (Human Rights Watch a publié un nouveau rapport à ce sujet et sur d’autres cas, « Viêt Nam : Cessez de museler les messagers »). Leurs collègues disent que les journalistes avaient des informations de sources gouvernementales. Le gouvernement, qui conserve le droit de nommer des directeurs de médias, a licencié les éditeurs des journaux concernés. Le populaire, audacieux et rentable quotidien Tuoi Tre a remplacé son rédacteur en chef en décembre dernier pour la troisième fois en deux ans, par un autre plus « sûr » nommé par le gouvernement ; début janvier, l’éditeur en chef du Thanh Nien a été limogé.

À Da Nang, une maison d’édition a été fermée en décembre et deux grands éditeurs licenciés pour avoir imprimé des « erreurs ». Les utilisateurs d’Internet sont régulièrement harcelés et parfois arrêtés. On estime que près d’un quart des Vietnamiens utilisent Internet pour écrire dans les blogs et partager l’information. Parmi les blogueurs, il y a des écoliers d’à peine 11 ou 12 ans qui ont des ordinateurs ou fréquentent des cybercafés, vis-à vis desquels la politique du gouvernement se révèle maladroite. C’est peut-être un signe d’une bataille perdue d’avance pour le gouvernement qui a publié de nouveaux règlements sur l’utilisation d’Internet pour tenter de contenir l’impact du cybermonde. Dans le même temps, les journaux et autres publications se font la course en créant des sites Web de langue anglaise pour s’ouvrir à une plus large audience.

Parmi les étudiants, les universitaires et, surtout, les journalistes, les critiques sont étonnamment plus franches. Dans un récent séminaire de professeurs et d’administrateurs d’université (certains d’entre eux sont à la retraite après une carrière en Occident), les orateurs parlent l’un après l’autre de l’usure des restrictions politiques imposées par Hanoi. Le message entendu encore et encore de la part des participants a été que le gouvernement doit comprendre que la liberté d’expression et l’accès à l’information sont des conditions préalables au développement économique et humain. Une présidente d’université, interrogée sur comment elle avait réussi à gagner beaucoup d’espace intellectuel dans sa faculté, a répondu avec audace : « On ne m’a pas donné l’autonomie, je l’ai prise. »

Dans le sud du Vietnam il y a d’autres griefs que ceux des salles de classe et des médias. Les résidents de Saigon, officiellement rebaptisée Hô Chi Minh-Ville il y a trois décennies, se plaignent du fait que plus des trois quarts des revenus de cette région métropolitaine du sud, dynamique et tournée vers l’extérieur, sont détournés par le gouvernement central qui redistribue très peu en retour. Une étude récente réalisée par une société de conseil britannique place Saigon au 150e rang parmi 215 grandes villes dans le monde entier pour la qualité de la vie, loin derrière les cités voisines telles que Singapour, Bangkok et Kuala Lumpur, vis-à-vis desquelles cette ville devrait être plus compétitive. Sur une échelle de 1 à 10, le site en langue anglaise Viet Nam-News a rapporté que Saigon a obtenu un zéro pour la qualité de son eau et que, dans certains hôpitaux, deux ou trois patients partagent un même lit.

Toute entreprise et association est enlisée dans des couches paperasses obligatoires. Les groupes commerciaux, les chambres de commerce et des sociétés de construction disent publiquement que les nouvelles entreprises en joint-venture devront faire face à plus de trente-trois procédures qui feront perdre du temps, autant de frustrations pour les investisseurs.

Parmi les intellectuels, il y a un énorme intérêt pour un nouveau livre de l’écrivain-dissidente la plus populaire du Vietnam, Duong Thu Huong, l’auteur du Paradis des aveugles et autres œuvres de fiction critiquant les vieux mythes nationalistes.

Le nouveau livre, qui vient juste d’être publié ce mois-ci à Paris et en français, intitulé Au Zénith, est un roman avec des critiques à peine voilées sur le héros national, Ho Chi Minh, père fondateur du Vietnam moderne, et hors-sujet ici. Les journaux ont été sommés de ne pas aborder cette histoire, mais des copies ou des extraits en français et vietnamiens du livre de Huong ont commencé à circuler sur Internet avant même sa publication.

Huong, originaire de Hanoi et qui fut une cadre communiste active, s’est retournée contre le régime, comme d’autres intellectuels dans le Nord après la réunification, en apprenant que la plus grande partie de la propagande dont ils avaient été nourris à propos de la vie dans le sud était fausse, et que l’armée de Hanoi n’avait pas seulement tué des Américains, mais aussi des Vietnamiens. Depuis plus de deux décennies, les gens du Nord ont exploré ce thème de la tromperie officielle en temps de guerre dans les livres, la poésie et le cinéma.

Lorsque Huong, dont les travaux sont interdits au Vietnam, a été interrogée lors d’une rare apparition à New York en 2007 parrainée par l’American PEN, sur la raison pour laquelle il n’y avait pas la révolte ouverte au Vietnam, elle a dit qu’il y avait plusieurs raisons, dont celle que les Vietnamiens possède une tradition de lutte contre l’extérieur et pas de conflit en interne, d’où le choc en apprenant combien de Vietnamiens du Sud sont morts dans la guerre contre les « américains ». Elle a également déclaré sans ambages que les Vietnamiens sont gouvernés par des dirigeants rétrogrades dont la fierté d’avoir remporté une guerre contre les États-Unis, une fierté largement partagée, n’a jamais été complétée et mise à jour avec une vision de l’après-guerre pour le pays. La direction a survécu pendant trente ans « sur les cadavres », dit-elle.

Pendant ce temps chez les jeunes, la majorité de la population au Vietnam, il y a une profonde, aveugle et irréaliste croyance dans l’Occident, encouragée par les Viet Kieu, les Vietnamiens de l’étranger, qui reviennent avec de l’argent à dépenser pour des maisons et des biens que les Vietnamiens locaux ne peuvent pas s’offrir sans avoir des relations. Au cours de ces dernières années, des boutiques de créateurs européens ont supplanté les magasins vietnamiens en centre-ville de Saigon, où l’architecture contemporaine sans caractère est à la mode. Un immense centre commercial surmonté d’appartements de luxe et d’un hôtel est en cours de construction, s’étendant sur tout un bloc de la ville dans le quartier huppé du boulevard Nguyen Hue jusqu’à Dong Khoi, l’ex-rue Catinat.

Le complexe est appelé Times Square.


À propos de Barbara Crossette

Barbara Crossette, correspondante des Nations Unies pour The Nation, est une ancienne correspondante du New York Times et chef du bureau Asie de l’ONU.

Elle est l’auteur de Si proche du Ciel : Le Royaume bouddhiste de l’Himalaya en disparition, publié par Alfred A. Knopf en 1995 et en livre de poche par Random House / Vintage destinations en 1996, et une collection d’essais sur les cités balnéaires coloniales qui attirent des visiteurs encore plus d’un siècle après leur création, The Great Hill Stations of Asia, publié par Westview Press en 1998 et en livre de poche par Basic Books en 1999. En 2000, elle a écrit une enquête sur l’Inde et de relations américano-indiennes, Inde : Ancienne civilisation dans un Monde Nouveau, pour la Foreign Policy Association de New York. Elle est également l’auteur de l’Inde face au 21e siècle, publiée par Indiana University Press en 1993.

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