Trouble-fête catholique

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Cet avocat défie les autorités communistes. Son créneau  : utiliser les maigres espaces de liberté qu’il parvient à se ménager. A ses risques et périls.

par Max WERSHEIN

Lê Quoc Quan a le sang chaud. Pas le genre à s’écraser devant des policiers vietnamiens armés, lorsque ceux-ci s’en prennent violemment à une manifestante catholique, par un après-midi pluvieux de janvier 2008. Ce jour-là, des centaines de fidèles, peut-être deux mille, prient devant l’ancienne délégation apostolique de Hanoi, à deux pas de la cathédrale, pour réclamer la restitution à l’Eglise de cette splendide bâtisse et des terrains adjacents. Le pouvoir communiste les avait confisqués en 1954 et refuse depuis lors de reconnaître la validité des titres de propriété de l’archevêque.

Une silhouette svelte au milieu de la foule, c’est celle de l’avocat Lê Quoc Quan. Il est alors un simple manifestant dans le cortège, comme tant d’autres. « Je priais », se souvient-il. Soudain, sous ses yeux, une femme escalade le portail d’entrée de la délégation pour déposer un bouquet de fleurs au pied d’une statue de la Vierge Marie. Elle est battue par les forces de l’ordre qui considèrent son geste comme une provocation. Le jeune Quan ne réfléchit pas. Naturellement, il vient à son secours et enjambe la clôture. Illico, les policiers le rattrapent par le col. Et le frappent, à l’écart. « J’ai crié. Ils m’ont poussé en m’ordonnant de me tenir tranquille. » Alertés, les manifestants enfoncent le portail pour venir à son secours. Ils le libèrent. Puis le transportent dans les locaux voisins de l’archevêché pour lui donner les premiers soins.

Cent jours de prison


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Quan considère cet épisode comme « une bonne action et un signe de courage de la communauté catholique vietnamienne ». A croire qu’il aime ces pieds de nez au pouvoir ! Pour cet agitateur social, âgé de trente-sept ans, cette confrontation est le symbole le plus récent de son engagement pour l’instauration de contre-pouvoirs et pour l’ébauche d’une société active et critique dans ce pays autoritaire. Avec fierté, il considère que les catholiques ne sont pas sortis vaincus de ce conflit de propriété. Certes, ils n’ont pas récupéré les terrains contestés. Mais leur mobilisation a pesé sur le cours des événements. Les autorités ont décidé de transformer la délégation apostolique en bibliothèque et les terrains voisins en parc public. Au lieu de les privatiser, ils serviront l’intérêt général. Ce n’est déjà pas si mal aux yeux de Quan.

L’avocat n’en était pas à son coup d’essai dans son face-à-face avec le pouvoir . En mars 2007, il avait été emprisonné pour avoir étudié dans un institut prodémocratique aux Etats-Unis. Le jour même de son retour au Vietnam, les autorités le mettaient derrière les barreaux pour cent jours, lui retiraient sa licence d’avocat et fermaient son cabinet. Depuis, il n’a pas plaidé. Deux policiers l’espionnent constamment à son bureau. Ses téléphones sont sur écoute. Régulièrement, il est convoqué par la police pour faire le point sur ses activités.

Si le pouvoir le surveille tant, c’est parce qu’il le voit comme un danger potentiel. Lê Quoc Quan fait partie de la grande famille chrétienne, une des seules institutions qui a survécu à cinquante années de communisme et qui rassemble 10 % de la population vietnamienne. Et il a de l’ambition pour sa communauté. « Je veux apporter un traitement égal entre les croyants et les non-croyants. Les catholiques ont été dévalorisés au Vietnam. » Son père n’a pas été autorisé à entrer à l’Université en raison de sa foi. Son grand-oncle a été emprisonné dix-sept années pour la même raison. « Aujourd’hui, nous pouvons prier et nous rassembler. C’est mieux. Mais ce n’est pas satisfaisant au regard des standards universels de liberté », critique-t-il. Parce qu’elles sont des organisations distinctes du parti unique, les Eglises sont toujours sous étroite surveillance au Vietnam. Alors, il essaie de les émanciper. De créer des associations de prière. De mettre sur pied des groupes de jeunes catholiques. D’organiser les revendications des paroisses de sa région d’origine, elles aussi confrontées à des problèmes de confiscation de propriétés.

Grâce à ses connaissances en droit, Lê Quoc Quan aide en parallèle les ouvriers à créer des syndicats. Il conseille et défend des paysans sans terre. Il se place toujours du côté des opprimés. « Le pouvoir n’aime pas cela. Il considère mes activités comme un début de construction d’une société civile. Il pense que la création d’organisations qui n’appartiennent pas au parti unique peut le mettre en danger. »

Grâce à McCain


Avec un carnet d’adresses épais comme un dictionnaire, Quan a de l’influence. L’avocat connaît tous les prêtres de Hanoi. Il a ses entrées dans les milieux d’affaires. Il fréquente des hommes politiques, y compris des membres importants du parti communiste vietnamien, de manière officieuse et discrète. A l’étranger, on le connaît. En juin 2007, à la veille de la visite officielle du président vietnamien aux Etats-Unis, c’est une lettre de pression de John McCain qui l’a fait libérer. Et c’est cette renommée qui lui a sans doute évité une nouvelle peine de prison après les violences à la délégation apostolique en janvier dernier. Il se sent protégé par la diplomatie. Et compte bien utiliser ce parachute pour aider ses compatriotes à s’affranchir de l’emprise du parti communiste.
Déjà, il constate des avancées. « Quelque chose est en train de se produire dans ce pays : des gens copient des documents, se les échangent, discutent, des associations se créent, jubile-t-il. Cela va de pair avec le développement économique. Les gens ont plus le temps de penser à autre chose qu’à leur propre survie. » Alors, il y croit. Il y a trois semaines, il a réclamé sa licence d’avocat au ministère de la Justice. Il sait qu’on ne la lui rendra pas. Mais il se plaît à asticoter les autorités. « Avant ma première arrestation, je faisais très attention. Maintenant, elles savent ce que je fais. Alors, je n’ai plus peur. »

Ce beau parleur vindicatif et séducteur cultive l’espoir de jouer les trouble-fêtesur la scène politique non officielle. A l’affût, il prépare l’avenir. Pour un éventuel après-communisme ? « Je ne suis pas isolé comme de nombreux activistes qui ont passé beaucoup d’années en prison. Je suis un gagnant. Je suis encore dans le coup. » Belle ambition.

Repères


Lê Quoc Quan est né le 13 septembre 1971.

Il a commencé à exercer sa profession 
d’avocat en 2002.

Le 8 mai 2007, à son retour des Etats-Unis 
où il étudiait, il a été arrêté et emprisonné.

Le mois suivant, il a été radié du barreau.

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