Un avocat défenseur des droits de l’homme empêché de quitter le Vietnam

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21 septembre 2011

Le 12 septembre dernier, la Sécurité Publique a bloqué l’avocat défenseur des droits de l’homme Huynh Van Dong à l’aéroport Noi Bai, Hanoi. Me Dong était attendu à Dublin pour participer à la 6ème Plateforme de Dublin pour les défenseurs des droits de l’homme, organisée par Front Line Defenders.

Ne pouvant quitter le Vietnam, Me Dong a écrit un courrier aux organisateurs de la 6ème Plateforme de Dublin pour les défenseurs des droits de l’homme. Sa lettre a été rendue publique le 20 septembre, nous vous en proposons la lecture.


Lettre de l’avocat défenseur des droits de l’homme Huynh Van Dong à Frontline Defenders

12 septembre 2011

A l’attention des organisateurs de la 6ème Plateforme de Dublin pour les défenseurs des droits de l’homme,

Je suis profondément reconnaissant de toute l’attention et la considération que vous portez en faveur des militants des droits de l’homme au Vietnam, y compris envers moi. Je vous remercie sincèrement d’avoir fait tout votre possible pour m’inviter à la Plateforme de Dublin qui se tient les 14 et 16 septembre afin que je puisse partager mon expérience mais aussi avoir la chance d’apprendre encore plus des autres.

Malheureusement, ce matin, quand je suis arrivé à l’aéroport Noi Bai de Hanoï pour me rendre à Singapour, j’ai été arrêté par la police des frontières et on m’a fait savoir que je n’étais pas autorisé à quitter le pays. Leurs ordres venaient “du Ministère de l’Intérieur PA83-Daklak”. A part ce que m’a dit la police des frontières, je n’ai pas eu d’autre explication. Je suis vraiment déçu de ne pas pouvoir me rendre à la Plateforme de Dublin et participer à votre merveilleux programme de cette année.

Ainsi que vous le savez, tout peut arriver au Vietnam. Des injustices qui ne pourraient pas avoir lieu dans une société équitable et démocratique sont la norme ici. Tout récemment, l’état s’est fixé le nouvel objectif d’atteindre 18-20.000 avocats d’ici 2020, soit un avocat pour 45.000 citoyens. Alors que, depuis 2007, des douzaines d’avocats et de juristes ont été régulièrement arrêtés ou harcelés, les empêchant d’exercer et de conseiller leurs clients.

La majorité des avocats des droits de l’homme sont harcelés et menacés à un rythme alarmant. Le cas le plus récent est celui de l’avocat Ta Phong Tan, également blogueur et écrivain, qui devrait normalement toujours pratiquer sa profession d’avocat. Mlle Ta Phong Tan a été harcelée, menacée, intimidée, ses affaires personnelles ont été confisquées, ses lettres de créance révoquées et elle a récemment été arrêtée le 6 septembre 2011. Avant Mlle Ta Phong Tan, il y a également eu Le Quoc Quan, Nguyen Van Dai, Le Cong Dinh et Cu Huy Ha Vu. Moi-même ai été officiellement rayé du Barreau le 12 août 2011.

En faisant cela, le gouvernement vietnamien tente de détruire cette catégorie d’avocats qui défend les droits de l’homme. A l’heure actuelle, le Vietnam ne respecte pas les normes internationales en matière de procédure régulière. Le Vietnam ne respecte même pas ses propres lois. Pour le gouvernement, un avocat est un pion utilisé comme façade pour la communauté internationale, pour avoir un semblant de système juridique respectueux des droits de l’homme.

J’ai été engagé dans de nombreux procès, dans des cas impliquant des militants pour la démocratie et des citoyens lésés. Les résultats et les sentences n’avaient aucun rapport avec les preuves et les arguments présentés. Il est évident qu’il y a une mésinterprétation de la justice quand la Cour expulse les avocats du Tribunal lors de ces procès et les raye du Barreau.

Le prétexte a toujours été qu’ils agissent pour “la sécurité nationale”. C’est pourquoi, dans tous les dossiers, il n’est pas permis que l’accusé puisse rencontrer son avocat au début de l’affaire, et même quand l’enquête est fini, il sera toujours difficile voire impossible pour un avocat d’exercer pleinement son devoir envers son client. Le gouvernement ne met pas non plus tous les documents et les dossiers à disposition de l’avocat durant l’enquête. Même lors du procès, les avocats sont bâillonnés et on leur interdit de représenter leurs clients. Dans de nombreux cas, ils sont carrément expulsés du tribunal. Je me suis exprimé un jour dans une affaire et me suis opposé à cette contrainte de la cour. J’ai été physiquement malmené et jeté hors du tribunal parce que j’avais déclaré que j’avais la responsabilité juridique et éthique de défendre mon client et que la Cour ne me laissait pas faire mon travail.

J’ai élevé la voix au tribunal contre l’impartialité de la Cour et ai été physiquement expulsé du tribunal. Durant les procès de Con Dau et de Da Nang, la Cour elle-même avait le rôle de mettre un terme au litige foncier entre le gouvernement et ceux qui avaient déposé plainte contre le gouvernement.

Il est très difficile, voire impossible pour un avocat d’accomplir son devoir avec toute l’éthique d’un professionnel en raison du barrage de règlements, de mandats et de directives franchement illégales transmises par la Cour et toute son armée juridique. Les avocats sont harcelés, intimidés, interrogés, placés sous constante surveillance et menacés par la police et ces méthodes ne s’appliquent pas seulement aux avocats, mais également à leur famille, leurs amis et à tout leur réseau social. Cette menace constante crée une pression pour que les avocats se plient. C’est comme ça que ça se passe au Vietnam.

La façon dont sont traités les avocats qui défendent les droits de l’homme est intolérable et ils n’ont aucune autre alternative que de renoncer et de démissionner (car le risque d’être rayé du Barreau est imminent) ou d’aller en prison pour “s’être opposé au gouvernement”). C’est pourquoi je prie la communauté internationale et particulièrement ceux qui participent à la Plateforme de Dublin de s’élever contre l’abus flagrant et la violation des lois, contre la violation des droits de l’homme et contre le détournement du système juridique au Vietnam. Le gouvernement vietnamien viole les accords internationaux qu’il a signés en tant que membre de la Communauté Internationale.

Les pays qui apportent de l’aide au Vietnam afin que celui-ci adopte des réformes juridiques et forme des avocats doivent scrupuleusement examiner les efforts du gouvernement. J’ai assisté une fois à un cours “de remise à niveau” qui était organisé par le gouvernement et financé par divers donateurs étrangers. J’ai été déçu et me suis dit que ces “classes de remises à niveau” et “d’enrichissement” n’étaient autres qu’une façon de dépenser les fonds parce qu’il le fallait. Je suis déçu et consterné par la violation flagrante des droits de l’homme au Vietnam à un rythme alarmant. Tout l’argent du monde ne pourrait pas aider le Vietnam à réformer son système juridique.

Encore une fois, je regrette de ne pas pouvoir participer à la Plateforme de Dublin.

Votre bien dévoué.
Huynh Van Dong

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