La Chine et le Vietnam : querelle à propos d’un archipel

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Dans le domaine des conflits géopolitiques, les îles stériles Paracels n’ont qu’un lointain rapport avec les montagnes du Cachemire ou les ruelles de Gaza. Réclamé par la Chine et le Vietnam, l’archipel comporte au milieu de la mer de Chine méridionale quelque 30 minuscules parcelles de terre portant des noms inoffensifs comme l’Île boisée (Woody Island) et le Récif de l’antilope (Antelope Reef). Personne n’y vit, et rien n’indique que des ressources naturelles lucratives se trouveraient sous ses lagunes et récifs. Mais, les experts disent, à un moment où les économies régionales prospèrent – et les sentiments nationalistes s’exacerbent – les Paracels et les îles Spratly plus au sud, fortement contestées, demeurent un point de friction dans cette partie du monde où la balance traditionnelle des forces penche de plus en plus en faveur de la Chine.

La tension a monté récemment, la semaine dernière, quand le gouvernement chinois a annoncé qu’il commencerait à développer le tourisme de luxe sur quelques îlots des Paracels, en tant qu’élément d’un nouveau plan ambitieux pour attirer des touristes de partout dans le monde vers Hainan, une île et province chinoise proche de la côte méridionale du continent. Mais tandis les planificateurs rêvent de créer une Hawaï chinoise – les eaux limpides des Paracels sont une destination de luxe potentielle pour des plongeurs – le projet annoncé a déclenché presque immédiatement un raidissement de Hanoï. La Chine a gardé la main sur l’archipel depuis qu’elle s’en est emparé en totalité avec des canonnières en 1974, mais le Vietnam s’est obstinément accroché à ses réclamations territoriales de longue date sur l’archipel. Le 4 janvier, un porte-parole vietnamien du ministère des Affaires étrangères a déclaré que la possibilité de touristes chinois pratiquant la plongée autour d’une crique des Paracels « viole sérieusement la souveraineté du Vietnam ». Les fonctionnaires chinois ont écarté les protestations vietnamiennes, prétendant que cela ne concernait que le développement économique de la Chine.

La prise de bec est peut-être mineure, comparée aux incidents du passé – les deux pays se sont affrontés dans une guerre de frontière sanglante en 1979, et en 1988 une bataille navale près des Spratlys a laissé 70 marins vietnamiens morts. Mais elle survient alors que la puissance chinoise s’accentue dans la région. Ralf Emmers, un expert sur la mer de Chine méridionale et professeur agrégé à l’école des Études Internationale S. Rajaratnam à Singapour, dit que la tactique chinoise du tourisme vise « à transformer ses prétentions à la souveraineté sur ces îles en un fait accompli. » Les spécialistes du Vietnam indiquent une escalade des tensions depuis l’achèvement en 2007 d’une base submersible chinoise stratégique sur l’île de Hainan, à guère plus de 200 kilomètres du rivage oriental du Vietnam. La base a permis à Pékin de projeter sa puissance non seulement dans ses environs, mais également au-delà, dans les océans Pacifique et Indien. L’année dernière, la Chine a détenu 25 pêcheurs vietnamiens qui se trouvaient près des Paracels ; ils ne furent libérés qu’après des semaines des manifestions au Vietnam. Les fonctionnaires chinois auraient également fait pression sur les compagnies multinationales afin d’éviter qu’elles ne concluent des contrats avec Hanoï pour explorer des ressources en mer de Chine méridionale, ou, comme le Vietnam l’appelle, en Bien Dong (mer Orientale).

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L’irritation vietnamienne face à ce que beaucoup voient comme un empiétement chinois a conduit le gouvernement vietnamien à renforcer ses propres capacités navales. Le mois dernier, il a signé un contrat de 2 milliards de dollars avec Moscou pour acquérir six sous-marins russes de classe Kilo. Le gouvernement fait également des plans pour améliorer sa défense côtière et pour mieux protéger la flottille de pêche vietnamienne. Toutefois, considérant la taille de la Chine et sa richesse, on évoque rarement une course aux armements dans la région. Le « Vietnam est victime de la tyrannie de la géographie. Il est comparable à une province chinoise de taille moyenne, » dit Carl Thayer, une autorité sur les questions militaires vietnamiennes à l’Académie australienne de la Défense. « Si l’éléphant décide vraiment de se déplacer, les Vietnamiens seront écrasés. »

Un conflit ouvert, naturellement, est improbable étant donné le degré d’intégration économique en Asie du Sud-Est. Les relations Sino-vietnamiennes dans la plupart des domaines sont aussi robustes qu’elles furent jadis. Mais les observateurs s’inquiètent que les gouvernements n’aient pas encore réussi à arbitrer ce conflit maritime. En 2002, la Chine a signé un code de conduite avec l’Association des Nations Asiatiques du Sud-Est (ASEAN), dont le Vietnam est membre, s’engageant à s’abstenir d’activités qui déstabiliseraient le statu quo fragile en mer de Chine méridionale. Peu de parties ont respecté l’esprit de l’accord. Les Spratlys, un chapelet d’îles bien plus grand que les Paracels, sont réclamées par la Chine, le Vietnam, les Philippines, la Malaisie, Brunei et symboliquement par Taiwan, et ressemblent à un panneau de jeu de risque avec des territoires saisis pêle-mêle au cours des années dans une bousculade pour acquérir terre et influence. La Malaisie a installé un centre de plongée sur un de ses propres récifs, alors que la plupart des autres nations ont des postes militaires sur leurs îles. « Le modèle d’ASEAN a été plus ou moins inutile, » dit Simon Shen, un professeur des relations internationales à l’université chinoise de Hong Kong. « Le discours officiel est [pour les nations impliquées] de codévelopper [les îles], mais c’est presque impossible étant donné le nationalisme que les disputes inspirent ».

En Chine et au Vietnam, en particulier, les internautes nationalistes ont fait pression sur leurs gouvernements pour rester fermes sur les questions de souveraineté. Les deux côtés ont exhumé à partir d’archives des indices censés rattacher ces amas de roches inhabitées en mer aux gloires des dynasties antiques et des empereurs. Pour Hanoï, le sujet est devenu particulièrement sensible alors qu’une catégorie de dissidents – des moines bouddhistes aux militants protestant contre l’exploitation de la bauxite – ont pris la cause des archipels, accusant le parti communiste de les céder à la Chine lors de chaque acte de consentement. « Le pouvoir vietnamien brûle la bougie par les deux bouts, » dit Thayer. « Il doit rechercher un équilibre entre la réalité de la situation et un sentiment national en hausse et éviter d’être déconsidéré ».

Cette marche sur une corde raide aussi périlleuse signifie que Hanoï – comme d’autres gouvernements réclamant les Spratlys et les Paracels – doit mesurer ses actions soigneusement. « Le vrai risque en mer de Chine méridionale, » dit Emmers, « est celui d’une erreur de calcul qui pourrait mener à des escarmouches et à un affrontement ». Comme les signes significatifs de coopération sont rares, la majorité des observateurs s’attendent à une poursuite de cette consolidation tacite d’intérêts – comprenant l’expansion économique de la Chine dans les Paracels. Le déroulement de ce jeu d’échecs pourrait avoir de plus larges ramifications tandis que les militaires chinois accentueront leur force et leur influence dans les prochaines décennies. « C’est une intéressante préfiguration de ce que la puissance navale chinoise pourrait devenir, » dit Emmers. « et pas simplement en mer de Chine méridionale ».

http://www.time.com/time/world/article/0,8599,1953039,00.html#ixzz0cc2QKQEa

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