« Peur et paranoïa » : Comment le Vietnam contrôle ses médias

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Al Jazeera ­| Faras Ghani | 20 Mai 2019

« Le niveau de terreur augmente fortement. » En parallèle, le Vietnam se classe au 176ème rang sur 180 pays selon l’Indice de Liberté de la Presse 2019.

Nguyen Hang[i] se souvient de son premier jour en tant  « qu’assistante de presse » en 2008 pour une publication internationale au Vietnam.

On lui avait demandé d’assister à une réunion avec la police, qui lui a demandé de signer un papier affirmant que son nouvel emploi consistait à protéger le pays.

« Je n’avais jamais pensé que ce bout de papier me suivrait partout », a déclaré Hang à Al Jazeera. « Chaque fois que je prévoyais de faire quelque chose qui ne plaisait pas aux autorités, ces dernières s’en servaient pour m’en empêcher ».

Mme Hang a déclaré qu’elle avait été menacée à de nombreuses reprises par des agents des services de renseignement. Elle a cependant ajouté qu’elle n’était pas la seule victime des répressions pour restreindre la liberté de la presse dans ce pays du Sud-Est asiatique.

L’environnement médiatique vietnamien est l’un des plus rudes en Asie, selon l’ONG de défense des droits financée par le gouvernement américain Freedom House, qui a qualifié le statut de la liberté de la presse dans le pays de « non libre ».

L’Indice Mondial de la Liberté de la Presse 2019 a classé le Vietnam au 176ème rang sur 180 pays, soit un recul d’une place par rapport à l’année dernière.

L’organisme ayant publié la liste annuelle, Reporters Sans Frontières, a déclaré que « le niveau de terreur a fortement augmenté ces deux dernières années, avec de nombreux journalistes citoyens emprisonnés ou expulsés en raison du poste qu’ils occupaient ».

« Au moins 30 journalistes et blogueurs sont actuellement détenus dans les prisons vietnamiennes, où les mauvais traitements sont monnaie courante » a-t-il ajouté.

Les partis politiques indépendants et les syndicats sont interdits dans le pays communiste.

Selon Phil Robertson, directeur adjoint de Human Rights Watch en Asie, le gouvernement vietnamien reste « l’un des plus intolérants de la région ».

Divers journalistes ayant parlé à Al Jazeera ont indiqué que des directives étaient données à l’intention des reporters et que des responsables du gouvernement les accompagnaient lors de leurs reportages.

« Les représentants des organes de presse étrangers qui se rendent en dehors de la capitale Hanoi ont besoin d’une autorisation officielle pour voyager et sont priés d’indiquer les sujets des articles sur lesquels ils travaillent, les personnes qu’ils vont rencontrer et les questions qu’ils poseront », ont-ils déclaré.

« Je me suis déjà rendu à la frontière sino-vietnamienne en tant que touriste ainsi qu’au marché noir », a déclaré Nguyen Phuong Linh, qui a quitté le Vietnam en 2014 après avoir y travaillé comme journaliste pendant six ans.

« Je voulais écrire un article à ce sujet, mais j’avais peur de rencontrer des démêlés avec les autorités parce que je n’y étais pas allée en tant que journaliste, avec une autorisation du ministère. Je me suis donc abstenue de publier le papier que j’avais écrit. »

 

« Mon périple pour un Vietnam libre continuera, peu importe où j’habite. »
La journaliste et blogueuse vietnamienne Nguyen Ngoc Nhu Quynh, également connue sous son pseudonyme Me Nam ou « Mother Mushroom », a reçu le Prix International de la Liberté de la Presse décerné par le Comité pour la Protection des Journalistes (CPJ) le 20 novembre 2018.

– Comité pour la Protection des Journalistes (@pressfreedom), 25 novembre 2018

 

Les autorités ont également été accusées de recourir à des tactiques d’intimidation contre les journalistes, tandis qu’une surveillance stricte a contraint beaucoup de personnes à s’autocensurer et a créé une ambiance générale « de peur et de paranoïa ».

Certains journalistes ont souvent travaillé sur des reportages « sensibles » sans avoir été crédité, tandis que d’autres ont refusé de répondre aux demandes ou de travailler sur certains reportages jugés dangereux, notamment ceux traitant de questions politiques.

Le gouvernement et le parti communiste au pouvoir possèdent la majeure partie de la presse du pays. Il existe plusieurs médias privés, mais ils sont étroitement contrôlés par l’État.

En raison de la répression et des restrictions imposées par le gouvernement, les gens se sont tournés vers les réseaux sociaux pour accéder aux actualités et aux informations, selon Viet Tan, une organisation vietnamienne pro-démocratie non autorisée au Vietnam.

« De plus en plus d’individus deviennent des journalistes citoyens et des commentateurs sociaux, offrant ainsi un espace de discussion en ligne. Pendant les périodes politiquement sensibles, les gens utilisent fréquemment Facebook pour suivre des près les problèmes qui ne sont pas couverts par les médias contrôlés par l’État », a déclaré Duy Hoang, porte-parole de Viet Tan.

 

« Le Vietnam a perdu une place dans le nouvel Indice Mondial de la Liberté de la Presse établi par Reporters Sans Frontières. Il est désormais 176ème sur 180, en-dessous du Soudan et au-dessus de la Chine. » https://t.co/pVA5T3pJAT

– Mike Tatarski (@miketatarski) le 18 avril 2019

 

Citant des raisons de « restrictions légales locales », Facebook a toutefois bloqué l’accès à certains messages sur la santé du président vietnamien, tout en censurant les messages du blogueur populaire Nguoi Buon Gio, selon Viet Tan.

« Si les internautes vietnamiens utilisant Facebook ne peuvent plus lire ou discuter de la santé de leurs dirigeants politiques, l’avenir de la plateforme Facebook au Vietnam ne semble pas encourageant », a déclaré Viet Tan dans une lettre ouverte à Facebook plus tôt ce mois-ci.

« Il est essentiel de demander des comptes aux grandes entreprises tech telles que Facebook, afin de s’assurer qu’elles ne soient pas complices de la restriction de la liberté d’expression », a déclaré Duy Hoang.

Un peu plus tôt ce mois-ci, Amnesty International a annoncé que le nombre de prisonniers de conscience au Vietnam avait augmenté d’un tiers au cours de l’année écoulée en raison de la répression continue des critiques du gouvernement.

Amnesty a précisé que les militants étaient principalement inculpés en vertu de l’article 117 du nouveau Code Pénal mis en œuvre en 2018. Ce dernier interdit « la fabrication, le stockage ou la diffusion de matériels et produits visant à s’opposer à l’État de la République socialiste du Vietnam ».

Des instructions hebdomadaires

Tous les mardis, des responsables du ministère de l’Information ont une réunion avec les rédacteurs en chef pour discuter des actualités à venir et des restrictions en vigueur.

Les directives sont ensuite transmises au reste des niveaux hiérarchiques.

« Ceux qui y transgressent sont inévitablement avertis, condamnés à une amende et, s’ils persistent, suspendus ou même emprisonnés », a déclaré Carl Thayer, professeur émérite à l’Université de New South Wales.

En juillet 2018, le site Web du journal Tuoi Tre a été contraint de suspendre ses opérations pendant trois mois pour « atteinte à l’unité nationale pour avoir imputé au président des propos que les autorités prétendent qu’il n’a pas tenus », a déclaré Thayer.

« Les blogueurs et les journalistes indépendants qui publient sur Internet sont traités de la même manière” » a-t-il déclaré.

Un journaliste de Tuoi Tre a déclaré à Al Jazeera que les reporters avaient immensément souffert des interdictions.

« Il ne s’agissait pas seulement de ce que le journal disait, il s’agissait davantage de rappeler aux autres organes de presse de faire attention à ce qu’ils disent”, a déclaré le journaliste, qui souhaitait rester anonyme.

« Dans une certaine mesure, nous avons encore du mal à obtenir nos chiffres et nous sommes nettement plus prudents lorsque nous publions. Je pense que ceux qui voulaient que nous soyons suspendus ont obtenus ce qu’ils voulaient dans une certaine mesure. »

Les ministères vietnamiens des Affaires Étrangères et de l’Information ont refusé de commenter ces allégations.

La journaliste Linh a déclaré que la situation des journalistes dans le pays s’était aggravée.

« Le gouvernement vietnamien donne l’impression qu’il s’ouvre à la liberté de la presse, mais cela devient en réalité de plus en plus strict », a-t-elle déclaré.

Source : Al Jazeera

[i] Les noms ont été changés pour protéger leur identité

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