Le Vietnam tente de résister à l’expansionnisme de l’empire du Milieu

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Pour marquer le 60e anniversaire des relations diplomatiques entre Hanoï et Pékin, 2010 a été décrétée “année de l’amitié vietnamo-chinoise”. Chaque jour, la presse salue “la qualité des liens” entre les deux pays.

La population vietnamienne, elle, reste sur ses gardes. Mille ans d’occupation chinoise ont laissé des traces indélébiles. La Chine est perçue comme une puissance expansionniste dont il faut se méfier. Le pouvoir lui-même est divisé. Certains réclament que cette question soit d’ailleurs à l’ordre du jour du XIe congrès du Parti communiste qui se tiendra début 2011 et renouvellera les instances dirigeantes du pays.

L’ouverture économique, elle, n’est pas remise en cause. Depuis le début des années 2000, le Vietnam applique la deuxième phase du Doi Moi (le renouveau), entamé dix ans après la Chine. Et de tous les pays du Sud-Est asiatique, le Vietnam est celui qui a le mieux traversé la crise internationale (5,3 % de taux de croissance en 2009). “Malgré tout, les responsables vietnamiens ont été marris que la Chine ait fait 8,7 % ! Le réflexe, c’est de se demander en chaque occasion : “que fait Pékin ?”” , sourit un haut fonctionnaire international.

Pourtant, la référence absolue, ici, n’est pas la Chine mais Singapour. La cité-Etat est vue comme “le modèle à suivre” pour sa “démocratisation contrôlée” et son “efficacité économique”, ainsi que le souligne Martin Rama, chef économiste à la Banque mondiale. La Chine, quant à elle, est une obsession et un non-dit. Elle est à la fois “le grand frère, le seul ennemi politique et le principal partenaire économique”, comme le résume Alain Cany, président de la chambre européenne au Vietnam, Eurocham.

Une relation “Nord-Sud”

Le Vietnam compte 86 millions d’habitants. Il est tout juste entré dans la catégorie des pays “intermédiaires”. Il a la taille d’une province chinoise. La Chine rassemble 1,3 milliard d’habitants. Deuxième puissance économique du monde, elle est le premier exportateur de la planète. “Le PIB du Vietnam équivaut à 1/40e de celui de la Chine ! Qu’il le veuille ou non, ce pays gardera la Chine comme premier partenaire”, souligne Jean-Raphaël Chaponnière, économiste à l’Agence française de développement.

Le déficit chronique de la balance commerciale du Vietnam est dû au déséquilibre de ses échanges avec la Chine : plus de 11 milliards de dollars (8,8 milliards d’euros), en 2009, soit 10 points de produit intérieur brut. Les deux pays entretiennent une relation de type “Nord-Sud”. Pékin exporte chez son voisin machines-outils, ordinateurs, voitures ou engrais. Le Vietnam lui livre essentiellement des matériaux bruts (pétrole, charbon, caoutchouc). Parmi les facteurs de rééquilibrage possibles : le mouvement de délocalisation des sociétés asiatiques qui vont s’installer au Vietnam, du fait de la hausse des salaires en Chine. Autre atout du Vietnam : les quelque 11 milliards de dollars d’investissements directs étrangers qu’il attire chaque année. En matière d’infrastructures, les besoins du pays sont considérables (160 milliards de dollars d’ici à 2020, selon Hanoï). Mais le sujet est sensible, à l’égard de Pékin en particulier, comme en témoigne “l’affaire de la bauxite”. Pour avoir attribué à une entreprise publique chinoise, Chinalco, l’exploitation de deux mines dans le centre du pays, les autorités vietnamiennes ont déclenché en 2009 une tempête. Scientifiques, intellectuels, blogueurs et militaires – à l’instar du vainqueur de Dien Bien Phu, le général Giap, 99 ans –, ont dénoncé le risque que ce projet faisait peser sur l’environnement et la sécurité nationale. La grogne est retombée, mais pourrait reprendre quand Chinalco sera à l’oeuvre.

Pour éviter de se transformer en satellite de Pékin, le Vietnam mène une offensive tous azimuts. A la tête d’un “commando économique” composé de grandes sociétés publiques (l’opérateur téléphonique Viettel, la banque BIDV, la compagnie Vietnam Airlines…), le premier ministre tente depuis dix-huit mois de “conquérir” le Myanmar, le Laos et le Cambodge, terres de prédilection de la Chine. “En un an, Viettel a réussi à emporter 50 % du marché cambodgien”, relève Jean-Michel Caldagues, conseiller du commerce extérieur de la France au Vietnam.

Dans tous les secteurs, “diversification” est devenu le maître mot. Alors que Hanoï et Pékin se disputent les îles Spratleys et Paracels en mer de Chine du Sud, le Vietnam s’est rapproché de son ancien allié, la Russie, à qui il a acheté, en décembre 2009, des sous-marins pour 2 milliards de dollars, dans le cadre d’un accord de défense. C’est aussi Moscou qui devrait fournir au pays sa première centrale nucléaire. Quant à l’Afrique, Hanoï fait preuve à son égard d’un nouvel intérêt. Autant de signes qui sont interprétés comme la volonté de contrecarrer les ambitions de Pékin, dans le domaine stratégique autant que commercial.

Florence Beaugé
Article paru dans l’édition du 22.06.10

http://www.lemonde.fr/economie/article/2010/06/21/le-vietnam-tente-de-resister-a-l-expansionnisme-de-l-empire-du-milieu_1376249_3234.html

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