Facebook et la Désobéissance civile au Vietnam

Share on facebook
Share on google
Share on twitter
Share on whatsapp
Share on email
Share on print
Share on facebook
Share on google
Share on twitter
Share on whatsapp
Share on email
Share on print

4 mars 2011

Par Duy Hoang et Trinh Nguyen

PDF - 1.8 Mo
Facebook et la Résistance Civile au Vietnam

Bien que depuis novembre 2009 l’accès à Facebook ait été à plusieurs reprises bloqué, il est cependant très vite apparu comme le réseau social le plus populaire et le plus influent au Vietnam. Ainsi qu’il a été vu au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, les réseaux sociaux offrent un espace où la société civile peut se développer, où les individus et les groupes peuvent librement partager leurs opinions et exprimer leur opposition aux gouvernements en place. En fournissant aux citoyens les outils de communication et de mobilisation, Facebook et les autres médias sociaux transforment aussi le Vietnam.

Lors d’une récente étude menée par Viet Tan, neuf sur dix utilisateurs rencontraient des problèmes d’accès à Facebook. Une majorité écrasante de ces utilisateurs a répondu qu’ils comptaient agir en écrivant à leur Fournisseur d’accès Internet (FAI) ou en diffusant les techniques de contournement auprès de leurs amis.

La croissance de Facebook au Vietnam, malgré les restrictions gouvernementales, représente un acte de résistance civile pour les internautes. Les efforts du gouvernement de Hanoï pour limiter l’accès à Facebook exigent que nous continuions sans relâche à défendre et à diffuser les techniques de contournement afin de garantir la liberté de communiquer.

JPEG - 43.5 ko

Le gouvernement vietnamien n’est pas « ami » avec Facebook

Début 2008, Facebook lançait son Traducteur en ligne qui permettait aux langues locales de mieux cibler le public. Les utilisateurs de Facebook du monde entier participèrent à la traduction des 24.000 expressions du site Web dans toutes les langues principales du globe, y compris le Vietnamien. Fin 2008, Facebook posait un orteil au Vietnam avec un peu moins de 100.000 utilisateurs.

JPEG - 25.8 ko
Décret ordonnant le blocage de Facebook

Le nombre d’utilisateurs vietnamiens connut une forte croissance l’année suivante et Facebook devint rapidement le site Web avec le taux de croissance le plus rapide de l’Asie du Sud-Est, attirant ainsi l’attention des autorités. À la fin de l’été 2009, un ordre soi-disant émanant du Ministère Vietnamien de la Sécurité Publique de bloquer l’accès à Facebook et à d’autres sites étrangers a commencé à circuler sur le net. Ce document confidentiel daté du 27 août 2009 était adressé à dix fournisseurs d’accès Internet locaux.

Bien que le gouvernement de Hanoï n’ait jamais confirmé la publication de ce décret, les internautes vietnamiens commencèrent à signaler en novembre 2009 des restrictions d’accès au site Facebook. Plusieurs fournisseurs d’accès Internet locaux reconnurent à titre confidentiel qu’ils subissaient des pressions des autorités gouvernementales pour suspendre l’accès à Facebook, en réponse à la tendance générale des Vietnamiens à profiter de l’espace politique créé par Internet.

Facebook n’est pas bloqué à partir de son IP (Internet Protocol), comme il l’est en Chine ou en Syrie, mais au niveau de son DNS (Domain Name System). Le gouvernement demande simplement aux prestataires de services de rediriger leurs serveurs ailleurs que sur les sites souhaités. Cette censure est plus facilement contournable, puisque les internautes n’ont qu’à changer de nom de domaine en utilisant un DNS disponible pour accéder au site souhaité.

JPEG - 104.8 ko

Bien que le blocage de DNS ne soit pas efficace dans la censure totale de l’information ou de la censure de sites tels que Facebook, cette méthode de censure peut être très efficace en détruisant tout simplement la fiabilité d’un réseau social tel que Facebook.

Les autorités vietnamiennes souhaitaient peut être que Facebook meure tout doucement. Plutôt que de bloquer le réseau purement et simplement et ainsi susciter la colère d’un million d’utilisateurs, le gouvernement espérait que les gens seraient fatigués du manque de fiabilité du réseau et que Facebook disparaitrait ainsi.

Bien que Facebook ait connu moins de visite au Vietnam en novembre 2009 (quand le blocus a commencé) et de nouveau en décembre 2010 (durant les mesures de répression politique avant le 11ème Congrès du Parti communiste vietnamien), le nombre de Vietnamiens sur Facebook a continué d’augmenter, jusqu’à atteindre aujourd’hui environ 2.6 millions utilisateurs. Les autorités vietnamiennes semblent avoir encouragé des solutions de rechange. Go.vn, un réseau social lancé en mai 2010 par la Société d’Etat Vietnam Multimedia Corporation, a été considéré comme le remplaçant de Facebook, un investissement du gouvernement pour contrecarrer la popularité croissante de Facebook. Ridiculisé et ironiquement appelé « le Facebook Communiste » par beaucoup du fait de ses conditions d’inscription (entre autre obligation de fournir son numéro d’identification gouvernementale et son nom complet), Go.vn n’a pas réussi à embraser l’espace du net vietnamien.

Un autre concurrent de Facebook est zing.vn (Zing Me), créé par la Société VNG. Zing Me offre un large panel d’outils et d’applications semblables à Facebook, et a même produit sa propre version du jeu populaire de Facebook Farmville avec ZingFarm. Mais il semble que Zing Me n’ait conquis que les joueurs invétérés et les très jeunes.

Go.vn et zing.me ont tous deux essayé de capturer l’interface familier de Facebook et d’offrir des combinaisons de jeu à leurs utilisateurs, espérant pouvoir compter sur l’importance du jeu dans la communauté vietnamienne. Avec les restrictions d’accès à Facebook, les sites gérés à partir du Vietnam étaient les mieux placés pour aller à la chasse des utilisateurs frustrés qui avaient été laissés au bord de la route La raison pour laquelle Facebook reste largement populaire au Vietnam réside dans la puissance d’Internet et dans l’ingéniosité des internautes.

JPEG - 15.7 ko

JPEG - 19.1 ko

JPEG - 81.8 ko

Enquête Facebook

JPEG - 10 ko
Visitez nofirewall.blogspot.com pour voir l’ensemble complet des données et des résultats de l’enquête.

Grâce à notre contournement et à notre portail de sécurité numérique nofirewall.blogspot.com, Viet Tan a mené une enquête auprès de 380 lecteurs au Vietnam concernant leur accès à Facebook. Nous leur avons posé quatre questions et avons reçu les résultats suivants :

1. Quel fournisseur d’accès Internet (FAI) utilisez-vous ?

    Les personnes interrogées avaient le choix de sélectionner un des huit fournisseurs d’accès Internet locaux ou « autre » si hors liste. Presque toutes les personnes interrogées – soit 96 % – ont déclaré utiliser l’un des trois fournisseurs suivants : VDC, FPT ou Viettel. Ce qui correspond à peu près à la part de marché des fournisseurs d’accès Internet au Vietnam. Les cinq autres fournisseurs d’accès Internet de l’enquête semblent jouer un plus petit rôle, à un niveau régional.

2. Votre FAI vous a-t’il bloqué l’accès à Facebook ?

    Neuf sur dix personnes ont répondu avoir eu des problèmes d’accès à Facebook. Parmi les trois grands fournisseurs d’accès Internet, le pire était FPT (99 %) suivi de VDC (93 %) et de Viettel (82 %).

3. Si votre fournisseur d’accès Internet vous a bloqué l’accès, avez-vous essayé de contourner le verrouillage ?

    Selon l’enquête, 86 % des personnes interrogées ont indiqué qu’elles contournaient déjà le verrouillage ou seraient intéressées à apprendre comment faire. Seulement 14 % ont exprimé leur désespoir face à ce verrouillage et leur intention d’arrêter d’utiliser Facebook.

4. Si votre fournisseur d’accès Internet a bloqué l’accès, quelle action prendrez-vous en réponse à ce verrouillage ?

    Le désir des personnes interrogées d’agir vaut la peine d’être noté. Environ 30 % des personnes interrogées ont indiqué que rien ne pouvait être fait. Mais 10 % souhaitaient écrire une lettre à leur fournisseur d’accès Internet afin de protester contre ce verrouillage. Et 60 % aidaient leurs amis à apprendre comment contourner ce verrouillage. Bref, sept sur dix personnes interrogées ne souhaitaient pas accepter passivement ce verrouillage de Facebook.

L’enquête a été menée sur sept semaines, du 12 janvier au 2 mars 2011. Cette période a coïncidé avec le 11ème Congrès du Parti communiste vietnamien et les protestations populaires massives de l’Afrique du Nord – deux événements importants durant lesquels les autorités ont renforcé les restrictions d’accès à Facebook et à Internet en général.

Les personnes interrogées sont des individus qui connaissent le site nofirewall.blogspot.com et ont volontairement participé à l’enquête lancée sur le net. Bien que le degré de compréhension d’Internet des personnes interrogées soit probablement plus élevé que celui de l’internaute vietnamien moyen, nous pensons qu’elles sont assez représentatives de l’utilisateur Facebook actif type.

Contournement, passerelle à la résistance civile et à la liberté politique

JPEG - 9.3 ko
Les Facebookers vietnamiens disent NON aux parefeux (source : Page de protestation Facebook).

Par la promotion des relations et de l’interconnexion, les médias sociaux forment une force de galvanisation au Vietnam : la nouvelle place en ville est son mur Facebook, les réunions communautaires ont lieu en ligne. En limitant l’accès à Facebook, le gouvernement vietnamien accable tout un large segment de la population.

Le Blogueur Ethan Zuckerman du Berkman Center for Internet and Society à l’Université de Harvard a présenté l’idée de chats tout mignons en comparant les outils numériques dans leurs utilisations par l’homme commun et l’activiste.

Si la Théorie de l’Activisme Numérique du Chat Mignon est correcte, le peuple commencera seulement à vraiment prêter son attention quand l’état enlèvera votre capacité à partager les photos et les vidéos de vos chats mignons. Et c’est exactement ce qui est arrivé au Vietnam. Les étudiants et les jeunes qui auraient normalement reculé devant toute forme d’activités d’opposition ont commencé à s’organiser sur Facebook pour protester contre le verrouillage.

Ils se sont formé en groupes comme « l’Association de 1 million de signatures contre le verrouillage de Facebook » et « Si vous les aînés bloquez FB, nous les jeunes grimperont par-dessus les murs et trouverons des fissures pour y entrer » attirant des dizaines de milliers de partisans. Dans des pays non-autoritaires, l’activisme en ligne n’exige pas beaucoup de sacrifice. Au Vietnam, ce niveau d’activisme est sans précédent.

En filtrant l’accès à Facebook, il semble que le gouvernement vietnamien a confirmé la loi des conséquences imprévues : les Vietnamiens se réunissent en ligne pour manifester contre la censure gouvernementale.

JPEG - 20.7 ko

Prochaines étapes et recommandations

Comme le démontrent l’enquête de Viet Tan et les données d’utilisation publiées par Facebook, les internautes vietnamiens contournent le verrouillage de Facebook. La volonté d’une large majorité d’agir et de lutter contre la censure Internet s’étend clairement au-delà de ce seul réseau et inclut d’autres sites populaires (tel que Multiply) dont les accès sont normalement restreints par décret gouvernemental. Afin de permettre aux internautes vietnamiens de toujours pouvoir déjouer la censure, les défenseurs de la liberté numérique peuvent jouer un rôle important. Voici trois façons d’aider.

1 / Créer un outil de suivi en temps réel pour la censure en ligne

    Une des meilleures façons d’élaborer une cartographie de la censure numérique est de procurer un outil qui permettrait aux utilisateurs de pointer les verrouillages en temps réel. Quelque chose comme Herdict Web, qui permet aux utilisateurs du monde entier de signaler les sites qui sont tombés sous la censure numérique, doit être appliqué au niveau local, transposé dans la langue vietnamienne et largement diffusé auprès des internautes du pays.

2 / Promouvoir le contournement et la sécurité numérique

    Viet Tan est résolu à diffuser les outils de contournement ainsi que toute information concernant la sécurité numérique car nous pensons que l’accès à Internet aura un rôle à jouer dans le développement futur du Vietnam.

    Mais il reste encore beaucoup à faire : trouver des techniques locales de contournement pour les utilisateurs vietnamiens, former des militants et des blogueurs, divulguer ces techniques aux internautes moyens. Il est tout aussi important, pour que le net ne soit pas l’instrument des oppresseurs, que l’information sur la sécurité numérique soit largement comprise et diffusée.

3 / Défendre la liberté sur Internet

    Les internautes vietnamiens luttent pour la liberté d’Internet. Ils font appel à la liberté de se réunir, de s’exprimer et de communiquer. Elevez la voix contre les restrictions légales et la censure du net du gouvernement de Hanoï. Réagissez contre les sociétés occidentales qui fournissent les technologies de filtrage à l’Etat vietnamien.
Share on facebook
Share on google
Share on twitter
Share on whatsapp
Share on email
Share on print

Derniers articles

Action collective pour les îles Paracel et Spratly

Aujourd’hui, la communauté internationale s’accorde à dire que la République populaire de Chine mène des actions de plus en plus agressives dans la région indo-pacifique, notamment en mer de Chine méridionale. Ces hostilités ont commencé il y a 49 ans avec l’invasion chinoise des îles Paracels (Hoàng Sa) le 19 janvier 1974,